samedi 5 janvier 2008

JEREMIAH McCARTHY à LA LOUTRE

Gravure d’Henri Beaulac (1914-1994) extraite du recueil de Sylvain (pseudonyme d’un médecin trifluvien, Auguste Panneton, 1888-1966), DANS LE BOIS, Trois-Rivières, Les Éditions trifluviennes, 1940.

En dépit de commentaires parfois laconiques, de données souvent vagues ou incomplètes, de larges trous dans la chronologie, les carnets de Jerry McCarthy, qui couvrent près d’un demi-siècle d’activités en Haute-Mauricie, s’avèrent une source riche en renseignements de première main sur les conditions de travail, dans cette région, d’une catégorie de travailleurs qui n’aura guère fait l’objet d’études de la part des historiens et des sociologues, du moins à ma connaissance : celle de gens de métiers les plus divers et de manuels chargés d’assurer l’établissement et l’entretien des installations de compagnies et d’organisations impliquées dans l’exploitation des forêts laurentiennes : la Commission des eaux courantes du Québec, la Shawinigan Water and Power, la St. Maurice Forest Protective Association, mais spécialement la Brown Corporation, sans compter les opérations de la compagnie de chemin de fer du Canadien National.

Les détails fournis par McCarthy illustrent bien les difficiles conditions de travail de ces hommes, obligés à constamment se déplacer, souvent dans des conditions fort difficiles, pour accomplir leurs tâches. C’étaient des gens d’une énergie, d’un sens des responsabilités et d’un dévouement peu communs, des esprits inventifs absolument essentiels à la marche du monde forestier.

Jeremiah McCarthy, en 1934, à La Loutre. Photo gracieusement fournie par Patrick McCarthy.
Ce sont principalement des précisions sur Sanmaur que je cherchais dans ces notes. Bien sûr, j’en aurai déniché quelques-unes, mais j’y ai surtout découvert un être très attachant, une force de la nature. J’ai été surpris de constater que, malgré la rigueur du climat, des conditions de travail, des problèmes de santé qu’il avait pu affronter, jamais, dans ses écrits, cet honnête homme ne s’était de son sort. Il ne manifestera de la colère qu’en une seule occasion, et c’est bien parce que le problème touche sa progéniture. Le jour où ses deux fils manqueront le train – ils devaient retourner à l’école, dans un pensionnat – il impute ce retard à un certain crétin (euphémisme) qui aura négligé de dépêcher un véhicule à La Loutre pour assurer leur transport à la gare de Sanmaur. Une autre fois, il évoquera les conditions de vie des gens des dépôts qui se sont détériorées depuis la vente des actifs de la Brown Corporation à la Canadian International Paper, en novembre 1954. Il ne fut sans doute pas le seul à déplorer cet état de fait, car mon père avait coutume de dire que la C.I.P. ne traitait pas aussi bien « ses hommes » que la Brown!

Muté à la Division forestière, la Woodlands, à La Tuque, en 1958, McCarthy continuera ses périples sur les « limites » pour y vaquer à quelques besognes. Il regrettera la vie dans son village d’adoption. Un soir de Noël, dans sa maison de la rue Saint-Antoine, dans la petite ville de la Moyenne-Mauricie, il se plaint du manque d’atmosphère festive : on est loin, écrit-il, de l’heureuse période des Fêtes célébrée dans le très nordique bled de La Loutre !