carburants et tennis
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Il me faudrait bien modifier quelques détails du libellé de mon projet de carnet, car il y a toujours, à Sanmaur, d’autres vestiges que ceux que j’y évoque. Par exemple, le 3 novembre 2007, de passage à cet endroit, j’y ai découvert une structure d’acier et de béton, fort probablement celle qui soutenait un gros réservoir d’essence installé le long de la voie de garage, à la limite est du village, traces plus qu’évidentes des activités laborieuses des gens de la Brown Corporation durant les années 1940 et 1950, et même 1960, si j’en crois Paul Tremblay, qui lui-même, dans sa jeunesse, a fait dans le pétrole jusqu’au début des années 1970, car il livrait de l’essence dans des camps de la C.I.P. pour son père Wilbrod, responsable, pour la région de Sanmaur, de distribuer les produits de l’agence ESSO IMPERIAL dont le concessionnaire à La Tuque était Edmond-Louis Bouchard..
La végétation, particulièrement trembles et aulnes, a repris possession des lieux, enveloppant cette structure vieille de 60 ans. Le territoire a presque repris son aspect sauvage.
Sanmaur, 3 novembre 2007. Photos : Pierre Cantin
La photo qui suit, tirée des archives de la Brown, est de novembre 1949. Elle est prise en direction du nord-est. De gauche à droite, l'office, c'est-à-dire l’édifice abritant la comptabilité et le bureau d’engagement, avec, au sous-sol, une espèce de dortoir pour les bûcherons en transit, (notez les deux portes, à gauche), puis un campe, la coukerie, grande salle à manger au rez-de-chaussée et chambres d’employés à l’étage, ensuite le «staff house», où logeaient certains cols blancs célibataires, et l’enclos réservé aux carburants et le réservoir principal. Au fond, vers la rivière, derrière la coukerie, le garage.
Sur la suivante, prise vers 1948, à partir de la butte jouxtant la gare du Canadien National et au sommet de laquelle avait trôné la résidence du surintendant devenu un immeuble à deux logis – l’élévation fut aplanie l’année suivante –, on aperçoit le réservoir dont je parle et son emplacement, immédiatement à la gauche du long bâtiment de tôle qui logeait le «store», érigé le long de la voie de garage du Canadien National, elle-même parallèle à la voie ferrée principale, voie qui a servi, vers 1915, à déposer, sur la Saint-Maurice, exactement à la base droite du pont routier menant actuellement à Wemotaci, quantité de matériel de la Fraser-Brace, dont des bateaux achetés de Jean-J. Crête, lequel servira à la construction de l’imposant barrage de rétention de La Loutre.
Cette scène, agrandissement d’une carte postale qui a dû faire partie d’un jeu de quatre ou cinq (l’école, l’église, maisons de la Brown… ) mise sur le marché, date de la fin des années 1940, était accrochée à l’un des murs du rez-de-chaussée de l’ancien presbytère quand je l’ai photographiée, en mai 2006. On peut voir, en avant-plan que le tracteur à chenilles, partiellement visible à droite, a entrepris de gruger la butte qui sera complètement aplanie quand ma famille arrivera à Sanmaur, depuis Chaudière.
Cette photo, pas très réussie, car je l’ai prise pendant le visionnement d’une courte vidéo réalisée par la télévision de Radio-Canada, en 1956, et dont Jean-Pierre Ricard m’a remis une copie, montre un groupe de bûcherons débarqués du train de nuit en provenance de La Tuque et attendant de monter à bord de l’autocar de la Canadian International Paper pour être conduits à leur campement. Le véhicule semble avoir conservé ses couleurs de la Brown. Sur la façade de la bâtisse : «Canadian International Paper Co. Sanmaur». Visible, en partie, le côté sud de l’immeuble à cinq logis. Les fenêtres sont celles du salon et de la chambre des maîtres de celui des familles de John Lacasse et d’Émile Cantin.
* * *
Le tennis
À ma visite de mai 2006, j’avais repéré un des poteaux porteurs du filet de tennis, déjà en place en 1948 [1] et j’y avais récupéré, en guise de souvenir, le câble de cuivre qui soutenait l’un des filets, artéfact que j’ai oublié de mentionner auparavant dans mon carnet.
Le carnetier recueillant pieusement le précieux artéfact. Soigneusement mis en place dans le béton, plus d’un demi-siècle plus tôt, le poteau et la poulie ont su résister à l’usure du temps.
Sanmaur, 21 mai 2006. Photo : Jean Cantin.
Le tennis était situé entre la maison du chef de gare et le chemin principal menant à la rivière Manouane, à la hauteur du duplex qui logeait le bureau de poste et la famille d’Alfred Dubé et celle de Bruno Carrier.
Michel Ross s’élançant pour le service sur le jeu de tennis. À l’arrière-plan, le club social, construit vers 1953, à côté de la patinoire.
Photo aimablement fournie par Michel.
La famille de Joseph Ross, qui fut surintendant de la Brown à Windigo et à Sanmaur, habitait le duplex en face de chez nous. Michel et sa sœur faisaient partie du groupe d’enfants qui s’agitaient autour du cinq logis et dans le boisé avoisinant. J’ai en réserve de nombreuses photos de ces séances de jeux.
Michel est devenu pilote et a entrepris sa carrière en effectuant des patrouilles pour le compte de la St. Maurice Forest Protective Association. Sa famille habitait juste en face de l’édifice à cinq logis où créchaient celles d’Alfred Beaupré, de Jean Lacasse, d’Oscar Doré et d’Émile Cantin. Il est resté très attaché à la géographie nordique de son enfance [2] et l’un de ses fils a épousé Eva Ottawa, la première femme amérindienne à devenir grand chef et présidente du Conseil de la nation atikamekw, responsable, donc, de trois réserves : Wemotaci – en face de Sanmaur –, Manawan (Manouane) et Obedjiwan.
La prochaine photo, prise en direction du sud-ouest, permet de voir, à droite, en haut, les hautes clôtures grillagées du jeu de tennis, puis la maison du chef de gare et celle-ci. On devine quelques constructions au sud de la voie ferrée : ce sont des installations de la Canadian International Paper.
Pierre et Robert Cantin et l’une de leur deux voitures à pédales, bleu ciel, cadeaux de l’oncle Donald Lee apportées de Québec. Guère pratiques, cependant, ni très mobiles, dans le mou gravier, car les surfaces de béton ou de bitume s’avéraient rarissimes au dépôt Sanmaur. Ces jouets nous ont cependant procuré des heures et des heures de plaisir.
Photo : Maizy Lee Cantin, automne 1950.
[1]
Guy Hamel, au poste de télégraphie d’EXPORAIL, dont la disposition est identique à celui qui se trouvait dans la gare de Sanmaur en 1948. Saint-Constant, 2009.
Jean-Guy Hamel, le tout premier à m’envoyer de l’information et des photos après avoir lu mon appel à tous dans le cahier des visiteurs des mémoires de Maxime Comtois, un médecin qui a pratiqué à La Tuque. Guy est presque un hyperactif, fameux instructeur de télégraphie, un art qu’il pratiqua à Sanmaur, en 1948, lors d’un séjour de six mois à la gare de ce patelin, et un bénévole infatigable d’EXPORAIL, Le Musée ferroviaire canadien, à Saint-Constant (http://www.exporail.org/public/index.asp). Guy avait 20 ans, en 1948, et il se rappelle avoir donné des leçons de tennis à des gens de la Brown.
[2]
Michel quitte occasionnellement son domicile de Pointe Bleue (Mashteuiatsh) pour retourner dans le Nord y piloter des avions de brousse. C’est d’ailleurs du lac Egenolf, sur la rivière North Seal, à la frontière du Manitoba et du Nunavut qu’il vient de m’envoyer quelques photos, dont celle-ci, prise le 20 juillet dernier.
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