samedi 31 octobre 2009

Sanmaur : mission, desserte et paroisse

III Son second curé, Léopold Lacasse :

O. M. I. ou bedon M. B. A. ?

(Seconde partie en guise d’épilogue)

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L’un de mes plus anciens souvenirs d’enfance à Saint-Romuald-d’Etchemin, le refuge estival contre l’ubiquiste moustiquaille sanmauresque de Maizy, ma mère, et de ses trois flows, moi, Robert et Jean, remonte à l’audition, un soir de l’été 1953, d’une chanson interprétée par la somptueuse actrice italienne, Sylvana Mangano, un air lancinant et répétitif, intitulée ANNA et tirée du film éponyme. On peut voir et entendre la dame sur YouTube.

La Gaspésie, été 1953

Léopold Lacasse, Gaspésie, août 1953. Photo : Maizy Lee Cantin

C’est en août de cette année que date le premier voyage de mes parents avec l’oblat Lacasse. Celui-ci loue une voiture taxi et les services d'un chauffeur, Lucien Tremblay, de Saint-Romuald, le temps de faire le tour de la Gaspésie.

Jean Cantin. La plupart des photos de cet épisode sont de Léopold Lacasse.

Mon frère Jean, quatre ans, qui a des ecchymoses des pieds à la tête, – il a été heurté par une motocyclette en traversant la petite route devant le chalet loué pour l’été, rencontre quelque peu brutale qui a pu lui inoculer le virus des besiques à gaz, comme on disait, ces véhicules qui ont meublé la vie des Lee dès les années 1930 – est du périple qui lui sera finalement profitable : ses nombreux bains de mer auront tôt fait de faire disparaître ses grafignures.

Émile Cantin, Maizy Lee, Jean Cantin et Lucien Tremblay, quelque part en Gaspésie. 1953.

Mon père n'a jamais vraiment été un adepte de la pêche...

Un document à verser dans l'ethnographie gaspésienne...

À Percé.

À Maria ? Le trio cantinien et Lacasse.

De retour de la virée gaspésienne, Lacasse emmène la famille Cantin faire ses dévotions à Sainte-Anne-de-Beaupré, août 1953 : cette courte culotte annonce la version scoute... Le benjamin ne semble pas trop impressionné par la sainteté des lieux.

* * *

La Tuque et La Croche, janvier 1954

Lacasse débarque au 348C, rue Tessier, où nous avons aménagé en octobre. Nous avions dû passer plusieurs jours au chic hôtel Royal, rue Saint-Louis, dans l’attente de notre logis où Maizy découvrira une nouvelle sorte de bestiole au nom si joli : la coquerelle latuquoise...

Le missionnaire sanmauresque déniche un taxi et en profite pour pousser une pointe à La Croche, où s’est installé, en avril 1942, un autre promoteur liturgique : Paul Rainville. Un fieffé bourlingueur, cette soutane-ci, qui a vécu dans ses valises pendant plus d’une décennie, «posté» à pas moins de 14 endroits du diocèse trifluvien et ailleurs depuis son ordination, en juin 1939. À Saint-Hyppolyte-de-la-Croche, il a fondé la «Coopérative agricole régionale de La Tuque», pour les cultivateurs et les colons du Haut-Saint-Mauricie, qu’Il connaît un brin pour avoir été missionnaire à Saint-Thomas-de-Parent, du 6 décembre 1941 à avril 1942. Il a aussi mis sur pied la caisse populaire de La Croche. Bidous et crucifix : laïcité sonnante et superstitions romaines !

Émile Cantin, Maizy Lee et Léopold Lacasse, à La Croche. Photo : Paul Rainville.

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Été 1954. Niagara Falls et Saguenay.

Émile Cantin et Maizy Lee, à bord d’un navire de croisière de la Canada Steamship Lines. Septembre 1954

La Tuque, 1954Une dangereuse cascade que n'aurait pas inventée Michel Jackson.
Sur le balcon du 348C, Tessier. La Tuque. À l'arrière-plan, la plage du lac Saint-Louis et l'École centrale. Photo : Maizy Lee Cantin

New York, 1955

New York, Aéroport de La Guardia.

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Lacasse, l’administrateur promoteur. Sept-Îles 1958-1961

Je ne sais pas en quelle année Lacasse a quitté Sanmaur, ni où il a été nommé à ce mement-là. En juin 1958, on l’envoie à Sept-Îles, sur la Côte-Nord. Ses talents d’organisateur lui permettent d’amasser en un temps record la somme nécessaire pour la construction la construction d’une église [1] et de prendre charge de la paroisse Marie-Immaculée.

Son départ pour Cap-de-la-Madeleine, en mars 1961, sera remarqué. C’est là, dans un bureau du presbytère de la paroisse Sainte-Marie-Madeleine, à l’automne 1967, que je le rencontrerai pour la dernière fois. Ma côté enfant de chœur était disparu définitivement : j’avais eu de magnifiques professeurs de philosophie à l’École normale Maurice-L. Duplessis ! J’avais lu, en long et en large, Sartre et Camus, et Teilhard de Chardin ne m’avait guère impressionné !

P. S. Mais où, diantre, Lacasse puisait-il tout ce fric ? Mon père, avec son maigre salaire de col blanc, n'aurait jamais pu défrayer les coûts de tels déplacements ! On peut tout aussi bien se poser la même question dans le cas d'Eugène Corbeil, quelque trente ans plus tôt, effectuant trois longs voyages en Europe ! Aux frais de qui ?

[1] Le temple est loin d’être modeste : http://www.diocese-bc.org/eglise_patrimoine/7iles_marie_immaculee.htm

vendredi 23 octobre 2009

Sanmaur : mission, desserte et paroisse

III Son second curé, Léopold Lacasse :

O. M. I. ou bedon M. B. A. ?

(Première partie)


Léopold Lacasse, La Tuque, janvier 1954.

Léopold Lacasse est né à une époque où chaque famille était en général pourvue d’une progéniture la plus vaste possible. Inévitable résultat du respect inconditionnel, par les géniteurs, de la prescription de la débridée Romaine, phare moral tout azimut, qui interdisait de «l’empêcher», cette famille. Chaque fabrique familiale travaillait alors à fournir sa soutane, histoire d’assurer la continuité des assises papistes sur sa destinée et celle du troupeau, bref, une robe majoritairement noire (il y avait en effet certains bataillons de cette Église militante qui s’ensoutanaient de blanc pour affronter, entre autres menaces , les rigueurs climatiques africaines, et qui constituaient à eux seuls, comme l’écrivait l’Admirable Docteur [1], une formidable denrée exportable, décidée à répandre, dans les pires conditions, les bienfaits de la civilisation catho-franco-canadienne d’un pôle à l’autre de notre modeste planète, ramassis de militantistes intempestifs, véritable industrie objet de fierté de notre appartenance à la seule vraie religion en ce bas-monde. Une soutane, donc, comme police d’assurance garantissant à chacun des bipèdes de la smala donneuse l’installation perpétuelle dans une suite céleste du Paradiso Hôtel statosphérique.

Deux robes noires chez les Lacasse

Lacasse pose devant ce qui était sans doute le magasin général Thériault, situé tout près de l’église, face au restaurant de Gaston Pothier. À noter la prédominance des annonces de cigarettes !

Papa et maman Lacasse, quant à eux, n’avaient pas pris de chance et en avait fourni deux, les deux robes bien noires, oblates [2] de surcroit. Ainsi, Léopold allait-il faire dans les affaires du monde paraecclésiastique malgré son pieux habit, cependant que son frère Carmel (prénom prédestiné) irait brandir le crucifix d’Eugène de Mazenod en patinant entre les iglous de la vastitude glacée nordique pour en rapporter des récits fort édifiants sur la victoire du vraie manitou sur les vulgaires dieux de ses païens d’habitants.

Léopold Lacasse avait ce qu’on appelle communément de «la classe», mieux encore, un «vernis éclatant» ! Il aurait fait un lobbyiste terriblement efficace : il l’a prouvé à Sanmaur, puis à Sept-Îles, en 1958, quand il a réuni, en un temps record, les milliers de dollars nécessaires à la construction d’une imposante église [3].

C’était un être sociable, qui aimait la compagnie des gens. Il a fréquenté mes parents, Émile Cantin et Maizy Lee, à Sanmaur, entretenant avec eux des relations que je qualifierais d’étroites, si j’en juge par leurs rencontres, à Sanmaur (visites au presbytère : le seul souvenir que j'en garde c'est l'abondance de bonnes choses dans le frigo... [4]), puis à la Tuque, leurs voyages et les quelques centaines de photos qu’il leur a laissées.

Des Lee et des Cantin en visite au presbytère de Sanmaur. 1953

Maizy Lee et Émile Cantin dans le bureau du pasteur sanmauresque.

Photo : Léopold Lacasse

Jean Cantin à l’étage du presbytère. Photo : Léopold Lacasse.

Jean Cantin et sa tante, Juanita Lee. Photos : Léopold Lacasse.

Un dimanche après-midi, à Wemotaci

La smala Lee-Cantin traverse la Saint-Maurice. Septembre 1953.

Robert Cantin et Maizy Lee.

Photo s: Léopold Lacasse.

Pierre Cantin, Maizy Lee Cantin, Léopold Lacasse et deux Amérindiens. Je porte, en bandoulière, l'appareil-photo de ma mère que j'utiliserai lors de la route scoute en Mattavinie et en Haute-Mauricie, en août 1960.

Ma mère se prenait-elle pour Buffy Sainte Marie ?

Photos : Léopold Lacasse

Tom Basile, son épouse et son fils.

Photos : Maizy Lee Cantin

Cette photo me rappelle celles qui furent prises, 40 ans plus tôt, au même endroit, lors de la visite d'un groupe d'ecclésiastiques, excursion organisée par le curé de La Tuque, Eugène Corbeil, et celui de Sainte-Thècle, Maxime Masson.

Photos : Léopold Lacasse

Mon père a été muté à La Tuque dans le courant de l’été 1953. À ma connaissance, le personnel de l’entrepôt, dont faisait aussi partie Étienne Hamelin et peut-être Léonel Tousignant, fut le premier à quitter Sanmaur, quand la Canadian International Paper, s’est portée acquéreuse de l’usine de La Tuque et des concessions forestières de la Brown Corporation et décidé de fermer le dépôt principal de cette dernière et d’établir la Woodlands Division, dans une section des anciens locaux de l’Aluminium Canada, boulevard Ducharme.

Pierre et Robert Cantin, entrée ouest de l’église, septembre 1953.

Photo : Léopold Lacasse.

* * * *

Du temps où nous habitions à Sanmaur, ma mère nous amenait, mes frères et moi, passer l’été à Saint-Romuald d’Etchemin, sa ville natale, sur la rive sud du Saint-Laurent, en face de Québec. Nous avons ainsi passé de merveilleuses vacances chez des amis à elle, Honoré Cadoret et sa femme, que nous appelions tante Marie, mais dont le nom véritable était Germaine Dussault, qui habitaient l‘immense hôtel de ville de la place en compagnie de leurs nombreux enfants, qui furent pour nous de véritables cousins, ainsi que chez l’un de nos oncles, Donald Lee, avant que ma mère ne louât un chalet dans le Bôme, espèce de banlieue de Saint-Romuald, qui faisait partie de New Liverpool.

Maizy Lee, Jean et Émile Cantin, posant sur la grève, dans le Bôme, à Saint-Romuald-d'Etchemin, été 1953, peu avant leur départ pour une tournée de la Gaspésie en compagnie de Léopold Lacasse. Je croix que ces grosses péniches ont pu servir lors de la construction du pont de Québec, situé en dehors du champ de l'objectif, en haut, à gauche. Photo : Léopold Lacasse

Prochain épisode : les voyages des Lee-Cantin et de Léopold Lacasse.

* * *

[1] Jacques Ferron (1921-1985), Mauricien des Bas, médecin et Voltaire des lettres qubécoises.

[2] L’autre Lacasse, Carmel (1911-1991), qui eut la raquette plus nordique que celle de son frère, rapportera du Grand-Nord la matière d’un essai paru en 1951, aidé de la plume d’Eugène Nadeau, l’écrivain de service des forces évangélisatrices oblates : Terre d’attente, randonnée missionnaire au détroit d’Hudson (Montréal Fides, 224 pages). Son frère cadet Léopold décédera le 31 décembre 1978, au début de la soixantaine. Je crois qu’il avait été très sérieusement malade à deux reprises. La dernière fois que je l’ai vu, c’était au presbytère de la paroisse Sainte-Madeleine, à Cap-de-la-Madeleine, en 1968 ou en 1969. Les deux Lacasse avaient fait leur cours classique au collège de l’Assomption , Carmel, de 1922 à 1930; Léopold, de 1928 à 1936.

[3] Toute une cabane, ce temple de Sept-Îles : http://www.diocese-bc.org/eglise_patrimoine/7iles_marie_immaculee.htm

[4 ] Rare vestige trouvé par les acheteurs de l'ancien presbytère dans l'une des pièces de l'étage. Ils croyaient que le portrait de l'un des curés de la place. C'est le supérieur général des fantassins oblats canadiens en mission d'une mare à l'autre, Léo Deschâtelets (1899-1974).

Je soupçonne le tenancier du carnet LatuKoiseries, Hervé Tremblay, d’employer une partie de son fonds de retraite à la promotion d’un liquide houblonneux qui porte son propre patronyme en guise de marque de commerce. Pierre Cantin, Chelsea-sur-Gatineau, février 2009.

Photo : Debbie Joanisse

En effet, c’est avec étonnement que j’ai buté, l’hiver dernier, contre une montagne de caisses de Tremblay au Freshmart, appellation qui dénote bien le bilinguisme de l’épicerie de la route 105, à Chelsea-sur-Gatineau, patelin mi anglophone, mi francophone. Ce qui m’étonne davantage, c’est que les brasseurs de ce breuvage n’aient pas adopté le BLEU comme couleur dominante de leur produit…