samedi 23 août 2008

EN ATTENDANT LA BIOGRAPHIE D’ANNIE MIDLIGE

Diversion géographique, historique et gastronomique


Il y a de ces petits samedis matins facteurs de moments magiques, diffuseurs de contentitude. Il suffit d’étaler l’édition fraîchement cueillie du dernier quotidien libre au pays, du moins il me semble, Le Devoir, sur l’îlot de la cuisine et, tout en sirotant un café, d’entreprendre la lecture d’icelui. La contentitude atteint son comble quand le papier, comme disaient les anciens, propose à la fois la chronique prétendument littéraire du merveilleux prosateur Louis Hamelin, digne fils spirituel du grand pamphlétaire Jacques Ferron, et celle supposément et fallacieusement sportive du spirituel Jean Dion, plus légère, certes, mais qui offre au lecteur, sur un autre registre, son lot de non moins graves propos sur la condition humaine.

Ces deux escogriffes réfléchis causent-ils vraiment de littérature et de sport? Il y a lieu d’en douter fortement, car ils se comportent plutôt en rusés sociologues dont l’esprit ouvre tout grand les vannes sur notre condition d’Américains – attention ! pas Étatsuniens, mais tonitruants résidants du continent – francophones, tant leur propos nous change de celui de bon nombre de ces benêts et intensifs « tapeux » de clavier à la solde d’empires de désinformation canado-québécois, clavardeurs besogneux, tâcherons scribouillards, qui osent prétendre faire dans le « journalisme » tandis qu’ils ne sont que d’épouvantablement vains échotiers de demi-sous-sols, épandeurs d’anecdotes banales et insipides, faisant indéniablement dans l’amusement facile du badaud par un siphonnage intensif, à gauche et à droite, d'insignifiantes matières à commentaires quand ce ne sont pas lesdits badauds qui leur fournissent qui une page trouvée par hasard sur la Toile, qui une vidéo de Hiyoutoube...

Pierre Cantin, la main dans … le sac, ou plutôt dans la fente à courrier de
la succursale de Postes Canada, à la Longue-Pointe-de-Mingan, dispositif à bascule d'où émergent parfois de curieux quadrupèdes. Icône à peine truquée par le pas très calé en informatique carnetier.
Photo : Jacqueline Potvin, 9 juillet 2008.


Holà ! Quel gigantesque écart à mes propos mauriciens, moi qui pourtant avais presque promis de ne plus déverser de mes humeurs mauvaises dans ce carnet ? Tout simplement parce que le hasard a fait en sorte que deux chroniques de Hamelin causaient de la Côte-Nord, de la Minganie, plus précisément, où, au début de juillet, j’allai passer quelques jours enchanteurs.

Et le lien avec mon carnet ? Tout bonnement que j’aurais pu y rencontrer, en pleine Minganie, une arrière-petite-fille d’Annie Midlige, que j’ai relancée à Parent, en Haute-Mauricie (ou est-ce déjà l’Abbittibbi ?), et qui, dans le cours d’une intéressante conversation téléphonique, peu avant mon départ pour Sept-Îles et les petites localités de la côte, me confiait avoir en sa possession une importante collection de documents et d’objets ayant appartenu à la prodigieuse marchande d’origine syrienne et qui m’invitait à lui rendre visite pour en prendre connaissance. Puis, drôle de coïncidence, cette dame m’a confié qu’elle partait, elle aussi, pour la Longue-Pointe-de-Mingan, chez des parents, pour tout le mois de juillet, question de s’y adonner à la pêche. Je ne l’ai toutefois pas rencontrée là-bas et je compte bien le faire à Parent, à l’automne.


Longue-Pointe-de-Mingan, 9 juillet dernier. En zieutant cette
fourgonnette transformée en cantine mobile, installée le long de la 138, en face du centre d’interprétation de Parcs Canada, à l’entrée de la petite localité, j’ai cru un instant que l'ineffable André Ouellet, l’ancien p.-d. g. de Postes-Canada et installateur patenté de MIUF, baron ministré aux dépenses torrentielles, avait piqué un ancien véhicule de livraison de la Société pour s’en faire un « stand à patates frites » ! Perception équivoque, causée probablement par le fait que, dans ce minuscule village, comme à Havre-Saint-Pierre, le bleu, le blanc et le rouge s’étalent partout, rappel flamboyant de la descendance acadienne de ses habitants.
Photo : Pierre Cantin, 9 juillet 2008.


De retour de Sept-Îles sur les ailes d’Air Canada – toutes les envolées, une demi-douzaine aller-retour d’Ottawa, bien ponctuelles et « servies » dans les deux langues officielles du pays –, j’ai poussé une pointe jusqu’à La Tuque. J’en ai profité pour me rendre au cimetière et aller y saluer les membres du clan Midlige enterrés dans la section réservée aux païens et aux païennes.

Les Midlige devaient faire l’objet de la présente page de mon carnet. Pour l’instant, je ne ferai que glisser ici deux photos de stèles funéraires rappelant le passage de quelques membres de la famille des Midlige et des Blais en Mauricie…

Pierre tombale d’Eva Lisa et de Mary Midlige.
Photo : Pierre Cantin, La Tuque, 25 juillet 2008.

Monument funéraire des époux Annie Midlige et
Joseph-Edmond Blais. Photo : Pierre Cantin, La Tuque, 25 juillet 2008.

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… de même qu’un mot, en fait, un passage, emprunté aux mémoires de Max Comtois,

http://drcomtois.situs.qc.ca/oscalanea.html

un médecin qui pratiqua à La Tuque, qui y commet un commentaire aux termes très peu flatteurs, voire méprisants, sur l’un des fils d’Annie Midlige, un des pionniers du village d’Oskélanéo, qui était, comme sa mère, un commerçant et sur qui je reviendrai. Comtois y était allé en draisine pour soigner la femme du marchand écossais, une Amérindienne. Écossais et Amérindiens, une mauvaise engeance pour un papiste dévot, ami du curé de la paroisse, l’ultramontain Eugène Corbeil. Aussi a-t-il pu se sentir fort charitable, cet omnipraticien, bien « bon » de se déplacer pour soigner une « Sauvagesse », épouse en plus d’un protestant. C’était l’époque, concèdera-t-on, un temps où les notables possédaient la vérité, le savoir et le pouvoir tout à la fois…

Les éditeurs de ce site, petit-fils et petite-fille du médecin, précisent que plusieurs noms y ont été trafiqués. Ici, par exemple, le patronyme de Midlige est transformé en MacRidge; celui du missionnaire oblat Caron, en Courbon. Était-ce utile ou véritablement pertinent de procéder à ce camouflage ? J'en doute, surtout que les gens intéressés à la généalogie aurait pu y trouver des renseignements utiles.

Je transpose ici – j’y ai corrigé de rarissimes coquilles – l’extrait de cette page, intitulée «Oscalanea».


« Le Transcontinental comme on l'appelle, passe à Oscalanea, à cent trente milles de La Tuque. Si on peut appeler ça un village, c'en est un petit. Nous y trouvons un magasin général où il y a de tout et où s'approvisionnent les Indiens de la région qui viennent y vendre ou plutôt échanger leurs fourrures. À part de ce magasin général, il y a quelques petits campements.

Le propriétaire de ce magasin, Nick MacRidge, est le grand manitou de la place. Il y exploite royalement les Indiens qui sont de grands, naïfs enfants. C'est donc dire qu'ils paient à prix d'or ce dont ils ont besoin en nourriture ou en vêtements. Ce Nick MacRidge qui y fait fortune n'ayant aucune compétition est un supposé Écossais qui a échoué dans ce pays sauvage. D'où venait-il, personne ne le savait. Il avait dû travailler pour la compagnie de la Baie d'Hudson qui depuis toujours faisait le commerce avec les Indiens. C'est probablement là qu'il avait appris à les exploiter. Il était lui-même marié avec une grosse Indienne. »

[…]

« Il arriva un jour que sa femme tomba malade et je reçois un télégramme du missionnaire de Parent, le père Courbon, me demandant de me rendre le plus tôt possible à Oscalanea, soit une distance de cent trente milles. Il fallait couvrir cette distance en «speeder», petit véhicule mu par un moteur à gazoline qui peut filer à une vitesse de trente-cinq à quarante milles à l'heure sur la voie ferrée. »

Montage exécuté par Gaston Gravel et situant le poste de la Hudson
Bay
à Oskélanéo, ce village planté le long de la voie ferrée du Canadien National, où est d'ailleurs née sa belle-mère, Fernande Bourassa. Faudrait voir quelles étaient les dimensions du magasin-général de Midlige à cet endroit et si la HBC 'consentaient' de si bons prix à sa clientèle américaine...

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NOTES

À La Tuque, d’après mes sources, qui sont très sûres, il ne resterait qu’un stand à patates frites monté sur roues, garé rue Bostonnais, tandis qu’on y trouve deux franchises de chaînes amerloques, dont un « grassouillard » EDC (Empoisonneur du coin : expression que j’utilisais, au siècle dernier, pour convaincre mon fils Olivier que ce n’était pas là un endroit où se sustenter selon les prescriptions du guide alimentaire de Santé Canada).

L’affiche géante de la concession latuquoise de PFK, triplement plantée
dans un champ, en
bordure de la 155, avant d’arriver « en ville ».

On y notera la volonté de faire "saveur locale", velléité légèrement coquine, mais loufoque tentative de minimiser la perversité de la mondialisation galopante. le panneau a tout de même un côté avantageux : son message précisera au voyageur affligé d’une gastro ramassée à Shawinigan ou à Grand-Mère, dans un lupanar alimentaire, qu’il n’est qu’à sept kilomètres de l’hôpital de La Tuque, l’établissement avicole y déparant le
paysage à quelques pas du plus gros édifice de la place!
Photo : Pierre Cantin, 24 juillet 2008.


Les promoteurs venus de la « Land of the Free » ont eu beau établir leurs baraques dans des endroits bien stratégiques, ils n’ont pas réussi à déloger Chez Wallace, une institution latuquoise plus que cinquantenaire, dont le propriétaire, Wallace Blackburn, abandonnant sa légendaire fourgonnette nourricière, s’est ancré tout à côté de la gare, rue Saint-Louis. Aux dernières nouvelles, ses cuvées parmentières étaient toujours les meilleures en ville.

Chez Wallace, rue Saint-Louis, vu depuis la gare de Via Rail. De l’autre côté de la rue, presque en face, l’immeuble qui héberge la station de radio CFLM 1240, où je fus, en 1964, brièvement journaliste et un peu, mais si peu, programmeur d’émissions de fin de semaine.

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Relique solitaire de mon court passage dans les studios de CFLM : une feuille de route qui servait, une fois par année, à calculer les redevances et les droits d'auteur devant être versées aux artistes - auteurs et compositeurs). Cette semaine-là, on ne faisait jouer que du "contenu canadien" ou presque: charité bien ordonnée...

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Retombées de mes propos sur la coupe à blanc survenue en 1988 le long du boulevard Ducharme. Depuis la parution de mon dernier carnet, Gaston Gravel m’a fait parvenir plusieurs documents sur ce déplorable événement duchesnien, dont ce montage, qui illustre, mieux que mes deux cartes postales anciennes, les résultats de l’opération du maire tronçonneur. Et puis, aux Piles, où je me suis livré à un petit safari photos, en route vers mon home chelséan, je n’y ai point rencontré le quidam coupeur : on m’avait pourtant dit qu’il y créchait…

Sur la photo couleur, on notera le trou béant laissé par le glissement d’une maison vers le terrain de golf, plus bas, provoqué par un bris de conduites souterraines. Ironie du sort, les parents de l’ancien maire habitaient tout juste au nord de ce lieu, du même côté de ce qui était la rue Commerciale. Mes parents, eux, occupèrent brièvement, dans les années 1970, un logis du rez-de-chaussée, côté nord, du gros édifice blanc, à droite du « cratère ».

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Un artéfact mauricien, rare, pris à la volée, ce 25 juillet 2008, dans l’un des multiples capharnaum d’Hervé Tremblay, qui m’a révélé la présence, à Parent, de cette arrière-petite-fille d’Annie Midlige. Photo : Pierre Cantin.


Puisqu’il est question de La Tuque, deux suggestions de lecture : le carnet de Micheline Raîche Roy, consacré Eugène Corbeil :

(http://lbiographieeugenecorbeil.blogspot.com/2008_08_17_archive.html).

Elle y livre des documents inédits sur le curé fondateur de la paroisse Saint-Zéphirin, entre autres, la transcription d'une causerie qu'il donna le 25 mai 1925, de retour de son second voyage outre-mer.

Ensuite, celui de Jean-Georges Laporte qui y commente occasionnellement l'actualité latuquoise.

(http://www.echoducitoyen.com/).

Il y a en sans doute d’autres. J'apprécierais beaucoup qu'on m'en signale l'adresse URL.

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