mercredi 30 avril 2008

DES KAKIS EN HAUTE-MAURICIE (BIS)


Ma documentation sur la Haute-Mauricie et son histoire, la grande et la petite, continue de s’accumuler. Ainsi, une courte visite dans ce qui fut, dans une vie antérieure, l’une de mes deux repaires « intellectuels », la bibliothèque Morisset de l’Université d’Ottawa – l’autre ayant été cette petite pièce où j’avais rassemblé les éléments de ma « ferronnerie », une espèce de lieu extra terrestre situé à quelques pas de l’ascenseur, au quatrième étage de ce qui s’appelait alors la Bibliothèque nationale, rue Wellington, dans la grande Hutte-à-Oies, et où j’eus comme voisin l’ancien chef du Nouveau Parti démocratique, David Lewis, personnage affable et sympathique –, courte visite, donc, qui m’a permis de zieuter une vingtaine d’articles de revues sur les sujets qui occupent les octets de ce carnet.

Pas de grandes trouvailles, donc, dans tous ces articles savants, mais quelques détails et anecdotes qui pourraient ajouter à la substance de prochains épisodes.

Mattawanie, Manouanie (j’ai trouvé le terme dans un essai autobiographique d’une dame qui enseigna à Sanmaur en 1953 et sur qui je reviendrai), Amérindianie, Indianie, Franco-Amérindianie, Iroquoisie, tous toponymes évocateurs et inspirants qui s’ajoutent à la nomenclature des provinces telle qu’établie par l’immense écrivain national Jaques Ferron. Pour l’Admirable Docteur, le Québec est en effet un pays constitué de provinces : la Mauricie, la Gaspésie, l’Abitibi, etc.

Je crois bien que je vais intituler «LATUQUOISERIES» cet autre carnet que j’ai l’intention d’éditer sur La Tuque, où j’ai tout de même passé quelques années de mon enfance et mon adolescence. Comme je l’ai déjà mentionné, j’ai beaucoup de matière.

Je pourrais faire ainsi le pont avec ma page kaki précédente et la présente, de même qu’une prochaine relation, plutôt une évocation, du seul camp scout que je fis avec la troupe latuquoise en signalant le décès, l’an dernier, de celui qui était son aumônier en 1957, Louis-Philippe Pelletier. La notice est un extrait du bulletin des anciens du Séminaire Saint-Joseph, Le Ralliement.

Pour l’instant, quelques ajouts iconographiques au débarquement de kaki personnages en Mauricie. J'en présenterai d'autres dans le cadre d'épisodes sur Sanmaur et la Manouane.

Lors de cette sortie d'août 1960 du clan routier, nous avions marché tout un après-midi, sous un soleil de plomb, pour nous rendre dans les hauts de la rivière aux Rats. Là, nous étions montés de nouveau dans la boîte à ridelles de notre autocar de campagne, un camion Ford de la Consolidated. En cours de route, le bolide a glissé hors de l'étroite piste. Nous l’avons échappé belle. Personne de blessé : nous avions notre ceinture scoute bien bouclée… Le grand dieu de la route devait être de cette route...



L’aumônier Émile Descôteaux examine la situation : non, le goupillon
ne pourra extraire l'engin de son pétrin. Photos : Pierre Cantin


Nous nous sommes quand même rendus à une vieille cambuse, vétuste installation, à l’embouchure de la rivière aux Rats, où nous avons passé la nuit, à la dure, la hanche posée sur le béton…Le lendemain, nous repartions pour La Tuque, puis Sanmaur.


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SAINT-ALEXIS-DES-MONTS

(MASKINONGÉ)

Quelques réminiscences du deuxième et dernier camp scout de ma carrière de disciple de Robert Baden-Powell, pas le guitariste, mais bien Bipi, fils de pasteur de son état.

[Érection de la porte d’arche principale du camp scout de Saint-Alexis-des-Monts.
De haut en bas, le chef, Jean Villeneuve, les intendants Louis Olivier
et Michel Piché, tous deux de La Tuque. Juin 1960. Photo : Pierre Cantin
Michel Piché, au boulot, dans son intendance, à Saint-Alexis-des-Monts,
juin 1960. Photo : Pierre Cantin

Louis Olivier, attendant un « pouce », le 30 juin 1969, sur la route 19, à Mattawin. Son père fut l’un des propriétaires de la compagnie qui livra, vers 1956, à la population latuquoise, dans des boîtes à images, d'illustres communicateurs comme René Lévesque et Fernand Séguin, sans compter l'ineffable Michel Normandin qui, le mercredi soir, décrivait les match de catch impliquant une bande de gros gars en caleçon se frictionnant le mollet (entre autres, les "bons" Yvon Robert et Larry Moquin infligeant de cuisantes (bien sûr) raclées à de "méchants" étrangers comme Yukon Eric et Vladek «Killer» Kowalski, mais aussi à un traître, le sinistre Bob Langevin), et, le samedi soir, encensait les exploits tricolores des Jacques Plante, Maurice Richard et autres Bienheureux Glorieux de la Sainte-Flanelle affrontant leurs éternels ennemis membres du club des Ailes rouges, dont le magnifique cerbère Terry Sawchuk, le détestable Gordie Howe et son copain, Ted « le Terrible » Lindsay. Photo : Pierre Cantin


À gauche, le
À gauche, le "bon" Yvon Robert livre quelques conseils
pratiques à un coéquipier. Carte Parkhurst de 1956.



Le méchant Yukon Eric , discret de son anatomie, "luttait"
le plus souvent en jean. Ici, il frictionne un catcheur plutôt timide,
un cagoulé sans doute apeuré à l'idée que sa mère le reconnaisse
en petite culotte.
Une autre carte Parkhurst de 1956.
Mon frère Robert et moi en
avions réuni un jeu complet. Il vaut une fortune aujourd'hui.


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LA LOUTRE

Émile Descôteaux et un collègue de travail du STR, Jean Panneton,
alors « maître de salle », en compagnie du chef du clan, Jean Isabelle, et
d’enfants attikamekw, à Obidjuan.
Curieusement, ces derniers
sont « jouqués » sur un tas de dormants.

Il n’y a aucun tracé de chemin de fer dans un rayon d'une centaine de
kilomètres. Il s'agissait sans doute de matériaux récupérés de l'ancien
tronçon Chaudière - La Loutre, construit par la Fraser-Brace et démantelé à la
fin des années 1930.
Photo : Pierre Cantin

[ Au retour d’Obidjuwan, à bord du Wapoose, piloté par lecapitaine Skeene,
vue du barrage
Gouin. Impressionnant plan d'eau. Photo : Pierre Cantin

[ Deux vues du barrage Gouin, août 1960. Photos : Pierre Cantin


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Longue et intéressante conversation téléphonique, l'autre jour, avec Guy Beaudoin, dont le père, Phil Beaudoin, expert mécano en diesel, a habité à La Loutre où il avait marié Paulette Giard, en 1931. Il était donc le beau-frère de Jerry McCarthy. Voici que mon répertoire des ressources humaines sur la Haute-Mauricie d'enrichit d'un précieux ajout. Guy travaille à établir une chronologie détaillée de la vie au barrage Gouin, qu'il a l'intention de me refiler.

NOTES

Hutte-à-Oies – Ce calembour toponymique est du regretté historien Pierre Savard (1936-1998), bêtement décédé d’une erreur médicale dans un hôpital de la grande Hutte. Il était un homme d’une grande simplicité, d’une immense affabilité, d’une disponibilité sans limites, Nombreux furent les coups de fil que je lui ai passés pour qu’il me renseignât sur tel ou tel aspect obscur de l’histoire sociale québécoise à une époque où Internet n’était pas encore accessible. Il m’aura été d’une aide incommensurable dans la préparation de mes éditions ferroniennes.

[http://www2.banq.qc.ca/rfq/savard.htm] – [http://www.crccf.uottawa.ca/fonds/P124.html]- [http://agora.qc.ca/encyclopedie/index.nsf/Impression/Pierre_Savard].

« Pierre Savard, un ancien de la troupe Laval, est l'un des rares historiens québécois à s'être penché sur la naissance et l'essor du scoutisme au Québec. Auteur d'au moins quatre articles sur le sujet [4], Savard ne s'est pas intéressé en premier lieu a la formation offerte par le scoutisme, mais plutôt au contexte et aux facteurs qui ont conditionné son implantation; dans son dernier article portant sur la Route, il accorde cependant une certaine place à la formation religieuse des scouts ainés, membres de cette branche. » - Raphael Thériault

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J’ai eu beau fouiller un peu partout dans mes affaires, je ne suis pas arrivé à retrouver le vieil appareil photo Kodak de ma mère, celui qu’elle m’avait prêté pour la route sur la Mattawin et la Saint-Maurice. Je suis allé voir dans Internet pour y en dénicher une photo. J’ai trouvé ceci.

Je réussissais de meilleures photos avec mon appareil YASHIKA-A; les « portraits » des intendants Piché et Olivier en sont d’éloquentes illustrations. L'appareil s'avérait toutefois fort lourd.


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Énigmatique lien iconographique avec un éventuel épisode de mes Latuquoiseries. Le mystère sera élucidé lors de l’évocation de mon camp de l’été 1957, à Rivière-aux-Rats …musqués. Un indice : l’un des assistants-scoutmestres lors de ce festival de maringouins fit carrière dans la sûreté municipale.

samedi 12 avril 2008

DÉBARQUEMENT DE KAKI EN ...MAURICIE (1960)

Un long, long épisode de ce carnet qui se veut sanmaurien, mais…

Une chemise qui a du kilométrage dans les coutures : c’est celle du carnetier…


18 août 1960, vers midi.

Très exactement en face de l’embouchure de la Mattawin, sur la rive est de la Saint-Maurice, le long de la route 19 – qui deviendra la 155 –, devant le restaurant qui s’y trouvait, espèce de relais médian entre Grand-Mère et La Tuque – alors ville terminus de la vallée –, rassemblement d’un groupe de jeunes gens, la majorité en culotte courte, le mollet couvert d’un bas d’une rugosité plutôt achalante, le torse enveloppé d’une chemise scoute kaki « écussonnée », à manches courtes, le col encerclé d’un foulard non moins scout aux couleurs du vénérable Séminaire Saint-Joseph, mieux connu sous le sigle de STR,

c’est-à-dire le Séminaire des Trois-Rivières – qui célébre justement son centenaire, qui fut l’alma mater de Maurice Le Noblet Duplessis –, le vert et l’or, finalement, le chef protégé par un béret approximativement basque. Ils sont « montés » de Saint-Tite, de Sainte-Thècle, de Louiseville et de presque tous les villages de la Basse-Mauricie. Bref un rallye de Mauriciens. Il n’y manquait sans doute que l’ecclésiastique Albert Tessier, professeur, historien, écrivain et cinéaste, celui créa ce beau toponyme de MAURICIE et l'attribua à la vallée qui étend ses splendeurs de La Loutre à Trois-Rivières et qui a œuvré, d’éloquente façon, à la faire connaître. Un grand bonhomme, bas sur pattes, dont je servis la messe à quelques reprises. Un recordman de l’exercice sacrificiel: d’ordinaire, il expédiait l’office en moins de 17 minutes. L’apothéose pour un pensionnaire, c’était d’être servant, le dimanche matin, solution idéale pour échapper à l’interminable grand-messe. En s’agenouillant à la droite du prélat domestique Tessier, c’était le pied.

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Les gars en kaki s’apprêtent à franchir la Saint-Maurice à Mattawin. Photo: Pierre Cantin

Deuxième à gauche, Michel Piché, à qui, un jour ou l’autre, nombre de Latuquois et de Latuquoises ont dû tendre un colis ou une enveloppe pour s’assurer de son poids et de bien l’affranchir, car il a longtemps travaillé au «vrai» bureau de poste de la Reine de la Moyenne-Mauricie, rue Saint-Joseph. Photo: Pierre Cantin.


Les aventureux bipèdes appartiennent au groupe Jacques-Buteux, pour la plupart, des membres du clan. Les accompagnent, pour l’occasion, deux ou trois robes noires ou apprentis curés et d’autres quidams qui ne semblent guère avoir le mollet scout, qui se sont invités à cette sortie qui s’annonce résolument forestière C’est la ballade annuelle d’été du groupe : cela s’appelle une «route»; les jeunes gens, eux, des «routiers». Pas mal de monde, mais pas tellement de véhicules motorisés pour le transport. C'est que la route, quand elle adopte la voie formatrice du scoutisme, elle se déambule à pied, beaux temps, mauvais temps, en meute : «Frappe la route, Jacques!» (air connu de Ray Charles).

Avant l’invention du code postal…


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Il fait donc très beau en ce 19 août. Et mes vacances estivales, déjà écourtées d’une semaine par les examens de l’immatriculation au baccalauréat de l’Université Laval, furent carrément gâchées par le rôle d’ASM (déjà les sigles) que je dus interpréter. Je fus en effet le troisième assistant-scoutmestre de Jean Villeneuve, le SM, scoutmestre, et, à ce titre, chef de la troupe 29e Jacques-Buteux, à l’occasion d’un affriolant festival de la mouche noire, du brûlot et du maringoin réunis, à Saint-Alexis-des-Monts, du 17 au 30 juin. Deux semaines à nourrir, à la paille fine, les voraces moustiques du coin, lesquels bossent sur des quarts de travail, trop heureux d’accueillir ces touristes forestiers.

Adeptes plus ou moins volontaires de la secte badenpowellienne trifluvienne offrant, en guise de sacrifice aux divinités ailées des forêts du comté de Maskinongé, leurs mollets comme stations de sang libre-service. Les turbines de ces bestioles fonctionnaient au « rouge ». Quelque part, donc, dans les bois de Saint-Alexis-des-Monts, juin 1960. Photo : Pierre Cantin.

Décidément, au STR, il ne manquait qu’une meute de louveteaux!


À peine guéri de mes ponctions moustiquaires, je fus de nouveau obligé de me déguiser en éclaireur, de revêtir l’uniforme, de quitter le havre familial et de reprendre du service. Sur le pouce ? En autocar ? En compagnie de mes camarades latuquois Michel Piché et Jérôme Evoy? J’avoue ne plus m’en souvenir. Une photo prise à Saint-Alexis, me rappelle que Michel avait été l’un des intendants de ce camp.

Je reviens à Mattawin, donc, où le groupe de routiers s’apprête à monter à bord d’un traversier, d’un « chaland », disions-nous à Sanmaur, quelques années plus tôt, pour franchir la Saint-Maurice. Une fois sur la rive ouest, le groupe montera dans la boîte d’un camion de la Consolidated Bathurst, qui le mènera au « dépôt » Chapeau-de-Paille, là où se trouvent des installations de la papetière.



Dépôt Chapeau-de-Paille, le 19 août, notre autocar décapotable à une étoile pâlissante s’apprête à prendre un chemin de brousse pour déposer les kaki quelque part près de la source de la rivière aux Rats. Deuxième, à partir de la droite, Jérôme Evoy, résidant de la rue Castelneau, à La Tuque. Photo : Pierre Cantin

Longue entrée en matière pour greffer ces quelques photos de La Loutre, question de me raccorder à mon carnet haut-mauricien. Les photos, pas terribles, furent prises avec l’appareil-photo de ma mère. Il fallait être bigrement habile pour appuyer sur le déclencheur, placé juste au-dessus de la lentille, à un kilomètre, tout à l’avant de la boîte, sans faire bouger toute l’affaire.

Le barrage Gouin, à La Loutre, 23 août 1960, vue de la rive ouest. Photo : Pierre Cantin.

Curieusement, je n’ai que de rarissimes fragments de souvenirs de cette virée nordique, effectuée plutôt à contrecœur. Après dix mois de cohabitation intensive, à vivre en serre, baraqué dans un immense pensionnat, si prestigieux fût-il, j’aurais bien aimé profiter d’un plein été de vacances. L’été suivant, je travaillai à la division du FRÊT du Canadien National, à La Tuque, à tire de commis de nuit et de préposé aux bagages des deux convois de passagers. Adieu, randonnées pédestres à 40 degrés Celsius, sac au dos et chants simplistes…
Tiens, Jean Villeneuve, mon SM à Saint-Alexis, redevenu, comme moi, un routier sans grade, anonyme marcheur du clan, réfléchissant à son avenir. Il fera notaire dans la vraie vie. De mon côté, je serai, dans la vingtaine plus qu'avancée, précepteur investi des pouvoirs d'un stand-up comique dans un cégep et une université bilingue.

(La Loutre, 22 août 1960. Photo : Pierre Cantin)

Le 23 août, tout le monde s’est entassé à bord du Wapoose, qui mit le cap au nord, vers la réserve d’OBIDJUAN. Au verso d’une des photos du bâtiment, j’avais écrit « Le bateau du captain Skin ».

[
Deux de mes personnes ressources, connaisseurs en matières mauriciennes, Gaston Gravel et Richard Arseneault, ce dernier, un natif de La Loutre, n’ont pu me confirmer que le légendaire Henry Skeene aurait bel et bien piloté ce paquebot lilliputien sur l’immense plan d’eau séparant le barrage Gouin de la réserve d’Obidjuan. Il connaissait, semble-t-il, le grand réservoir comme le fond de sa poche.


Le Wapoose, lors d’une escale, à l’heure du midi, le 23 août 1960, amarré à l’une des îles dudit plan d’eau. Nous avions mis près de huit heures à nous rendre à la réserve amérindienne. Une éternité pour les sardines entassées à bord du paquebot. Photo : Pierre Cantin


Question d’ajouter le classique fruit vermeil sur le sorbet de cet été perturbé, le voyage de retour de la Haute-Mauricie se déroula au ralenti jusqu'à La Tuque. Partis de Sanmaur par le mixte, mini convoi faisant la navette de La Tuque à Parent, puis dans le sens inverse, le voyage fut interminable : une équipe du Canadien National s’affairait, vaillamment, nous n'en doutions pas, à remplacer des rails devant notre train. Un moment intéressant tout de même : je ne sais pas comment elle avait pu me reconnaître, nous ne nous étions pas vus depuis plus de sept ans, mais toujours est-il qu’Yvonnette Chiasson, dont le père était « sectionnaire » pour le CN à Sanmaur, m’avait reconnu en dépit de mes lunettes de myope devenu. Belles retrouvailles.

Un bac en panne, au 15 milles, sur la Saint-Maurice, à notre retour de La Loutre. La Canadian International Paper, qui avait hérité des concessions forestières de la Brown, donc du poste de Sanmaur et des installations de La Loutre, véhiculait les kaki dans cet autobus dont on perçoit le flanc et dont le chauffeur Ti-Blond Harvey, était une vieille connaissance. J'y reviendrai.

Photo : Pierre Cantin.


Le matricule de notre autobus de brousse.

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NOTES ÉPARSES ... RAPAILLÉES

Sur la « notion » de clan routier, on lira avec intérêt cet article où il est question de l’influence de l’école de la route sur le grand poète Gaston Miron :

http://www.erudit.org/revue/vi/2002/v27/n2/290056ar.pdf. On y apprend, entre autres détails historiques, que la Consolidated défraya les coûts d’une publication scoute, Le Godillot, dirigée un temps par Miron.

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La route estivale de l’été 1957 du clan Jacques-Buteux fit l’objet d’une publication dont le titre, Le bâton fourchu dans les îles du grand golfe, aura sans doute plu à un autre grand poète, Pierre Perrault. Il parut à Trois-Rivières, l’année suivante, aux Édition du Bien public de Clément Marchand. Le responsable de l'opuscule scout était Émile Descôteaux, l’aumônier du groupe, qu’on aperçoit au beau milieu du chaland en panne, sur la photo ci-haut, calme capitaine malgré la montée des eaux.

L’ouvrage avait reçu son NIHIL OBSTAT du « cens[or] deputatus » diocésain de l’époque, Hermanus [sic] Plante. Le latin connaissait encore de formidables soubresauts en ces temps héroïques où j’avais dû me farcir un apprentissage intensif – on dirait aujourd’hui « extrême » – des milliers de règles de trois grammaires : la française, la latine et la grecque. Herman Plante sera, en 1961, mon professeur d’éloquence.

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Je n'aurai guère été un grand rhéteur et je me demande même si j'ai obtenu la note de passage de son cours. Lorsque je me présenterai, au printemps 1964, à Jules Fiola, le sympathique chef annonceur de la station radiophonique CFLM, pour une audition, il me fera remarquer, très gentiment, que je n’avais pas "la" voix recherchée. Cependant, il me proposera, sur-le-champ, dans le studio même, "le" poste de journaliste pour l’hebdomadaire L’Écho de La Tuque. Officiellement, j'y fus reporter sportif, mais, au quotidien, j'y pratiquai surtout la course aux déclarations exclusives des politiciens locaux, dont celles du flamboyant maire, Lucien Filion, qui n'ennuyait jamais son journaliste, en plus d'écouter, en compagnie du technicien - dont il me faudra bien retrouver le nom, un drôle de type qui avait installé des micros dans toutes les pièces de l'étage, et dont la découverte créa un véritable Latuquegate -, les ondes radio de la police, tout aussi locale.

Jules et moi confectionnions l'édition de l'hebdo à partir des nouvelles diffusées pour la plupart à midi pile, chaque jour, actualisées, bien sûr, pour leur (re)diffusion sur papier. En manquions-nous, que nous puisions alors allègrement dans les communiqués "civiques", d'intérêt supposément communautaire, que nous envoyaient la Croix-Rouge, les Chevaliers de Colomb, les clubs Richelieu et Rotary, de même que les Dames d'Isabelle, ou encore la Chambre de Commerce, toutes nouvelles qui ne risquaient nullement de choquer la citoyenne ou le citoyen. Le grand patron des lieux était un ardent promoteur du calme immédiat et virulent défenseur de la paix sociale à long terme. Un véritable casque bleu!

J'ai adoré ce bref séjour dans le monde du journalisme, que je pratiquerai à nouveau en retournant à l'université, deux ans plus tard... Coïncidence : le neveu de mon frère Jean, Patrick Vaillancourt, journaliste au tenace hebdo latuquois, vient de faire paraître deux articles fort intéressants sur la communauté de Wemotaci.

http://www.lechodelatuque.com/article-194244-Reportage-photosVisite-historique-a-Wemotaci.html

Incidemment, L'Écho de la Tuque et du Haut-Saint-Maurice, a paru sous ce titre, pour la première fois en 1938.

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À l'été 1957, quelque part au pied d’une immense falaise de sable, dans une pinière, au bout d’un champ, à Rivière-aux-Rats, j’avais connu mon premier camp scout. Ma mère m'avait embrigadé, pour mon bien, soutenait-elle avec une certaine conviction, dans la troupe scoute qui avait sa tannière au sous-sol de l'église Saint-Zéphirin. Mon p'tit frère Robert, Bob pour la famille, n'avait pu échapper à la conscription maternelle : il avait été enrôlé dans la meute des louveteaux que commandaient de gentilles akélas. Je dois préciser ici que mon père faisait déjà partie de l'équipe qui encadrait les cadets de l'air. Justement, il y avait du kaki dans l'air... J’en ferai sûrement un épisode d’un autre carnet que je songe à créer sur La Tuque.

J’ai déjà en tête, et dans mon portable, la matière de quatre épisodes.

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De Saint-Élie-de-Caxton, qu’elle s’apprête à quitter pour emménager à Trois-Rivières, Micheline Raîche-Roy m’envoie un ouvrage récent , PIF AU VENT, une « fiction symbolique », précise son auteur, Rolland Denis, dont l’intrigue se déroule chez les Attikamekw





et qui me semble s’inscrire, par son propos et ses visées, dans la lignée « pédagogique » du récit KIKENDATCH (Anse au gros cyprès),


œuvre d’un Latuquois, Gaston Hamel, qui, en 1964, était le correspondant du quotidien québecquois Le Soleil. Un ouvrage déjà fort rare, mais dont m’a gentiment fait cadeau dame Françoise Bordeleau, érudite historienne de la ville natale du grand Félix Leclerc.

Rolland Danis. Pif au vent. Roman, Saint-Élie-de-Caxton, Les Éditions SDR, 2008, 226 pages.

Gaston Hamel. Kikendatch (Anse au Gros Cyprès). La Tuque, Conseil de développement de la Haute-Mauricie, 1995, 114 pages.

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Photo du rapide des Cyprès, extraite de l'essai d'Honoré Mercier,

Les forêts et les forces hydrauliques de la province de Québec, Québec,

1923, ouvrage à la typographie richissime.

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Ce sigle, CFMM, désignait l'ancienne école normale Maurice L. Duplessis. Le nom du célèbre trifluvien devait disparaître de la façade l'édifice de la rue Laviolette pour faire place à une bien éphémère appellation, plutôt prétentieuse, le Centre de formation des maîtres de la Mauricie. Puis le cégep, nouvellement créé, profitant d'appuis socio-politiques puissants, s'emparera des lieux à l'automne 1968, refoulant les apprentis pédagogues et leurs maîtres chez les franciscains, devenus, en cette Révolution tranquille, une minorité invisible à l'oeil nu.

Cette fragile carte de presse m'a été très utile : grâce à sa date de "péremption" dissimulée sous mon faciès de boursouflé à la cortisone, j'ai pu rencontrer le grand Léo Ferré...
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