jeudi 5 février 2009


Jeremiah McCarthy et sa famille
LA LOUTRE (1919-1957)

[37]
Jerry McCarthy, La Loutre, 11 août 1922.

ÉPHÉMÉRIDES 1919 - 1929

Transcription, par Jerry McCarthy, de la première entrée de son «journal».
Sauf indication contraire, les photos et documents que je reproduis ici proviennent des archives de John McCarthy, numérisées par son neveu, Patrick McCarthy.
Documentation utilisée avec l’aimable autorisation de ce dernier et de John McCarthy.


Ces éphémérides, adaptées de l’anglais, sont tirées d’un « journal » tenu, du 5 mars 1919 au 10 septembre 1969, par Jeremiah « Jerry » McCarthy, un électricien à l’emploi de la Brown Corporation, à La Loutre (site du barrage Gouin), où il résida pendant près de 40 ans, du 5 mars 1919 au 25 octobre 1957, au moment où il est muté à La Tuque, à la division forestière de la Canadian International Paper, qui avait acquis tous les avoirs canadiens de la Brown en novembre 1954 – la vente est officialisée le 19 du mois. Il continuera d’exercer son métier dans les différents chantiers de coupes de la compagnie au nord de La Tuque.

McCarthy, à droite, posant devant l'atelier électrique, en 1922.

L'artéfact mccarthien


De toute évidence, McCarthy a retranscrit ces éphémérides colligées au fil des jours pendant sa retraite à La Tuque, vraisemblablement en 1963. Plusieurs aspects de ce document viennent confirmer mon assertion : le regroupement des anecdotes et des événements, la numérisation de feuillets de carnets de l’époque, mais surtout leur transcription, d’une graphie cursive, uniforme, à l’aide pratiquement du même stylo à bille, sur un support plus récent, des feuilles lignées pour reliure à anneaux, de même que quelques commentaires épars, suggèrent que McCarthy a procédé à ce travail d’écriture en 1963. Par exemple, un premier commentaire, glissé à l’entrée du 9 avril 1928, se lit comme suit : « …they cost $100.00 to day 1963 »; dans une seconde remarque, associée à l’entrée du 15 mai de la même année, à propos du vapeur J. H. Carter, McCarthy précise que ce bateau est en train de pourrir à Sanmaur.
Il semble également que certains feuillets ont pu être égarés, car il manque des mois complets, ici et là. Égarés ? Non numérisés ? Je tiens ces transcriptions et de nombreuses photos de sa famille et de ses lieux de travail, copiés sur un CD, de Patrick McCarthy, son petit-fils. Cette documentation appartient à John McCarthy, aujourd’hui résidant de Québec et que j’ai pu rejoindre au téléphone grâce à l’un de ses amis latuquois, Richard Scarpino.
(Merci, Scarpine : tu m’as fourni en John une source fort riche de renseignements sur la Mauricie et ses Hauts. J'espère que les gens œuvrant à la commémoration de centenaire de La Tuque sauront trouver, parmi cesnombreux patronymes, des éléments utiles à la rédaction de leurs textes.)

Reproduction du feuillet initial des éphémérides de Jerry McCarthy.

Jeremiah McCarthy est né à Saint-Basile-de-Portneuf, le 17 août 1896. Son père, John McCarthy, d’origine irlandaise, était cultivateur. Il avait marié Johanna Hennessey. C’est à La Loutre, là ou la Brown Corporation a établi l’un de ses dépôts après avoir fait l’acquisition des installations de la Fraser Brace, le maître d’œuvre de la construction d’un barrage de rétention des eaux, lequel portera plus tard le nom de Gouin, que Jerry McCarthy fera la connaissance d’Azilda Giard, l’une des filles de Joseph Girard, ancien greffier de la cour du Recorder de Montréal, qui, à sa retraite, a accepté le poste de gardien du nouveau barrage. Le 26 juin 1935, à La Loutre, Jerry McCarthy épousera celle qu’il surnomme « Dod », puis « Ma », dans ses carnets. Le couple aura deux fils : Lorrain (appelé « Sonny » dans les entrées du carnet, le père de Patrick), qui fera carrière dans la G.R.C., et John, longtemps résidant de La Tuque, qui exercera plusieurs emplois pour la C.I.P., division forestière, la Woodlands.
Jerry McCarthy est décédé à La Tuque, le 13 septembre 1969, à l’âge de 73 ans, et sa femme Azilda, le 18 août 1978, à Québec, à l’âge de 66 ans.

* * *
Dans une note accompagnant la notice nécrologique de Charles F. Fabyan, découpée dans un journal, JM écrit : « Passenger train engineer between Rivière-à-Pierre – Linton Jonction and La Tuque. This is the train we came into La Tuque first time October 1909, oil lamps in cars and cold stove, wooden seats. »

La Loutre, hiver 1925.

McCarthy a donc 15 ans quand il arrive à La Tuque, en provenance de Saint-Raymond : qu’y faisait-il ? Comme il utilise le « nous » (we), cela voudrait-il dire qu’il y vient en compagnie de ses parents ? Pourtant, dans ses carnets, jamais il ne parle de s’arrêter à La Tuque quand il « descend » en vacances dans la région de Québec (Donnacona – Chute-Panet). Il ne semble pas avoir de parenté à La Tuque.

J’ai traduit, en substance, « adapté » devrais-je écrire, plusieurs des annotations aux carnets, que je présente ici dans l’ordre chronologique. Je me contente souvent de ne relever que des noms, des toponymes, des faits significatifs. Généralement, les commentaires de McCarthy sont brefs. Il n’y signale que des faits, des anecdotes, des données du temps qu’il fait. Certains me sont demeurés incompréhensibles, soit qu’il s’agisse de références pointues à son travail, à de l’équipement, soit qu’il manque une entrée pour saisir le sens d’un commentaire en particulier.

McCarthy ne se prononce que très rarement sur la nature des gens, leurs gestes, ne pose pas de jugement sur eux, ni sur ses propres conditions de travail, les situations parfois pénibles dans lesquelles il se trouve. Dans une rare saute d’humeur, il soulignera que les conditions de travail avaient bien changé depuis que la C.I.P. avait acheté la Brown. C’est une personne consciencieuse, vaillante, qui aura souvent dû travailler dans des conditions pénibles, obligé à de longs et nombreux déplacements. Cependant, il a, de toute évidence, pleinement apprécié ce séjour en Haute-Mauricie puisqu’une fois à La Tuque, il éprouvera une grande nostalgie en se remémorant la qualité de la vie sociale de patelin des Hauts mauriciens et de la chaleureuse relation des membres de la petite communauté de La Loutre. Celle de La Tuque lui paraît bien fade, bien ennuyante en comparaison.

Certains passages de ces propos de McCarthy illustrent qu’il aura été un père attentif, dévoué, soucieux de procurer une solide éducation à ses deux fils, qu’il envoie pensionnaires, dès la quatrième année du primaire, d’abord à Montréal, puis au secondaire dans une école privée de Berthier. Cette décision impliquera le déboursement de frais de scolarité, de longues séparations, de nombreux voyages, effectués depuis La Loutre dans des circonstances difficiles, compte tenu des moyens de transport limités de l’époque et des conditions météorologiques souvent défavorables.

Je n’ai pas retenu ici les passages consacrés aux séjours passés en vacances dans sa famille, ou chez des amis, dans la région de Québec, à Chute-Panet ou à Montréal, par exemple, sinon pour y relever quelques noms ou des allusions à la Brown Corporation.

Au moment du dépouillement de cette intéressante matière mauricienne, mon intention première était donc de n’extraire de ses écrits que ce qui pouvait enrichir mon propre carnet sur l’histoire de Sanmaur et de la Haute-Mauricie.

À plusieurs endroits, quand j’étais en mesure de le faire, j’ai ajouté le prénom d’une personne citée par McCarthy. J’ai moi-même inséré quelques commentaires, généralement de nature socio-historique et les ai placés entre crochets.

La Loutre. Montage de Patrick McCarthy; il y indique la résidence du gérant du dépôt, J. H. Carter, et celle de ses grands-parents, Jerry et Azilda.
** ** * 1919 * ** **
5 mars
Jeremiah McCarthy [dorénavant identifié par ses initiales JM] descend du « train local » [appelé le « mixte »], à Sanmaur. Il y est accueilli par Oscar Roy, le surintendant de la Brown Corporation de ce dépôt, qui l’hébergera pour la nuit.
[JM situe la résidence de Roy sur une butte près de la gare. La butte sera rasée quelque vingt ans plus tard et cette maison, déplacée et transformée pour recevoir deux familles. J'y reviendrai.]
Paul Tremblay, ce chercheur infatigable, féru de généalogie, généreux de son temps et de ses trouvailles, qui a patrouillé la Haute-Mauricie dans tous les sens durant plusieurs décennies, m’a fourni la liste des maîtres et des maîtresses de poste de Sanmaur. Oscar Roy, mentionné par McCarthy, est le premier de la lignée. Le record de longévité à ce titre était détenu par Joseph-Alfred Dubé, le grand-père de Paul. Il est curieux de noter, sur cette liste, qu’une dame Petitquay serait toujours maîtresse de poste... à Sanmaur. Le seul bureau de poste que j’ai repéré en 2006 et en 2007, est celui de Wemotaci.

Pierre Cantin , Wemotaci, 21 mai 2006. Photo : Jean Cantin.

JM achète des vêtements pour sa longue randonnée hivernale vers à Loutre dans un « Jew store (Manouane) », écrit-il.
[Ici, JM se méprend sur la nationalité, l'origine des propriétaires : le couple Rickard-Midlige n’a rien de «juif», car le mari, John Rickard, est de descendance écossaise, et son épouse, Eva Midlige, est syrienne, fille aînée de l’extraordinaire femme d’affaires Annie Midlige, laquelle avait déjà mis en place un réseau d’établissements dans les Hauts de la Gatineau et de la Saint-Maurice. Le missionnaire Étienne Guinard, dans ses mémoires, qu’il rédige en 1941, signale à quelques reprises la présence de cette marchande syrienne dans ses territoires de mission.
Ce magasin général, Rickard & Midlige, que visite JM, est en place depuis 1912 ou 1913, sur la rive droite de la Manouane, près de son embouchure, à quelques mètres du pont ferroviaire du Transcontinental, jeté sur cette rivière deux ou trois ans auparavant. Il y a d’ailleurs une gare à cet endroit que les commis de la Compagnie de la Baie d’Hudson nomment Manouane Crossing dans leurs rapports. C’est d’ailleurs là, semble-t-il, en juillet 1913, qu’était débarquée la meute d’ecclésiastiques qui accompagnaient le prélat Latulipe, dans sa virée épiscopale chez les Atikamekw de Wemotaci – Voir les premières pages de mon carnet. ]
6 mars
JM part pour La Loutre, en compagnie d’un dénommé Hamelin (conducteur de chevaux). Rencontre de Ti-Blanc Gagné (au 15 milles), puis d’un dénommé Miller (un type qui répare la ligne de téléphone).
8 mars
Il passe à un endroit entre Chaudière et La Loutre : Dorsey (campement amérindien).
Aux Mountain Rapids : un camp de la Brown, à 9 milles de La Loutre, qui fournit du bois à la scierie au barrage dont la construction a été terminée l’année précédente. Le commis, qui est aussi cuisinier, est un Français, un certain Julien. Jos « Tabarnak » Dufour y est le contremaître.
9 mars. Deux noms : DeCarteret, Rowell. À La Loutre : le gérant y est J. Carter. Pilote d’un bateau sur le réservoir : Rowell
[Ce «capitaine» Rowell ne manque pas d’humour; il collaborera à quelques reprises au Brown Bulletin. On y parle souvent de lui et on y trouve même sa photo.]
Pat Rheault’s Bay. Francis Grenon de la Commission des eaux courantes du Québec.
10 mars. Un étudiant, Hepburn. JM précise que la Fraser-Brace est partie rapidement de La Loutre, vers le mois de décembre 1918, y laissant les lieux dans un état de désordre. La Brown en prit possession comme « tels ». Dubé (un poste à la Hudson Bay Co.). Ernest Germain, mécanicien au garage. [Chouinard], menuisier.
Une précision intéressante sur la construction du barrage : “Old steam engine and small flat cars. All material was transferred at Chaudière from boats to railway for La Loutre by derrick!”
Le débarcadère de Chaudière. 1922.
[Étienne Guinard raconte brièvement les opérations entreprises par la Fraser Brace, à Sanmaur, pour transférer toutes sortes de pièces d’équipement depuis des wagons ferroviaires amenés à la rivière par une voie de garage qui sera ensuite utilisée jusque dans les années 1960 par la C.I.P. Les premiers bateaux de la Fraser Brace avaient été achetés de Jean-J. Crête, le célèbre entrepreneur des Grande-Piles. Ces bâtiments avaient été acheminés par train depuis La Tuque. On avait même dû élargir les abords de la voie ferrée en certains endroits.]
rrrrrrrrrrrrr
[D’après Guy Beaudoin, ingénieur à la retraite, qui travaillé à la réfection du barrage Gouin dans les années 1960, fils de Phil Beaudoin, beau-frère de JM, il y aurait eu au moins six locomotives sur le chantier de construction de La Loutre. Plus loin, JM signale que l’une d’elles a été envoyée à la ferraille et qu’il en a gardé les plaques d’identification. Ce serait le petit-fils, Patrick McCarthy, qui les aurait conservées.]

8 mars
Liste de noms de gens de La Loutre établie par JM
à l’endos d’un formulaire de la CIP – Store, rédigée de mémoire, sans doute vers 1963.
Blanc Gagné – un « lumberjack » ; Miller – monteur de la ligne de téléphone ; Julien – commis ; Coulombe – cuisinier ; Dubé – commis au « store » ; René Gauthier – ingénieur (mécanicien, de l’anglais engineer) à la Commission des eaux courantes ; D. Hepburn – opérateur radio ; DeCarteret – gérant ; capitaine Rowell – chef mécanicien – pilote du bateau ; Ernest Germain – superviseur, mécanique, garage (habite avec sa femme, la seule du village) ; Laravie (Laramie ?) – mécanicien ; Sam Germain – mécanicien ; Chouinard – charpentier ; Desjardins – technicien à la centrale électrique ; Grenon – Commission des eaux courantes (barrage) ; Duro (?) – « camp show boy » [aide cuisinier] ; Hamelin – responsable du transport vers Sanmaur ; Jos Dufour, alias « TABARNAC ». Cinq préposés au bois de chauffage. Dix hommes (bûcherons) au camp du 11 milles.
Avril
Une équipe dégage la voie ferrée. Charles Barrette, un mécanicien
La locomotive a heurté de la glace au Castor Blanc, à un mille et demi de La Loutre, et s’est renversée. Premier voyage en bateau depuis Chaudière jusqu’à Sanmaur.
[J’ai rencontré l’appellation «Chaudière Landing» dans des articles du Brown Bulletin.]
Mai
La locomotive et deux wagons plats descendent à Chaudière. DeCarteret tombe de l’un des wagons et se blesse. JM signale que les wagons ont déraillé plusieurs fois au cours du printemps.
Une courbe, près de Sand Pit Lake, porte le nom de Hamelin, le préposé aux lignes.
22 mai
Desjardins travaille avec JM.
Juillet
John Carter vient remplacer Decarteret, comme patron de la Brown au dépôt.
Août
JM prend trois semaines de vacances. À La Tuque, il rencontre Bill Nelson.
Septembre
JM de retour à La Loutre, par bateau jusqu’à Chaudière, puis par le train. Wagon plat.
Carter et sa famille s’installent à La Loutre.
Décembre
JM descend à Sanmaur.
** ** * 1920 * ** **
[Pas de dates précises]

Des entrepreneurs forestiers commencent la coupe du bois autour de La Loutre.
Les provisions montent par bateau depuis Sanmaur, puis par rail (sauf s’il y a accumulation de neige) et sont conservées dans l’immense entrepôt de la Brown. La distribution auprès de sous-contractants se fait ensuite à l’aide de chevaux. Par bateau jusqu’au lac Martel.
Charles McArthur est forgeron.
Oscar Roy quitte Sanmaur. Alfred Dubé le remplace. Frank Roy.
Trois employés sont licenciés : le chef cuisinier, son « side kick » Duro et le marchand de fourrures Dubé.
Durant l’hiver, ce sont des équipes de chevaux qui livrent les marchandises de Sanmaur à La Loutre. Percy Dale remplace Rowell.
Albert Chateauneuf, Louis Paradis, Hayes, Burgess, Donald Greig (Craig?), René Gauthier, Blanc Gélinas.
Des animaux de boucherie sont conduits depuis Sanmaur. Plusieurs bêtes sont perdues en cours de route. Disparues, dévorées sans doute par les ours ou les loups, pense JM.
Bill Burns Proteau : monteur de ligne. Installation d’une ligne de téléphone depuis la centrale jusqu’au pont de la Wabano. Blocs de glace stockés pour l’été.
Autres nom mentionnés : Major Neault, Paul Bordeleau, G… Plamondon, John Keenan, Alain Keenan, Jos Dufour, Harry Newmest (?). Construction de la “cook house” et du garage à Sanmaur. Un certain Germain est installé au 4 milles en amont du barrage sur le lac.
** ** * 1921 * ** **
11 juin
Un certain Leduc travaille avec JM.
La vieille locomotive à vapeur est remisée : trop lourde pour les dormants qui sont déjà endommagés par la pourriture. Livraison de camions équipés de roues pour circuler sur les rails entre La Loutre et Chaudière. Ces véhicules ne seront guère utiles dans la neige.

** ** * 1922 * ** **
13 octobre
Un déplacement vers Chaudière à bord d’un camion sur rail est annulé : trois pouces de neige.
Les opérations forestières sont plutôt calmes. La plus grande partie du matériel a été envoyé à Windigo.
La liaison avec Sanmaur se fait par traineaux tirés par des chiens, une fois la saison de navigation terminée. JM a marché de Chaudière à Sanmaur pour y prendre le train pour les vacances de Noël. Il avait fait un voyage plutôt froid à bord d’un camion sur rail depuis La Loutre.
Avec deux des garçons Keenan.
En septembre, Ernest Germain fait l’essai d’un moteur d’avion sur un « lorry » [camion] adapté pour circuler sur la voie ferrée.
Des noms : A. Curran, John Keenan, M. Neault, Charles McArthur, J. H. Carter, Bill St-Onge (ou Stacey ?), Jules Barrette, Tom (Cledlond ?) [Sans doute Cleland, qui apparaît parmi les employés de la Brown à La Tuque.], Archie Bilodeau, S. J. Bennett, Steve Maloney, Barney Keenan, McNaughton, Ed. Moore (venu pêcher de La Tuque, en juillet).
JM se rend à Obidjuan avec du matériel pour y bâtir le nouveau village des Amérindiens.

** ** * 1923 * ** **

De retour des vacances des Fêtes, JM fait le trajet Sanmaur – La Loutre en raquettes. Trois jours de marche.
Miller, Albert Durey, Lortie (François ?) vont en traineau à Chaudière. Il faisait moins 56 F.
Les activités à La Loutre sont pratiquement éteintes. JM travaille un certain temps au « moulin » à La Tuque. Feu de forêt dévastateur. Des centaines d’hommes montent à La Loutre y combattre le feu.
La Loutre, 1924.
** ** * 1924 * ** **

À Chaudière, on enlève le « derrick boom » [flèche d’un engin de levage], qui n’est plus sécuritaire.
On refait les ponceaux de Chaudière à La Loutre.
Le 2 janvier, incendie de la forge et d’une remise, à La Loutre. Le garage a été reconstruit, mais en plus petit. JM parle d’une sorte de route que peuvent emprunter les chevaux et les charriots.
John Keenan, Jos Dufour. Les djobbeurs travaillent au sud de Chaudière.
À La Loutre : en pique-nique, les Carter, Paul Brière, Ted Martinson, Gordon (Ahier ?), (Trahey?) Plamondon, Jim Lory.

** ** * 1925 * ** **

Arthur Robitaille, Bob Cummings, ingénieur. Tour d'observation des gardes-feu.
Premier tracteur à essence pour tirer les provisions vers la Wabano et les djobbeurs du 10 miles. Opérateurs : Charley Swan et Jim Lory.
JM a eu un Webster Collegiate Dictionnary, le 16 août 1925, de A.B.L.
20 novembre. 65 cm de neige.
** ** * 1926 * ** **

14 janvier. Visite de Jim Monahan
26 janvier. Fête pour Claire Giard : M. et Mme Carter, Phil, Catherine, Addie ( ?) Langley, Louis Paradis, Josaphat, M. Trottier, le révérend McLaren, Bob Cummings, M. et Mme Fred Madley (?), M. et Mme Ed. Brassard, M. et Mme Gauvreau, Ted Martinson, Jules Barrette, Grobey ( ?) Plamondon, Henri Dufour.
Henry Skeene, « dog racer », et son équipe de chiens vont participer à une compétition à Québec, une commandite de la Brown.
[Cet événement annuel, fort populaire, est couvert par la presse. Nombreux articles dans The Brown Bulletin. Il y en a aussi à La Tuque et à Berlin, NH.]
Jos Leandre, Charles Laravie (Laramie), atelier, Josaphat Béland, au « store ». La poste est livrée par une autoneige, la première. Souvent en retard. A. Reade est commis au bureau.
10 avril. Visite du médecin [peut-être Maxime Comtois de La Tuque] : Carter est malade.
19 avril. Wallace Burgess s’est marié à Québec. Il vient vivre à La Loutre. Le couple arrive à Sanmaur le 22.
22 avril. Mauvaises routes. Même l’autoneige ne peut quitter Chaudière. La poste arrive par chiens de Sanmaur.
1er mai. Lory et Bob Cummings.
5 mai. Voie ouverte vers le moulin à scie; le 6, sur un mille; le 7, sur deux milles et demi; le 8, sur quatre milles et demi; le 10, sur 10 milles; e 11, jusqu'à Marteau;le 12, finalement, jusqu'à Chaudière.
13 mai. Louis Paradis s’est marié à Lévis.
17 mai. La voie est « lessivée » au 12 milles. Charles McArthur hospitalisé à La Tuque.
La famille Brooks-Rousseau arrive à La Loutre.
29 mai. Visite du missionnaire oblat Cayer, venu de Parent.
3 & 4 juin. Il a neigé.
13 juin. Addie ( ?) retourne chez lui, à Norway, dans le Maine. Charles McArthur, Mr. Reade et JM, à Chaudière.
15 juin. Mariette Giard.
25 juin au 14 juin. JM en vacances à Québec et à Montréal. Retour à Sanmaur
16 juillet. De Sanmaur à Chaudière à bord du Alpha.
26 juillet. La famille Giard va à Obedjewan.
28 juillet. Dufour creuse le sous-sol de la maison de Carter. Panne d’essence du bateau de Giard.
1er août. Phil Beaudoin
3 août. Bateau de type « Alligator »
7 août. Simmons Brown
9 août. Premier tracteur à chenilles
10 août. Monsieur Richard
12 août. La Dominion Bridge commence l’assemblage d’un pont (sans doute sur le barrage). Contremaître : Phil Robertson.
23 août. «Brooks Brown and family went back to Berlin NH.»
Charles LeTemplier part travailler à Sanmaur. Albert Châteauneuf
26 août. Le premier pont est terminé : on commence le deuxième.
4 septembre. On peut traverser sur les deux ponts. Lortie se perd dans les bois. On le retrouve le 6.
19 septembre. JM et Mat Purcell vont travailler pour la Brown à un quai sur la Bersimis; ils y déchargent du bois destiné, semble-t-il, à Berlin, au New Hampshire.
[Sauf erreur, les goélettes transportaient le bois au quai de la Brown, à Québec, dans le quartier de Cap Blanc, sous la falaise, en face de Lévis et de Saint-Romuald-d'Etchemin. Un secteur dont la population est constituée à 50% d'Irlandais. La BC y a acheté les installations portuaires de William Lampson. Il est loisible de penser que cette pitoune - il en arrivait aussi des chantiers de la Brown sur la rive sud, à Rivière-Madeleine - parvenait à l'usine de La Tuque par chemin de fer. Sources : Brown Bulletin; Honorius Provost, Notre-Dame-de-la-Garde. 1877-1977. Québec, Société historique de Québec, «Cahier d'histoire», 30, 1977.]
1er octobre. Un groupe de la Brown remonte la rivière Wabano, premier affluent important sur la rive gauche de la Saint-Maurice.
19 octobre. Visite du père de Carter.
20 octobre. Arrêt de la navigation des gros bateaux.
Charles McArthur, Athol Reade ( ?), Jos Béland, [Phil] Vachon, Jim Lory, Phil Beaudoin, Ted Martinson.
30 octobre. Grand bal costumé à la coukerie [cuisine commune] de La Loutre.
2 novembre. Décès de monsieur Richard, sur la « tractor sleigh ».
3 novembre. Livraison d’un nouveau tracteur.
11 novembre. Charles MacArthur est muté à La Tuque.
2 novembre. Un bateau est pris dans la glace, à deux milles de Sanmaur.
22 novembre. Un camion sur rail amène une équipe de chiens à Chaudière pour y rencontrer une autre équipe venue de Sanmaur. Échange du courrier.
30 novembre. Bell, conducteur de tracteur, Phil Beaudoin, Béland, Reade et JM écoutent la partie de hockey Ottawa-Boston au téléphone. Ottawa 2 – Boston 1.
15 décembre. John Berg va à La Tuque.
27 décembre. JM achète le coffre d’outils de MacArthur.
La Loutre. Hiver 1927.
** ** * 1927 * ** **

Depuis quelques années, on peut capter les ondes de la radio à La Loutre. Matches de hockey, chansons, nouvelles.
JM à Sanmaur en autoneige, avec Phil Gauvreau et son épouse.
4 janvier. Dernier voyage du gros camion (sur rail) à partir de La Loutre : trop de neige.
7 janvier. Un plombier, un certain Élie, monte de La Tuque pour travailler à une nouvelle maison.
26 janvier. Moins 45 degrés.
11 avril. Visite de Jim Monahan.
12 avril. Deux milles de la voie ferrée sont ouverts.
12 avril. Gélinas et J. Monahan et JM vont à Chaudière. Voiture tirée par cheval. Prennent ensuite le bateau jusqu’à Sanmaur. Rivière presque gelée. JM part pour Québec.
Il se rend au bureau de la Brown Corporation, puis à la rivière Bersimis (il y a un dépôt et un moulin à scie, un quai, d’où partent les bateaux chargés de bois) et à Saint-Raymond. Train jusqu’à Rimouski. Traversée par bateau à Bersimis et à Papinachois. Louis Paradis, de La Tuque, le rejoint. Lancement des moteurs sur la Bersimis.
27 avril. JM est toujours à Bersimis, où il reçoit une lettre de J. H. Carter.
1er mai. JM va au camp Tessier.
3 mai. Arrivée de Bob Cummings.
5 mai. Le Manicouagan, premier navire à accoster au quai de Bersimis.
6 mai. Autre bateau : Itaroro (?). R. Brown était à bord du bateau.
8 mai. JM rencontre Henri Pelletier à Bersimis.
10 mai. La mère de JM, gravement malade, hospitalisée au Jefferey Hall, à Québec.
11 mai. JM part du dépôt, en haut de Bersimis. Traversée [du Saint-Laurent] de 5 heures et demie. Train pour Lévis.
13 mai. Décès de la mère de JM.
13 mai. Décès de Harry Smith, à l’usine de La Tuque.
24 mai. JM retourne à Bersimis.
5 juin. JM mentionne Dan O’Hurley (Bersimis).
29 juin. JM apprend qu’Albert Chateauneuf s’est marié à La Loutre.
JM note l’arrivée, à l’embouchure de la Bersimis, d’un « big schooner » : c’est le bâtiment d’un « bootlegger », un contrebandier d’alcool, en provenance des îles Saint-Pierre et Miquelon.
28 juillet. Au bureau de la Brown, à Québec, JM apprend que Charley Cox est mort subitement la veille, à La Tuque.
2 août. JM prend le train à Québec, à 8 h 10, pour Sanmaur.
3 août. Bateau pour Chaudière. Charles MacArthur, Jos Dufour. Lory part pour La Tuque.
15 octobre. Voyage à Québec.
11-17 novembre. À Québec et à Montréal.
19 novembre. Un bateau prend feu au quai, à Sanmaur. Jos Peet ( ?) gravement brûlé. On l’envoie à La Tuque par le « mixed » [petit train de jour du Canadien National, appelé «mixte» (prononcé mixe en français), car il véhicule à la fois passagers et marchandises diverses, de La Tuque à Parent ].
20 novembre. JM part de Sanmaur pour se rendre, à cheval, jusqu’au 15 milles.
Frank Driscoll, Andy McArthur.
21 novembre. JM part pour Chaudière. Lory vient le chercher en camion sur rail.
23 novembr. Dernier voyage du camion sur la voie ferrée : trop de neige.
1er décembre
Départ de La Loutre, à 8 heures, dans une « caboose » [wagon de queue] tirée par un tracteur à chenille. Arrivée à la rivière Manouane à 20 heures. Traversée sur le pont ferroviaire pour se rendre à Sanmaur.
4 décembre. Le train pour Québec est en retard de 10 heures.
14 décembre. Charles MacArthur enlève le moteur du « lighting plant » [centrale électrique].
18 décembre. La construction d’un pont flottant est à moitié terminée à l’embouchure de la rivière Manouane, à la hauteur de Sanmaur, par Charles MacArthur.
22 décembre. JM part de Sanmaur pour Québec à 1 h 20 du matin.
28 décembre. Première installation électrique à Sanmaur.
Charles MacArthur entreprend de construire un pont pour la Brown sur la Manouane, à Sanmaur. [Mélange dans les dates ?]
Jerry McCarthy, été 1927.

** ** * 1928 * ** **

1er janvier. JM est à Boston, puis à Montréal; le lendemain ; à Québec, départ pour Sanmaur. Le train part de Québec à 20 H 10.
4 janvier. JM arrive à Sanmaur à 6 heures. Température de moins 42.
10 janvier. Les premières lumières électriques sont allumées à Sanmaur.
17 janvier. JM monte à La Loutre.
28 janvier. Terrible tempête de neige. Même les trains sont arrêtés.
30 janvier. Moins 50.
18 février. « Masquarade Party » chez les Carter. Gélinas – Phil Beaudoin, Lory, Frank D., G. Plamondon, Catherine & Phil Carter, le père de J. Carter. Mlle L. Brassard, Lucienne Brassard, Eddy Brassard, Greg Burgess et famille, M. et Mme L. Paradis, M. et Mme Albert Chateauneuf, Jos Peet (?), M. et Mme Jos Giard, Paulette, Mariette, Maxime, J. M. Giard, M. et Mme Roger Vachon, Félix Vachon, Alban Vachon, Jos Dufour, Frank Roy, Jerry McCarthy.
20 février. Déraillement à Casey. La locomotive et 17 wagons ont quitté la voie à une traverse à niveaux. Deux morts : Mr. Sin ( ?) et l’ingénieur.
24 février. Un avion, avec à son bord le pilote et un Eskimo, perdu au nord ou à l’ouest du barrage.
24 mars. JM prend le train pour Québec.
30 mars. JM reprend le train à Québec.
31 mars. Arrivée de JM à Sanmaur, à 5 h 30.
1er avril. JM monte à La Loutre dans une voiture tirée par un tracteur. Se dit chanceux d’avoir mis ses « combines ». Arrivée à 21 h 45.
5 avril. Panne des tracteurs. Albert et Pothier descendent à Chaudière à cheval.
Carter père, Jos Dufour et Frank Roy partent ainsi.
Ils ne se sont rendus qu’à Dorsey, où ils doivent passer la nuit. Sans lumière, sans souper. Grosse pluie.
6 avril. Prennent le bateau au 15 milles. Ils se rendent au rapide des 9 milles. Trop de glace. Ils poursuivent leur route avec des chevaux et des chiens jusqu’à Sanmaur.
8 avril. Pâques. Un bateau « Alligator » coule à Carp Rouge.
9 avril : Va à Carp Rouge avec Lory, Beaudoin, Charles McArthur.
McCarthy
10 avril. JM revient à La Loutre à pied.
La poste arrive de Sanmaur par cheval.
11 avril. La rivière est ouverte jusqu’à Sanmaur.
13 avril. JM part pour Sanmaur.
14 avril. Les Rangers battent les Maroons. Coupe Stanley.
16 avril. La rivière gèle de nouveau.
17 avril. La famille Carter quitte La Loutre à 5 h et arrive à Sanmaur à 22 h. À cheval.
22 avril. Départ à 7 heures de La Loutre, cheval ; arrivée à Chaudière à 18 h 15. Frank Roy l’accompagne.
23 avril. Départ de Chaudière à 8 h. Arrivée à Sanmaur à 14 h.
Le freight du CNR livre le nouveau bateau de J. H. Carter à Sanmaur.
24 avril. McArthur installe le pont flottant à Sanmaur.
Louis Paradis et sa femme descendent de La Loutre.
26 avril. On débarque le nouveau bateau de Carter au quai de Sanmaur.
[On aura sans doute utilisé le tronçon installé par la Fraser-Brace, juste avant le début de la construction du barrage de La Loutre, lequel mène de la voie principale du CN, depuis la gare, jusqu'à la rivière. Au début des années 1950, elle menait toujours à une grosse citerne qui marquait les limites du village à l'est. La fin de cette courte voie, rails et dormants, est encore visible aujourd’hui (novembre 2007), en plein sous le nouveau pont routier qui mène à Wemotaci. Le bateau pèse 15 tonnes et demie.]
28 avril. Messe dite par un prêtre venu de Parent.
Le bateau de Carter est parti pour Chaudière.
2 mai. John Carter, Gélinas, Dale arrivent par train durant la nuit.
4 mai. “We went to Fred Dubé’s to hear two Germain [German] pilots…” [Un avion, ou deux, a dû se poser sur la rivière ou sur un lac près de Sanmaur. Référence à Alfred Dubé, alors surintendant de la Brown à ce dépôt.]
5 mai. Jos Prat (?). Tom Mongeon
8 mai. Charles Letemplier remplace Dubé, qui part en vacances.
10 mai. Remontée par bateau jusqu’à Chaudière.
14 mai. Le bateau Alpha ne peut quitter Sanmaur.
J.H. Carter, Brassard, Gélinas sont descendus en canot.
15 mai. Premier voyage du « Tunnel Steam Boat », le J. H. Carter.
27 mai. Frank Roy, malade, à La Loutre.
30 mai. Un gros groupe de la famille des Brown de Berlin est monté à La Loutre.
31 mai. Grand dérangement. Les Brown vont au lac Gull (?). Beaucoup de matériel y est transporté, dont un poêle de cuisine.
2 juin. Le groupe des Brown s’en retourne.
7 juin. Lortie est licencié de la centrale électrique : nul ne sait pourquoi.
Jim Monahan est monté de Sanmaur.
9 juin. Monahan achète un poney et l’amène à La Tuque. Lory et McArthur vont à La Tuque.
14 juin. JM au quai de Sanmaur.
16 juin. Retour à La Loutre. JM a vu un orignal au Castor Blanc.
22 juin. Prend le train à Sanmaur. 1 h 20.
12 juillet. JM de retour à La Loutre.
15 juillet. Ted, Gordon, Catherine, Evelyn, Phil, Mary Bunbury (?) : excursion de pêche.
15 juillet. Un avion en provenance de Chibougamau s’est perdu. Se pose à Carp Rouge. On va chercher ces gens à partir de La Loutre. Greb.
22 juillet. À la pêche avec McArthur au lac Marteau ( ?).
4 août. Phil Beaudoin. Charles Swan et sa femme.
10 septembre. On entreprend la construction d’une nouvelle maison de la Commission des eaux courantes.
24 septembre. Grosse neige.
25 septembre. Dernier trajet des bateaux : la rivière gèle.

** ** * 1929 * ** **
La Loutre. Vue, en aval, de la rive droite. 1929.

29 janvier. Décès, à l’hôpital Jeffrey Hales, de Jos Germain, de Sanmaur.
1er mai : JM travaille sur le navire de la Brown, le SS Itororo ( ?), au quai de Québec. Le 24, le navire est à Bersimis.
[John me confiait que son père n'avait pas tellement apprécié ce séjour sur les anciens quais de Lampson, au Cap-Blanc : les rats, prétendait-il, y étaient aussi gros que des castors...]
28 mai. De retour à Sanmaur.
9 juin. Le corps de Noé Pronovost, qui s’était noyé dans les rapides de la Wabano, est retrouvé, flottant à la hauteur de Chaudière.
15 juin. Retour de Swan.
18 juin. Famille Desjardins.
27 juin. La famille Vachon descend à Sanmaur.
29 juin M. et Mme Cummings et leur bébé arrivent à La Loutre.
4 juillet. Voyage à Sanmaur. Rompré et ses deux filles.
5 juillet. Installation d’une ligne téléphonique de Sanmaur à Wemotaci pour les institutrices et le poste de la Compagnie de la Baie d’Hudson.
11 juillet. Départ de JM de Saint-Basile pour Sanmaur.
27 juillet. Le curé de La Tuque, Eugène Corbeil, et d’autres se pointent à La Loutre. Le lendemain, le groupe navigue sur le réservoir à bord du le Hildreth (?).
Un garde-feux, St-Hilaire, se casse une jambe dans un accident : sa draisine a embouti un wagon plat.
3 août. Le bateau Hildreth (?) vogue vers Oskélanéo, piloté par Skeene. À son bord : Charles McArthur, Jos Dufour, Joseph Giard, Walter Dale, John Carter.
4 juillet. Fête chez les Giard : M. et Mme Carter, Catherine et Phil, Walter Brockway, Charles Pothier, Gordon Ahier, Azilda, Maxime, John, Marie.
7 août. Maison des Grondin. Phil Beaudoin et sa sœur.
17 août. Anniversaire de JM. Il a 33 ans. Phil Beaudoin est opéré.
19 août. Voyage de pêche avec Ted Gordon.
23 août. Fête chez les Giard.
24 août. Départ de Mariette Giard et de madame Simmineau (Simoneau ?)
25 août. Voyage de pêche au ruisseau Marteau avec Jos Gagnon.
Les garde-feux installent une ligne téléphonique à partir de la voie ferrée jusqu’à la tour du lac Moose.
26 août. Passage de J. C. Corbett et de Jos Arseneault.
3 septembre. Mariage de Gordon à Montréal. Il revient à La Loutre avec sa femme le 12.
14 septembre. Voyage de pêche au lac MacDonald avec Lory. Ed White à la chasse.
17 septembre. M. et Mme Swan, Frank Roy et sa femme, en visite.
18 septembre. Amerrissage d’un avion. Le pilote vient chercher de l’essence et des vivres avec des Amérindiens.
28 septembre. JM à Sanmaur pour y prendre le train de Québec.
16 octobre. Retour de Québec. Départ du train à 20 H 10. Arrivée à Sanmaur, 4 h 30.
22 octobre. Pierre Paradis.
28 octobre. Un nouveau cuisinier : Michaud.
2 novembre. Visite de Gordon Brown et sa femme.
6 novembre. Jos Peet (Pitre ?) est malade.
9 novembre. Charles McArthur
10 novembre. Visite d’un camp de bucherons qui a fermé en 1926.
14 novembre. Le missionnaire Cayer, de Parent, en visite.
20 novembre. Dernier voyage du bateau vers Sanmaur.
22 novembre. Le lac est gelé.
23 novembre. Des tracteurs montent du matériel depuis Sanmaur. À Chaudière, le gros camion, sur rail, prend le relais.
25 novembre. McCarthy va à Chaudière, à bord du gros camion, puis dans une voiture tirée par un tracteur. Plus de 60 cm de neige par endroits.
26 novembre. JM installe des fils électriques à la maison de la Commission des eaux courantes à Manouane.
27 novembre. Dernier voyage du gros camion sur les rails.
28 novembre. JM part de Sanmaur, tracteur, à 7 h 30. Arrivée à la Loutre, 22 h. Pas assez de neige : dure randonnée.
30 novembre. Tracteur enfoncé dans un trou d’eau, à 11 milles de Sanmaur. La cabine est presque submergée.Un heureux camionneur, La Loutre, années 1920.

samedi 24 janvier 2009

De Wemotaci à Gatineau
oubedon

Du mocassin amérindien à l’indonésien…


Pierre Cantin, au MCC, dans le décor de l’exposition
Jamestown, Québec, Santa Fe – Trois berceaux nord-américains.
Photo : Jacqueline Potvin, juillet 2008.


Mocassins ! Mocassins ? les pompes du carnetier posant béatement au Musée canadien des civilisations (MCC), l’attrait touristique majeur canadien, le numéro UN au pays, affirme-t-on, depuis la mare aux harengs à l’autre, plus pacifique, composée de deux édifices, superbes, solidement amarrés sur la rive gauche de la rivière des Outaouais, avec pignon(s) sur Laurier, dans le secteur Hull d’une Gatineau fusionnée non sans confusion.
Des mocassins, vraiment ? Ouida ! « mocassins », soutiendront,nos cousins de l’Hexagone, avec la plus éloquente des certitudes, c’est une caractéristique innée chez eux, nos proches devenus sarkoziens qui dégringolent lentement de la branche québécoise de la famille, emportés par leur dérive linguistique états-unisiano-anglaisante, lesquels utilisent parfois le terme escarpins pour désigner ce type de chaussure qui « laisse le cou-de-pied découvert » (merci, Petit Robert supposément «Nouveau», cru de 2007 [suis en retard de deux ans dans mes achats de dictionnaires], malheureux véhicule et servile exécutant d'un anglaisement hideux, qui tente, par exemple, de nous maquignonner un odieux sponsorship – quand nous avons déjà nos bleus formidablement patronneux et nos rouges grassement commanditeurs) pour décrire nos confortables lofeurres (1) québécois, dorénavant « Made in Ailleurs ». D’ailleurs, ceux que chausse le carnetier sont « Made in Indonesia », même s’ils portent la marque prestigieuse d’un fabricant qui se prétend toujours états-unien, de cette courageuse race d’entrepreneurs qui savent « déléguer », qui voient loin et confient leur production à des entreprises d’Erewhon : pourquoi, en effet, limiter leur main d’oeuvre à une centaine de leurs compatriotes quand, avec le même budget d’opération, ils peuvent si généreusement fournir un boulot à des milliers de travailleurs asiatiques en nourriront leur famille ? Ne nous avait-on pas appris, à la petite école, qu’une famille de Chinois pouvait se sustenter allègrement d’un plat de riz pendant un mois entier ?
La Tuque. « L’aut’ bord du lac ». Photo : Pierre Cantin, juillet 2008

Mais poursuivons notre incursion dans l’aire pédestre et la godasse. Dans ma brève enfance latuquoise, quand nous nous adonnions au hockey bottines (2) dans une des petites rues du quartier dit de «L’aut’bord du lac» (3), de ce flow qui se tenait un peu à l’écart de la mêlée, attendant lascivement, dans une pose frisant la nonchalance, la musculature tout à fait relaxe, que la vétuste balle se dégageât du groupe des ferrailleurs pour l’attraper de son gouret et filer ensuite en solitaire vers le cerbère adverse, solide devant ses deux gros blocs de glace faisant office de poteaux, nous disions qu’il «lôfait», qu’il «scênait».
Je ne me rappelle pas avoir retrouvé ces deux québécismes verbaux de bon aloi dans le merveilleux récit de Marc Robitaille (4), Des histoires d’hiver avec des rues, des écoles et du hockey et des écoles, paru en 1987 et devenu un film en 1999. Le récit recrée finement l’univers mental et phuysique d’un enfant d’une dizaine d’années, passionné de hockey et qui n'arrive pas à comprendre que le Canadien de Montréal puisse perdre un match quand Jean Béliveau se présente ... pour jouer. Dans les années 1960, les membres des gangs de rue s'affrontaient belliqueusement pour pouvoir tapocher ...sur une vieille balle de tennis toute poquée !

* * *
Holà, quels détours pour en arriver à ce que je m’étais donné comme sujet du présent chapitre de mon carnet : ma surprise de découvrir, au MCC, dans le cadre d’une exposition sur les trois villes dites «fondatrices» du continent nord-américain (entendons-nous : le qualificatif «fondatrices» est grossièrement fallacieux : il y avait ici, en terre d’Amérique, moult peuples «fondateurs» amérindiens, bien avant l’arrivée de colonisateurs espagnols, français et britanniques), exposition dont j’avais révisé les textes, cet extraordinaire canot, chef d’œuvre du savoir-faire attikamekw, des Hauts mauriciens, signé César Néwashish, de Wemotaci.

L’élégant canot de l’Attikamekw César Néwashish, réalisé en 1971 et conservé au
Musée canadien des civilisations, à Gatineau-sur-Outaouais.
Photo : Pierre Cantin, été 2008.

* * *
Un petit trésor familial, souvenir de Wemotaci
Parmi les quelques rares objets que j’ai conservés de ma mère, qui avait la main plutôt leste quand s’opérait la purge printanière et qu’elle distribuait à gauche et à droite les objets qu’elle jugeait obsolètes, il y a ce magnifique panier en écorce de bouleau, vieux de plus de 60 ans.


À l’intérieur du couvercle du panier, une inscription, gravée à la pointe d’une style à bille à l’encre rouge : « De Louis-Philippe, 20 / DÉC / 48». Il s’agit de Louis-Philippe Tanguay, un ami de mes parents, venu leur rendre visite à Chaudière, peut-être à Sanmaur.


Quelques couches de vernis l’auront assez bien conservé. Certes, la lanière de peau d’orignal s’est effilochée jusqu’a disparaître presque, certaines coutures ont lâché, mais n’empêche que l’artéfact, sûrement fabriqué à Wemotaci, est demeuré un superbe exemple de la production artistique de ceux et de celles qu’on appelait à l’époque les «Têtes-de-Boule.» Ma mère en posséda quelques autres, de plus petits, et un énorme qui servait de panier à linge sale. Disparus je ne sais où.
Photos du panier : Pierre Cantin, janvier 2009.

* * *
N O T E S

(1)
Je fais un peu dans la mollesse lexicologique en appliquant l’appellation de loafeurs à mes chaussure dites «bateau», car si l’on jette un coup d’œil au modèle illustré dans l’utile Dictionnaire thématique visuel de Corbeil et Archambault, les puristes y noteront l’absence de cordons ! Le loafer, ou encore le skip-on, devient un flâneur en français. D’où son glissement latéral dans le vocabulaire des sportifs de rues et d’arénas pour désigner l’être infâme athlète dont la bottine ou le patin demeurent stationnaires la plupart du temps.

(2)
Mais nous nous adonnions aussi, bien sûr, tant bien que mal – je ne saurai tourner et freiner que du côté gauche durant mes années de pratique de ce noble sport, jaloux aujourd'hui de mon fils Olivier, élégant patineur et habile hockeyeur –, à la performance lamée. Quelques éléments de preuve, question d'illustrer que la lame a pu nous propulser par moments, ces documents iconographiques, captés par Renald Flageol, le 21 janvier 1956, à l’aide de mon Kodak Brownie Holiday.
Ce samedi-là, mon frère Robert venait tout juste de boucler sa première dizaine d'années sur la planète.

Conrad Lortie. Il fut professeur d’éducation physique.

Ce portrait sur pieds et patins, en noir et blanc d’époque, de Conrad, qui habitait rue Saint-Honoré et qui, curieusement, les experts l'auront remarqué, se protégeait les tibias de l'extérieur, une pratique peu commune – à croire que sa mère était bien tannée de repriser ses bas , la position à genoux faisant partie de nos ébats sportifs –, et les scènes d'action à peine feintes, furent prises dans la cour arrière du grand Jean-Pierre Leblanc, au bout de la rue Tessier, deuxième maison du coin Brown, où habitaient les Pépin – je trouvais leur fille bien mignonne, mais jamais je n’aurais eu l’audace de le lui dire : mon premier béguin… Les voisins du sud étaient les Côté. Mon camarade de collège, au STR, et comparse routier lors de notre périple à Sanmaur et un peu partout en Haute-Mauricie, en août 1960, Jérôme Evoy, épousera Liette, l’une des filles de la maisonnée.
C’est d’ailleurs Reynald, demi-frère de Jean-Pierre, qui s’occupait d’entretenir la patinoire. L’avons-nous remercié ? Pas sûr !

Robert Cantin, le jubilaire, affrontant son aîné.

Jacques Plante dans une situation délicate : un deux contre zéro !

Pierre Cantin, alias Jacques Plante, sous le regard amusé
du coquin Jean-Pierre Leblanc.

Le cerbère très amateur réalisera son rêve de gôler sur une vraie glace intérieure, au Colisée de Trois-Rivières, un jeudi après-midi d’octobre 1960, après qu’un redoux eut sérieusement amoché la surface des deux patinoires de la cour du STR où il était pensionnaire… Il avait perdu son match 1 à 0 ! Mais l’heure précédant cet événement marquant avait été un ravissement : les Rangers de New York, fouettés par leur bouillant mais coloré entraîneur du temps, Phil Watson, s’étaient « pratiqués» sur cette même glace en vue d’une joute hors-concours contre les Lions de Trois-Rivières. Fabuleux spectacle, en effet que de voir Lorne Gump Worsley, Lou Fontinato, Harry Howell, Andy Bathgate et autres Chemises bleues virevolter…

Pierre et Robert Cantin, dans la cuisine du 348C, rue Tessier.
La Tuque. Fin décembre 1955. Photos : Léopold Lacasse.

Jean Cantin, à peu près à la même époque, sur la galerie du 348C.
Photo : Maizy Lee Cantin
.

Mon frère Robert et moi avions reçu à Noël, en 1955, un nouvel attirail du Canadien, sans doute acheté, par catalogue, par notre mère, chez Simpson-Sears. Solide sur nos patins, nous posons fièrement devant le frigo, sur le prélart luisant de la cuisine. Les samedis et dimanche de l’hiver, nous descendions en patins, les deux étages, puis empruntions le trottoir enneigé pour nous rendre chez Jean-Pierre Leblanc.
(3)
Vue partielle de la rue Kitchener, en juillet 1960. En plein centre, le 737.
Au loin, l'usine de la CIP.
Photo : Robert Cantin.

En décembre 1956, la géographie de mon enfance s’est modifiée et a en quelque sorte effacé cette partie nord-ouest de la ville où nous étions arrivés en octobre 1953. Ma famille a alors emménagé dans un logis tout neuf, ou du moins entièrement rénové, au 737 de la rue Kitchener, propriété d’un producteur agricole du Lac-à-Beauce, Rosaire Bouchard, de qui mon père, « purchasing agent » à la division forestière de la Canadian International Paper, achetait la quasi-totalité de ses récoltes annuelles de patates.
The Shawinigan Standard, 1954.
Un jour de cet hiver, envoyé en commission à la quincaillerie J. O. Lejeune pour y quérir un article quelconque pour ma mère, je lus, accroché à la devanture d’une boutique, rue Saint-François, tout près de la voie ferrée du Ciennâre, l’enseigne suivante : «MAURICE RICHARD, cordonnier». Quelle idée saugrenue d'utiliser son nom pour une cordonnerie ! Quelle surprise de découvrir qu'il ait pu exister une autre Maurice Richard que le célèbre numéro 9 ! Fanatique du Canadien, admirateur inconditionnel du Rocket, que j’avais eu l’occasion de rencontrer «en personne» à La Tuque – j’avais alors obtenu son autographe sur un mince emballage de gomme seul morceau de papier à ma disposition en cet intense et précieux moment.

L’un des trésors de mon premier hiver à La Tuque : l'icône du grand
Maurice, découverte dans un paquet de cartes, acheté cinq sous
à la tabagie Capoune [Capano], angle Saint-Michel et Saint-Honoré,
de « L’aut’ bord du lac », of course !


Quant au dépanneur de monsieur Capano, il est toujours en opération, mais il a connu plusieurs « nouvelles administrations » depuis, dont celles d'Amérindiens… J’y retourne m’acheter une barre de chocolat et un cola à chacune de mes visites à La Tuque. On récupère son enfance comme on peut.
La Tuque. Angle Saint-Michel et Saint-Honoré, vers Tessier. Au sous-sol de
l’édifice en avant-plan, à la hauteur du trottoir, le dépanneur de mon enfance.
Photo : Pierre Cantin, juillet 2007.

Je me rappelle très bien l’allure et le caractère pince sans rire de ce Rocket de la semelle, qui tranchait par son affabilité sur l'aspect plutôt taciturne d’un autre artisan de la godasse, le père Ducharme. Jusque-là, pour le règlement du contentieux des semelles et des talons, ma mère nous déléguait, mon frère Robert et moi, chez ce dernier, dont le minuscule atelier donnait, à un angle de 45 degrés, sur celui formé par les rues Commerciale et Scott, en plein où commençait la rue Tessier, l’antique artère où nous habitions depuis l’automne 1953. Emplacement pratique, car l’établissement du petit bonhomme à lunettes, marteleur de semelles, se trouvait sur notre trajet vers l’école secondaire Saint-Zéphirin, à l’époque, pompeusement appelée « collège», qui était le fief des soutanes maristes du général Champagnat. Il m’aura fallu téléphoner à mon ami l’encyclopédiste Hervé Tremblay pour obtenir le prénom de cet honorable cordonnier : Chryslogue ! Et Hervé de me raconter quelques savoureuses anecdotes sur l'homme et son quotidien et de me préciser que la cordonnerie de son concurrent Richard était installée dans une ancienne écurie qui avait appartenu à un certain Lafleur. De Lafleur à Richard** ! Le monde ...du hockey à l’envers ! Je laisse de côté d’autres anecdotes sur ces deux artisans de la bottine: Hervé aura l’occasion de nous les livrer dans ce carnet qu’il se propose de lancer dans le cyberespace et qui traitera de toutes sortes d’événements et de gens qui ont marqué sa Latuquoisie. Il a de la matière pour au moins quelques milliers de pages.
Carte postale ancienne. Aperçu de la façade sud de l'édifice sis à l'angle des rues Tessier et Commerciale. On aperçoit le clocher du vieil hôtel de ville, qui, après tant d'autres reliques architecturales de La Tuque, sera bientôt précipité dans les limbes.
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C'est cette scène qui s'offrait au regard du cordonnier Ducharme, quand, de son pas trottinant, il quittait momentanément son échoppe pour traverser la rue Commerciale et se diriger rue Scott, à l'Hôtel Central, édifice que l'on vient de démolir, dont le proprio fut longtemps Maurice Berman, ou poursuivre plus,loin, rue Saint-Antoine, chez la mèere Beaudet, question d'y caler vitement une bibine.
La dernière fois que j'ai mis les pieds dans le vétuste Central, c'était en juin 1996. J'y avais amené Belle, notre vénérable quadrupède, grande chasseuse qui avait du lévrier dans le museau, pour que Réjean Berman, vétérinaire de profession et héritier de l'endroit, lui enlevât la vingtaine de points de suture qu'elle avait dû recevoir à la suite d'un combat nautique contre un castor dans notre petit lac du chemin Beausoleil, à Chelsea-sur-Gatineau.
(4)
Marc Robitaille, Jean Béliveau et Pierre Cantin, en patins,
sur le canal Rideau,
à Ottawa, vers 1989. Photo : Sylvie Lemieux.
C’est Marc, ce Québecquois d’origine, comme moi (Jacques Ferron prescrivait la distinction entre Québecquois, résidants de la ville de Québec, et Québécois, citoyens de l’État du même nom), qui m’a ramené, en 1985, au sain exercice de la bottine glissante. Notre rencontre s’était faite dans le cadre d’une autre pratique résolument sportive : la collection de cartes de hockey. Puis dans le feu de nos échanges, nous avions mis sur pied la LHBLDF, la Ligue de hockey bottines du Lac-des-Fées, à Hull, qui permit à plus d’un mécréant de retrouver une certaine forme.
Le livre de Marc reçut les éloges du chroniqueur Pierre Foglia à sa parution (1987) et connut deux tirages, ce qui n'est pas rien au pays du Québec. Il a fait le bonheur de plusieurs centaines de mes cégépiens et cégépiennes au fil des ans. Quant à la version cinématographique qu'on en tira (1999), elle a connu une diffusion «familiale» un beau dimanche, à la télé de la SRC, et le prestigieux New York Times (http://movies.nytimes.com/movie/176691/Histoires-D-Hiver/overview) nous en propose un «synopsis».
Hull. Dans le stationnement pavé d’une école, rue Laramée. Un dimanche d’automne. De jeunes et de moins jeunes pieux bottineurs. À droite, en moustache et gilet des défunts Baleiniers de Hartford, portant tuque rouge et moustache, l’auteur de ces lignes***; en maillot écarlate de la Saint-Flanelle, ledit Robitaille, l’âme, l’animateur de cette association hétéroclite; tout au centre, accroupi, fausse barbe et tuque brune, un Mauricien, Jean Dumont, originaire du Cap-de-la-Madeleine, prof de littérature et linguiste, fana inconditionnel de Jacques Prévert; derrière lui, arborant la feuille d’érable sur sa mince poitrine, Patrice Landry, mon beau-frère, qui, malgré son actuel handicap de quinquagénaire accompli, joue encore dans une vraie ligue de hockey à Fribourg, en Suisse. Le plus vieux de son équipe, certes, mais pas le moins bon. N’eût été de sa volonté de conserver sa citoyenneté canadienne, il ferait sans doute partie de l’équipe nationale des Helvètes ! À gauche, à demi dissimulé derrière Guillaume Michaud, ce Tit-Guy Lafleur du groupe, le précepteur Marc Pelletier, un autre camarade de travail de mes annnées d'école (air connu !); à la gauche de Jean, Carl Martin et son cousin, Michel Bussières, des neveux de Patrice et de ma conjointe…
Des heures de béatitude, un bain d’aura toute religieuse, des croyants transfigurés
par une pratique dominicale indéfectible...

* * * * *
Olivier Cantin-Potvin, rue Prud’homme, à Hull, vers 1988, portant fièrement le célèbre trophée de la LHBLDF, le second de l’histoire, habile bricolage à l’esthétisme intempestif, finement oeuvré par Jean Dumont et presque entièrement constitué d’objets recyclés dont un vieux trophée de quilles Molson, acheté à la Saint-Vincent-de-Paul, et une chaussure ramassée sur la promenade légèrement fédérale du Lac-des-Fées, à Hull, et recouverte d’un épaisse couche de peinture aluminium… L’affreux bottineur qui osait marquer le cinquième but de la troisième partie, lequel geste réussi renvoyait tout le monde chez lui, devait rapporter chez lui ce symbole honteux et s'engager à le mettre bien en évidence dans son lévigneroume !
* * * * *
** Par cet usage abusif de l'emblème du Canadien, je devrais toucher la fibre d'une nouvelle cohorte de lecteurs : après tout, ne célèbre-t-on pas en 2009 le centenaire des Bienheureux Glorieux de la Sainte-Flanelle montréalaise…

*** De très vilaines langues ont prétendu que le cinéaste Pierre Falardeau se serait inspiré de l’allure sportive, tuque et moustache surtout, de PC, président à vie de la LHBLDF, pour créer le personnage de Méo, le faire-valoir d’Elvis Gratton. Le monde sont-tu assez méchants !Mon titre de PAV (président à vie) de la LHBLDF m'a valu d'être l'objet de quelques essais caricaturaux pas très réussis, dont ceux-ci : le premier, à gauche, de Marc Robitaille, le VPEA (vice-président en attendant); le second du vil cerbère André Lévesque, un jaloux qui s'est longtemps prétendu PTT (président tout le temps), malheureux de n'avoir pu réussir, en dépit de ses tentatives, désespérées et répétées, à me putcher hors la présidence...
Difficile d'être chef dans sa bourgade.

** ** ** ** **
A N N E X E
Le document d'archives illustré ici, ponte anonyme attribuée à l'auteur des récits Des histoires d'hiver et Un été sans point ni coup sûr, est destiné à prouver, hors de tout doute, fondé ou non, l'existence irréfutable de la LHBLDF et son richissime passé, et à confondre tout à fait [locution officielle de la langue des correspondants radio-canadiens, obligatoire dès la première de leurs répliques à la personne ancrée dans le studio] et une fois pour toutes, tous les fossoyeurs sceptiques de légendes urbaines sportives.
Les petits caractères
Ceux et celles qui seraient enclins à mettre en doute l'authenticité de ce feuillet archivistique sont priés d'entrer en communication
avec le conservateur du Temple de la renommée du hockey, à Toronto.
Ils, elles verront bien...


mercredi 31 décembre 2008




Anne Midlige, traiteure de fourrures.

Une Libanaise, veuve de sa condition,
se mesure à la
Compagnie de la Baie d’Hudson
(Partie 2)
Texte original de Peter Leney, paru sous le titre
« Annie Midlige fur trader. A Lebanese
widow defies the HBC »

dans la revue The Beaver, juin-juillet 1996, p. 37-41.

Traduction, adaptation et annotations de Pierre Cantin,
avec l’aimable autorisation de l’auteur.

À 30 ans, Annie Midlige se retrouve donc à New York, dans la cuisine d’un restaurant libanais. Elle n’y restera qu’une année : le Canada l’attire. Elle décide alors de se rendre à Ottawa. On ne trouve pas d’explication à sa décision dans le journal de son fils John. Celui-ci signale seulement qu’elle se serait trouvé un emploi dans une famille libanaise. Elle y fait l’entretien de la maison et la cuisine en même temps qu’elle commence à faire du porte à porte.

Son commerce de démarchage ne se limitera pas à Ottawa et les environs. Elle a des visées expansionnistes et passe bientôt sur la rive québécoise de l’Outaouais. Elle a l’intention de remonter la Gatineau et d’y exploiter les possibilités commerciales d'un monde nouveau et grouillant d’activités, celui des chantiers forestiers en pleine effervescence autour de Maniwaki. Ce n’est pas l’industrie comme telle qui intéresse Annie, mais la promesse de pouvoir s'y créer une nouvelle clientèle. Elle commercera tout d'abord avec les bandes amérindiennes du coin, dont les Algonquins du lac Barrière, dans les Hauts de la rivière Outaouais. C’est à ce moment qu’elle attrape littéralement la fièvre de la traite des fourrures.

« Chaque été, écrit son fils dans son journal, elle engageait un Amérindien, chargeait son grand canot d’écorce d’étoffes et de marchandises diverses destinées à des échanges avec les Autochtones. Puis elle partait vers les différentes réserves amérindiennes, à des kilomètres plus au Nord. Ces déplacements, à travers rapides et portages, duraient plus de deux mois et [ma mère] en rapportait des ballots de fourrures de castors, de loutres, de rats musqués, de martres, etc. Les profits tirés de l’échange de ses produits suffisaient à payer son guide et toutes ses autres dépenses. Les profits sur la vente des fourrures devenaient donc des bénéfices nets. »

Un missionnaire oblat, Joseph Guinard n’avait pas été sans remarquer la présence d’Annie dans la Haute-Gatineau. Dans ses mémoires (1), l’ecclésiastique raconte qu’il avait dû retarder l’une de ses missions à Baskatong, au nord de Maniwaki, parce qu’un Amérindien lui avait «emprunté» son canot pour ramener une « vendeuse syrienne » du lac Barrière. Compte tenu de l’endroit et de la date, il ne pouvait s’agir que d’Annie elle-même.

À ce moment-là, Annie avait accumulé un pécule suffisant pour entreprendre le rassemblement de sa famille. Dans un premier temps, elle fit venir John et Eva, qui arrivèrent à Ottawa vers 1898, après une traversée qui dut donner un coup de vieux à la mère. En effet, après être débarqués à New York, les jumeaux, âgés alors de 15 ans, avaient oublié le nom de la ville où vivait Annie. John se rappelle avoir déclaré candidement aux officiers de l’immigration états-unienne : « Ma mère habite au Canada depuis plus de trois ans. Tout le monde devrait bien la connaître. »

Les deux adolescents échappèrent à la déportation vers leur pays d’origine quand le propriétaire du restaurant où avait travaillé la mère eut vent de ce qui leur arrivait et offrit de s’occuper d’eux jusqu’à ce que, du Liban, leur parvienne l'adresse d’Annie au Canada. Cela prit deux mois.

Une fois les enfants établis à Ottawa, Annie s’assura que John apprenne rapidement l’anglais. Malgré l’âge du fils, elle l’inscrivit dans un jardin d’enfant et le mit en pension dans une famille d’anglophones. Annie accepta, non sans quelque réticence, que John fasse son apprentissage de machiniste, car un tel choix contrevenait à la tradition libanaise voulant qu’on soit son propre employeur. Eva, quant à elle, se lança dans le commerce des articles de luxe qu’elle vendait à partir de la maison, rue Bank.

Pendant que les jumeaux s’acclimataient à leur nouvel environnement, Annie poursuivait l’établissement de son empire dans les Hauts de la Gatineau. Après un bref séjour à Maniwaki, elle s’installa à 55 kilomètres plus au nord, à Baskatong, petit village d’agriculteurs et point de services de l’industrie forestière. Elle réussit à amasser un somme qui lui permit d’acheter à cet endroit une halte et une terre de 400 acres, peuplée de chevaux, de vaches, de cochons, de canards et de poules. Dans des registres, on trouve le nom d’Annie Midlige comme propriétaire d’un hôtel dans ce village, de 1905 à 1912, et, bien sûr, d’un magasin.

Eva emménagea bientôt à Baskatong afin de participer aux activités commerciales de sa mère, tout comme ses deux plus jeunes frères, William et Salem, que John était allé chercher au Liban. Une fois sa mission terminée, ce dernier partit vers le Yukon, attiré par l’or qu’on semblait y trouver en abondance. Il passa presque trois ans à Dawson City (2). Annie lui expédiait régulièrement des lettres dans lesquelles elle l’incitait à revenir à la maison car, pour elle, le Yukon était un endroit terriblement difficile.

Quand John revint finalement, Annie lui précisa le véritable motif de sa demande : elle avait besoin d’un partenaire pour la gestion de son commerce des fourrures. « Regarde-moi, lui dit-elle. Je suis une vieille femme. Si je puis effectuer tous ces voyages et en vivre confortablement, imagine ce qu’un jeune homme comme toi, costaud, saurait accomplir. Tu pourrais parcourir le Canada entier. » Puis, en invoquant la coutume libanaise, elle insista sur le fait qu’il était maintenant le chef de famille et qu’il ne devrait pas songer à retourner au Klondyke et laisser sa famille sans support.

Après avoir considéré les résultats plutôt maigres que lui avaient valus ses efforts jusque-là, John fut d’accord : « Maman, indique-moi simplement ce que je dois faire et comment me lancer, et, comme on dit en arabe, avec l’aide de Dieu, je réussirai. »

C’est cependant d’une façon beaucoup plus concrète qui se manifesta cette aide : le projet de construction d’un chemin de fer transcontinental, annoncé, en 1903, par Wilfrid Laurier, le premier ministre libéral de l’époque. Le tracé en zone éloignée du NTR devait en effet traverser les terres se trouvant à la source de la Gatineau, cours d’eau qu’employaient d’ailleurs arpenteurs et ingénieurs pour se rendre aux différents chantiers isolés de ce projet.

Ces opérations d’arpentage firent augmenter considérablement l’achalandage de l’hôtel d’Annie à Baskatong en plus de donner à celle-ci l’idée d’implanter un poste d’échanges pour le nouvel associé de son commerce de fourrures. John allait de fait installer son premier magasin le long de la branche ouest de la Haute-Gatineau, près du lac Echouani, un endroit où pourraient s’approvisionner en matériel de toutes sortes les équipes d’arpentage travaillant dans la région. Connu sous le nom de « dépôt no 2 », l’endroit grouillait d’activité, marqué par un va et vient constant de gens : l’endroit idéal pour établir un commerce.

Ainsi donc, en 1907, la mère et le fils, 43 et 24 ans, se lancèrent ensemble dans le commerce. Après avoir chargé une voiture tirée par un attelage de chevaux d’articles divers – provisions, outils, tentes et couvertures –, ils partirent à travers bois. Pendant six jours, ils cheminèrent péniblement depuis Baskatong jusqu’au dépôt no 2, grimpant les pentes aux côtés des bêtes lourdement chargées, les ralentissant dans les descentes. Arrivés sur place, ils engagèrent des Amérindiens et entreprirent d’ériger un bâtiment de 5,5 mètres sur 4,8 qui allait servir à la fois de magasin, de cuisine et de chambre à coucher.

La formation qu’Annie prodigua à son fils s’avéra fort simple. Elle avait obtenu des Amérindiens des échantillons de fourrure de différents animaux – vison, martre, rat musqué, renard, castor, lynx, belette, pékan : elle n’eut qu’à indiquer à John ce qu’il devait payer pour chacune des bêtes. En moins d’une semaine, les Autochtones se présentaient au magasin pour y échanger leurs fourrures.

Le dépôt no 2 s’avéra toutefois bien plus que le simple emplacement d’un magasin. Sa position avancée faisait en sorte qu’Annie Midlige se trouvait à portée des Amérindiens que la Compagnie de la Baie d’Hudson avait coutume d’avoir comme clients exclusifs. Bientôt Annie se mit à accaparer tout le commerce d’une grande partie de la forêt québécoise. La CBH tenta bien de contrer ses efforts, mais les tactiques employées s’avérèrent plutôt inefficaces.

Le premier des postes de la CBH à souffrir de la compétition de la part des Midlige fut celui du lac Barrière, situé à une centaine de kilomètres plus au sud, à l’ouest de la rivière des Outaouais. Le poste était particulièrement vulnérable, car les Amérindiens chassaient dans les Hauts de la Gatineau, puis, au printemps, passaient par le dépôt no 2 en retournant vers leur lieu de résidence. Il était donc aisé, pour les commerçants libanais, de les arrêter au passage. Aussi ne faut-il pas s’étonner de lire, en 1907, dans le rapport d’inspection du poste de la CBH du lac Barrière, que « madame Midlige s’était accaparé une grande quantité [évaluée à quelque 1800 $] de marchandises qui, à juste titre, appartenaient au poste ».

Le rapport signalait que jamais le poste n’avait connu de compétition digne de mention, du moins jusqu’à ce qu’ « une Assyrienne et son compagnon n’établissent un poste de traite au Camp 2 ». L’auteur du rapport prétendait que c’aurait été sous les effets de l’alcool que les Amérindiens y seraient allés pour y échanger le fruit de leur chasse. Dans toute la documentation de la CBH, il s’agit là de la seule fois où Annie ou John furent accusés d’avoir fait usage d’alcool dans leurs transactions avec les Autochtones.

La perte de fourrures au poste du lac Barrière (lesquelles auraient été utilisées pour le remboursement de dettes de la part des Amérindiens) porta un dur coup à Edward Edwardson, un Écossais bourru qui gérait cet établissement depuis 23 ans. Opposant farouche à « la Compétition », Edwardson réagit à la situation en envoyant son fils aîné construire un avant-poste à côté du magasin des Midlige, au dépôt no 2. Il pourrait ainsi, lui aussi, mettre la main sur sa part des prises des Amérindiens, lors de leur retour au printemps.

Absolument rien ne laissait prévoir que cette situation conflictuelle allait se terminer par un double partenariat des deux clans : les Edwardson et les Midlige allaient s’unir comme commerçants et comme familles.

Dans son journal, John décrit de manière optimiste la réaction des Midlige à cette stratégie de la CBH. Quand le nouvel arrivant, le compétiteur, se pointa, Anne émit cet appel au calme : « Ma mère nous a dit, écrit John, ‘N’ayez pas peur, soyons amicaux à l’endroit de Ben; ne donnez pas plus en échange de fourrures qu’il ne le ferait et ne coupez pas les prix. Votre père disait que si on arrivait à extraire le meilleur des choses en les ponçant, ce n’était toutefois pas le cas avec les humains' . »

John se présenta donc sous les traits d’un type chaleureux et, bientôt, le jeune Écossais et ses compétiteurs libanais firent bon ménage, partageant des repas et jouant aux cartes. Quand l’employé de la CBH fut « apprivoisé et devint amical », John entreprit de lui faire quitter sa compagnie et de s’associer à sa famille pour former une entreprise qui s’appellerait « Midlige et Edwardson, négociants et marchands généraux ». Ensemble, ils établiraient des magasins le long de la voie du NTR, une fois le trajet de celle-ci enfin défini. Ils feraient davantage de profits et seraient leurs propres patrons.

Annie voyait d’un très bon oeil cette association et y percevait de plus une occasion, pour son fils, de trouver une épouse parmi les sœurs de Ben.

Edwardson et sa femme, Mary Polson, à moitié Algonquine et moitié Écossaise, avaient 16 enfants. « Essaie, lui dit-elle d’amener Ben à t’aider à marier Jessie. » – « C’est le meilleur parti de la famille. C’est une femme costaude, jolie et ardue au travail. Elle fait le plus gros de la cuisine, de la lessive et du ménage. Elle a l’habitude de la vie en forêt et connaît bien le commerce des fourrures, exactement le genre d’épouse qu’il te faut. »

John, discrètement, mit en pratique le conseil de sa mère. Après une longue cour, faite de lettres et de cadeaux, de la soie, le mariage fut célébré au lac Barrière en 1912.

L’impact des opérations commerciales d’Annie ne se fit pas sentir qu’au poste du lac Barrière. L’entrepreneure sema également l’énervement à celui de Kikendatch, dans les Hauts-Mauriciens, où les gens de la CBH transigeaient avec un groupe d’Amérindiens, les Attikameks qu’on appelait à l’époque « Têtes-de-Boule ». Le magasin installé par les Midlige sur les rives de la Gatineau se trouvait à deux jours de canot de Kikendatch et les Amérindiens eurent tôt fait de savoir comment s’y rendre.

Aussi est-ce avec une profonde amertume que l’inspecteur W. R. Hamilton consignait-il les incursions d’Annie dans un rapport du poste de Kikendatch, en 1908 :
« Pour la traite des fourrures, ce poste est le plus rentable sur la Saint-Maurice. Cependant, année après année, la compétition s’en est approchée de plus en plus. Elle a forme humaine : une femme venue de la Gatineau, une certaine Medlege [sic], laquelle a ouvert un magasin à deux jours de Kikendatch, et où elle en met plein la vue aux Amérindiens en leur proposant toutes sortes d’objets de pacotille, leur faisant ainsi perdre tout discernement. »

La référence aux objets de pacotille laisse sous-entendre que la CBH présumait que ses compétiteurs ne vendaient que des produits de mauvaise qualité. À ce sujet, le missionnaire Guinard a pu jeter un coup d’œil sur ces supposés objets sans valeur offerts par Annie, celle-ci « vendait des rubans, des cravates, des mouchoirs et des bagues; ses malles regorgeaient de tout un matériel multicolore » (3).

Autre sujet d’inquiétude pour la CBH, les produits essentiels, entre autre la farine et le sucre, se vendaient moins cher au magasin des Midlige du dépôt no 2 qu’à son propre poste de Kikendatch.

Ironiquement, c’est la CBH elle-même qui sabota la venue de nouveaux clients à son poste de Kikendatch. En établissant un magasin au dépôt no 2, dans le but de concurrencer les Midlige, la compagnie avait elle-même créé une concurrence malsaine entre ses deux commerces. Les Amérindiens pouvaient aisément constater que la CBH vendait un sac de farine 6,50 $ au dépôt no 2 alors qu’elle en exigeait 10 $ à son poste de Kikendatch.

La situation à cet endroit s’avérait tellement menaçante pour la bonne marche du commerce avec les Amérindiens qu’il fut décidé, « dans les meilleurs intérêts du commerce des fourrures », de retraiter plus profondément en forêt. Le rapport recommandait de déplacer le poste et de l’installer à un endroit appelé « Obedjiwan », à une centaine de kilomètres plus au nord, dans le réseau des plans d’eau de la Saint-Maurice. Bien sûr, à la CBH, on se fit de la bile, compte tenu des coûts encourus par la fermeture et le déménagement du poste mais, finalement, en 1912, la nouvelle installation d’Obedjiwan démarrait. Son gérant signalait à ses supérieurs que 25 familles amérindiennes avaient suivi.

Ce fut toutefois Annie Midlige qui eut le dernier mot, car la décision de la CBH de fuir son influence et ses activités fit en sorte que les Amérindiens fréquentèrent davantage le commerce de son fils aîné, plus accessible. En 1912, John avait en effet établi un magasin à Oskélanéo, un arrêt sur la ligne du NTR, à quelque 80 kilomètres, en canot, au sud d’Obedjiwan. Les Amérindiens qui avaient quitté Kikendatch y allaient fréquemment, car les produits y étaient vendus moins cher.

Ainsi, à peu près à la même époque, des magasins de tous les membres de la famille Midlige jalonnaient le tronçon ferroviaire depuis la Saint-Maurice jusqu’en Abitibi.
PARENT. La gare du Canadien National.

Annie Midlige partit de Baskatong pour ouvrir un magasin à Parent, une petite localité dont la principale activité industrielle était un moulin à scie et qui était située à 55 kilomètres au sud-est d’Oskélanéo. Ses fils William et Salem travaillaient avec elle tandis que sa fille Eva et son mari gérait un autre magasin, à Sanmaur, un peu plus à l’est, sur la voie ferrée, à l’embouchure de la Manouane, tout près de la réserve attikamek de Wemotaci. Quant à Ben, l’associé de John, il possédait une autre succursale sous la bannière Midlige & Edwardson, à Doucet.

« Désormais, écrivit John dans son journal, la bande des Midlige occupait la ligne du CNR, depuis Sanmaur jusqu’à Doucet, sur près de 250 kilomètres donc, et faisait figure de pionniers dans le commerce avec les Autochtones et les Blancs. Tous et toutes connaissaient la famille Midlige. »

Anne avait presque atteint la cinquantaine quand elle décida de s’établir à Parent pour y connaître une vie moins épuisante. Elle ne cessa pas pour autant ses activités de traiteure de fourrures si l’on en juge par cette entrée, pour l’année 1928, du poste d’Oskélanéo, qu’avait ouvert la CBH deux ans auparavant. Faisant référence aux Amérindiens du village attikamek de Manouane qui y apportaient leurs fourrures, le gérant de l'endroit écrivait : « Si nous n'avions pas été établis ici, ils seraient allés à Parent pour y faire des échanges avec madame Midlige. C'est elle qui attirait toujours cette clientèle durant l'hiver.»

Un recueil de documents (4) sur Parent, produit en 1992, à l'occasion d'un rassemblement de gens du village, présente Annie comme l'un des pionniers de la localité. Le temps a toutefois bien amoindri la puissance des souvenirs : la légende d'une photo (5) d'elle, en compagnie de son fils William, présente ce dernier comme son frère ! Et son nom y est mal épelé : «Mildrage» !

John et Jessie ont donné huit petits-enfants à Annie, dont deux, Ben et Edna (6), qui vivent présentement à Montréal. Ces derniers, qui lui ont rendu visite à Parent, ont gardé d’Annie le souvenir d’une dame plutôt distante, autoritaire.

Comme les petits-enfants ne parlaient pas l’arabe, il semble bien que les échanges aient été pratiquement impossibles. La forte personnalité de la grand-mère imposait une attitude d’obéissance. Elle avait une façon bien à elle de poser le poing sur son front pour signifier son mécontentement au comportement déplacé des enfants à table. En guise de punition, elle ignorait totalement les fauteurs : elle faisait comme s’ils n’existaient pas.

Les petits-enfants se souviennent d’elle, assise sur son vieux lit de laiton, les jambes croisées, s’enduisant le visage d’une pommade apaisante tout en lisant une version en arabe de la Bible.
Ils se rappellent également la forte odeur de la gaulthérie, le «thé des bois», qui flottait dans l’air de la maison, car Annie souffrait énormément de l’arthrite et du rhumatisme. Elle se frottait constamment et abondamment les articulations avec de «l’huile de Polson» (7), faite de thé des bois.

Sa façon de tenir ses comptes mérite d’être signalée. Ses registres consistaient en effet en une multitude de petits bouts de cartons, dont des morceaux de boîtes de gruau, sur lesquels elle gribouillait ses données. Si un percepteur de l’impôt se pointait, elle lui refilait une série de statistiques et de textes en arabe. L’effet était immédiat : le type repartait sans demander son compte.

Durant sa vie au Canada, Annie afficha la même tenue vestimentaire : robes foncées, béret bien enfoncé sur la tête et large mouchoir blanc à la main pour s’éponger le front.

Jamais elle ne retourna dans son pays natal, ni, selon ses petits-enfants, n’en manifesta le désir.

Annie Midlige décéda en 1947. Elle avait 83 ans. Elle est enterrée dans la partie du cimetière latuquois réservée aux protestants, à l’ombre d’un grand sapin beaumier (8), en compagnie de ses enfants, sauf John (9).

Les visiteurs occasionnels de ce lieu doivent bien se demander qui est cette dame et quelle a bien pu être sa vie. Sur sa pierre tombale on peut lire : « Notre mère Annie Midlige, épouse de Midlige Nadar. Née en Syrie 1864. Décédée le 12 février 1947 ».




NOTES

1. Mémoires d’un simple missionnaire, le père Joseph-Étienne Guinard, o.m.i, édition préparée par Serge Bouchard, Québec, Ministère des Affaires culturelles, collection « Civilisations du Québec, 27 », 1980, p. 78.L'ouvrage est accessible en ligne, comme bien d'autres, rares, dont l'excellent essai de Lucien Filion sur La Tuque et ses maires, sur le site NOS RACINES :
http://www.ourroots.ca/beta/toc.aspx?id=2070&qryID=e8277b7b-85e8-4f20-9ddf-6ce6ba979830 .

2. John Midlige raconte longuement ses péripéties au pays de l’or dans son journal inédit, un tapuscrit de 81 feuillets comportant quelques annotations à la main et, au tout début, le mot DRAFT (ébauche). Peter Leney m’en a remis une copie. J’aurai l’occasion d’en traduire les passages portant sur la prodigieuse femme d’affaires, Oskélanéo et la Haute-Mauricie et de les présenter dans mon carnet.

3. La rencontre eut lieu au poste d’arpentage no 1 des équipes affectées à l’établissement du tracé du Transcontinental. Le poste était situé aux fourches de la Gatineau. La phrase qui suit cette énumération empruntée aux mémoires de Guinard se lit ainsi : « Un métis brassait des affaires d’or en faisant la traite des fourrures avec les Indiens. » Il y a lieu de croire qu’il s’agissait de Ben Edwardson.
Bouchard commente cette anecdote dans une note infrapaginale :
« Ces commerçants et commerçantes syriens semblent avoir voyagé dans tous les coins de la province à l’époque. Vendeurs itinérants, ils allaient là où les gens se trouvaient. Ils vendaient principalement des choses difficiles à trouver sur le marché. Les prix de leurs produits étaient généralement très bas. »

4. L'«essai», format lettre, est une production artisanale dont on ne semble pas avoir déposé d'exemplaire aux deux bibliothèques dites «nationales», ni à Montréal, ni à Ottawa. Intitulé « 1992 – Parent – 1992 – Terre d'amour », il rassemble des textes et des reproductions (des photocopies) de documents et de photographies. Hervé Tremblay m’en a fourni quelques photocopies, dont cette liste d’écoliers du « teacher » J. N. Fortier, qui remonte à 1929.

Y figure le nom d'une Annie Midlige, âgée de 14 ans, qui est sous la garde de « Mrs. A. Midlige ». C’est la fille de John, Depuis son très jeune âge, elle habite chez sa grand-mère qu'elle aide à son magasin de Parent. Quant à Edna et Evelyn Rickard, ce sont les enfants de John, le marchand de Sanmaur. Ces détails m’ont été livrés par Louise-Anne Blais, fille d’Annie Midlige et d’Edmond Blais. Chaque fois que je lui passe un coup de fil, madame Blais me livre gentiment quantités d’anecdotes sur sa famille, surtout son grand-père John, et le quotidien des Hauts-Mauriciens. Je la remercie pour la matière qu’elle me fournit et qui enrichit mes annotations..

Photo reproduite du quotidien trifluvien Le Nouvelliste, février 1996.

Parmi les autres noms de cette liste d’écoliers, je remarque celui de John Dryburgh : quand je l’ai connu, à la fin des années 1970, il était déjà grand-père, ce sympathique monsieur, père, entre autres, de Pearl, Daniel, John et Joyce, des amis de mon frère Jean, et que je connaissais déjà, surtout la première, qui fut ma voisine pendant quelques années à Hull. Monsieur Dryburgh fut à l'emploi du Canadien National pendant plus de 35 ans.

5. Il s’agit de la photo d’Annie et de son fils William, parue dans l’article du Beaver et que j’ai reproduite dans la page précédente de mon carnet.

6. Les deux sont décédés depuis. Ils étaient les plus jeunes enfants de John. Ben fut un pasteur anglican et sa sœur, une infirmière. Celle-ci était la marraine de Louise-Anne Blais.

7. Je serais porté à croire que le nom de l’huile provient de la dame qui l’aurait concoctée : la belle-mère de John, Mary Polson, mentionnée plus haut… Dans les année 1950, il y avait une dame Thomson, qui habitait rue Saint-Paul, je crois, qui fabriquait des «remèdes» à base de plantes. Elle fut assez connue pour être répertoriée dans un petit ouvrage sur la médecine populaire du Québec, paru aux Éditions de l'Aurore, que j'ai égaré dans mon capharnaüm.

8. On cherchera en vain, dans le cimetière, cet arbre que planta John Rickard à l’occasion du décès accidentel de sa petite-fille Winnie : j’ai expliqué que le majestueux sapin avait été abattu pour d’obscures raisons. On coupe et on démolit allègrement dans ce patelin qu’on surnomme, tort, la «Reine de la Haute-Mauricie», puisqu'elle se trouve en Moyenne-MAuricie. Mais je ne voudrais pas lancer une querelle de géographes !

9. Dans son journal, John avait exprimé le souhait d’être enterré à Oskélanéo. Sa pierre tombale y est toujours visible. Elle a survécu au gros incendie qui a ravagé l’endroit en 1995. Tous les monuments de bois du cimetière avaient alors été détruits par le feu.



Appel (supplique) à mon modeste lectorat

Ce portrait de groupe des écoliers de l’école de Sanmaur, qui date probablement du début de 1949, pris par un photographe de la Brown Corporation, se trouve dans les documents de cette compagnie conservés par la Plymouth State University, au New Hampshire, dans le cadre d’un projet intitulé «Beyond Brown Paper». J’en possède une copie, sauvée des flammes de la dompe de la CIP, à l’été 1965. Elle fut l’une des 40 photos retenues récemment dans une exposition présentée par cette université et consacrée à ce fonds d’archives où se trouvent des dizaines et des dizaines de photos de l’usine de la Brown de La Tuque :
(http://www.newhampshire.com/article.aspx?headline=plymouth+exhibition+chronicles+life+in+once-thriving+mill+towns&articleid=2491).
La photo a été reproduite dans un compte rendu de l’exposition en plus d’être utilisée sur un site qui traite d’archivistique. On y cite le commentaire que j’avais laissé sur la page du site de l’université présentant le groupe d’écoliers (http://beyondbrownpaper.plymouth.edu/item/973).
Les quelques lecteurs latuquois de mon carnet me feraient grand plaisir et ajouteraient à l’histoire de Sanmaur s’ils montraient ce document unique à leurs amis et connaissances, question de compléter l’identification des gens qui y figurent.

Pour l’instant, j’y reconnais ces quelques personnes qui m’ont précédé à cette petite école que je fréquenterai à compter de septembre 1950 : d’abord, les institutrices, Irène Trépanier et Marguerite Bourassa, puis Louise et Jean-Pierre Ricard, Pauline et Robert Bouchard, Michel Ross, Huguette Lesage, Louis Lacasse. Je sais qu’il s’y trouve des Pelletier, des Houle (dont les deux garçons juste devant mademoiseille Trépanier, à gauche) , sans doute aussi des Chiasson. J’aimerais être en mesure de la reproduire de nouveau dans mon carnet, accompagnée, cette fois, d’une légende qui permettrait de mettre un nom sur chacun de ces visages d’enfants. Et ce serait davantage extraordinaire si ces gens possédaient d’autres photos de cette école et de ses activités.
Pauline Bouchard, ne m'est pas étrangère : je me souviens avoir vu sa tête à la une de L'Écho de La Tuque. Infirmière de profession, c'est elle qui, en l'absence de médecin, a « géré» la naissance de la fille de la romancière Normande Élie, de qui je présenterai les deux romans sur Sanmaur. Elle est bien connue aussi de Louise-Anne Blais.

Voici mon courriel : cantinrevision@gmail.com.


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Dans mon vagabondage à travers les pages des microfilms de journaux anciens disponibles en ligne, je suis tombé sur ce fait divers concernant le sauvetage, en 1958, de Jean Gilbert, notre petit voisin de palier, au 348 de la rue Tessier.

Tiré de l’édition du 26 novembre 1958 du Shawinigan Standard.

Je me souviens d’un hiver, 1955 ou 1956, où, en groupe, nous étions descendus au «p’tit lac» pour nous y dégager une petite patinoire afin de jouer au hockey. Les parents nous avaient immédiatement ramenés à la maison et à la raison… La saison sur le lac fut plutôt brève.
Un hasard n’arrivant jamais seul, j’ai rencontré le fils du rescapé le jour où j’ai fait des photos de l’édifice de Beau-Blanc Tousignant. Le petit-fils de Jean-Claude était l’un des ouvriers qui, en compagnie du propriétaire, faisaient des travaux de rénovation sous l’immense balcon à deux paliers du « bloc » de briques rouges campé à l’angle des rues Tessier et Saint-Michel. C’est ainsi que le jeune homme a appris que son grand-père et son père avaient habité les lieux.

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