samedi 3 octobre 2009

Sanmaur : mission, desserte et paroisse

II. L’«incontinence florale» de son second gérant de temple

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L’élégant oblat Léopold Lacasse : un touriste à Niagara Falls, vers 1953.

Photo : Maizy Lee Cantin

Aujourd’hui, avec ce recul de plus d’un demi-siècle, le visionnement de ces photos de l’intérieur de la petite église de Sanmaur, prises en 1953 et 1954 par l’oblat Léopold Lacasse, ne peut que me laisser l’impression qu’il y avait bien quelque chose d’indécent, d’incongru dans ce déploiement orgiaque d’ornements et de décorations dans un temple appelé, de toutes façons à disparaître à peine une vingtaine d’années après sa construction. Windigo avait perdu, à la fin des années 1940, sa vitalité et sa communauté; Sanmaur allait suivre. Éphémère existence que celle des dépôts forestiers.

Déjà, en août 1960, à peine une douzaine d'années après sa construction, le cinq logis de mon enfance était condamné à la démolition. Il était placardé et je n'avais pu y entrer...

Les photos, toutes œuvres de Lacasse, sauf indications contraires, parlent d’elles-mêmes et expriment bien l’extravagance de ces «fous de Dieu», immensément à l’aise avec la bourse, si maigre soit-elle, d’autrui, illuminés qui se croyaient investis d'une supposée mission, celle de payer un tribut aussi festif à l’énigmatique patron de leurs oeuvres dérisoires.

À Sanmaur, compte tenu du cheptel plutôt réduit des brebis en mesure de cracher une raisonnable dîme, on nage carrément dans la démesure; on ne saurait être que rebuté par une incontinence décorative qui a dû faire le bonheur de bien des vendeurs de bébelles religieuses et de fleurs, sans oublier celui du Canadien National qui a assuré leur transport.

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Lacasse a fait recouvrir (peut-être remplacer) la boiserie originale ceinturant l’intérieur du temple de panneaux imitant le marbre, nettement visibles ici, sur le mur derrière l’autel et celui de la nef, côté est. D’année en année, il a varié l’ornementation, les icônes, adaptant le décor au calendrier liturgique.

Vendredi-saint et Golgotha factice à Sanmaur.

Maizy Lee Cantin et son fils Jean : une mise en scène du photographe-curé….

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Si ma mémoire est bonne, il y a deux grands cycles dans le calendrier liturgique romain – celui de Pâques et celui de Noël, lesquels ont donné naissance au théâtre en Occident – tout comme il existe une ribambelle de fêtes et de célébrations auxquelles est associée un gamme de couleurs, source de joies grandioses pour les fabricants de tissus, d’ornements et de costumes de toutes sortes. À Sanmaur, la sacristie, située à la droite du chœur, comprenait un mur complet de tiroirs bourrés de vêtements sacerdotaux et des armoires remplies d’objets précieux. Un véritable entrepôt ! Et c’était le p’tit frère Auger, Conrad, qui devait veiller à l’entretien de toute cette garde-robe et aux changements multiples des décors…

Vue rapprochée de l'autel.

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Noël

La génératrice de la Brown a dû avoir bien du mal à fournir le jus, ces soirs d'éclairage malade du temple !

Le village miniature et le train électrique installés au presbytère.

Saint Nicolas débarque à Sanmaur.

Je n’ai aucun souvenir de cette activité festive quand le presbytère était ouvert aux enfants – ici je ne reconnais aucun d’entre eux, probablement fils et filles des résidants du secteur Manouane, de parents dont la salaire ne dépendait pas de la Brown. Saint Nicolas était personnifié par Albert Lesage, mécano qui fut à l’emploi de la compagnie berlinoise et de Gaston Pothier, le distributeur des tronçonneuses Stihl [***] des Hauts mauriciens… J'ai cependant plusieurs photos des Lee et des Cantin à l'occasion de visites nocturnes de cet immeuble.

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Les QUARANTE HEURES

Sauf erreur, cette disposition de lampions et de fleurs se faisait à l’occasion de la pratique dite des « 40 heures ». Je n’en ai qu’un vague souvenir.

Ces deux cylindres d'acier soutenaient le jubé.

*** Volet sportivo-païen !

Pothier, monté dans les Hauts mauriciens, fut d’abord cuistot pour la Brown à La Loutre, puis restaurateur à son compte là même, ensuite à Sanmaur en même temps qu’il obtenait l’agence des produits Stihl, commerce qui sut le rendre rapidement millionnaire. Pothier fut également le propriétaire de l’entreprise La Tuque Chain Saw Ltd. Et voilà qu’une vieille canne de son cru latuquois se retrouvera offerte aux collectionneurs sur Ebay !

D'après moi, l’artéfact latuquois le plus rare jamais aperçu sur Ebay, du moins le croirais-je,

demeure ce trophée, bosselé, «donated by the businessmen of La Tuque», et attribué à l’équipe championne de la La Tuque Baseball League, dans les années 1920. Le vendeur étatsunien en demandait 75 $, mais son objet n'avait pas trouvé d'acheteur...

En 1928, c’est l’équipe appelée CERCLE qui l’avait remporté.


Le prochain épisode, titre provisoire de « Léopold Lacasse, O. M. I. ou bedon M. B. A. ? », clôturera mon triptyque catho-sanmauresque…

J’ai orchestré le contenu du cinquante-quatrième au moment où les flics d’Ottawa essayaient de mettre la main au collet …romain du grassouillet prélat antigonishien Raymond Lahey, amateur de très jeunes bipèdes dont le corps, soutenaient les redoutables soutanes à une certaine époque, constituait un temple habité par le présumé créateur de toute chose et de tout être... Pendant ce temps, à la radio, j'écoutais une dame, une thérapeute, rappelle à l’animateur radio-canadien qu’on avait l’habitude d’exiler dans une autre paroisse les pédophiles à la verge consacrée un peu trop actifs. Son appel m’a rappelé une autre intervention, celle d’un type qui suggérait, il y a un an ou deux, au même animateur, de se rendre dans un village du Grand Nord pour y constater, de visu, les nombreux yeux bleus laissés en héritage aux jeunes gens du patelin par le missionnaire oblat qui y exerçait ses services prétendument spirituels.

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Pour finir, une anecdote, plantée un peu plus au Sud, dans un contexte davantage lié à mon propos.

Un jour, à Sanmaur, V***, frère oblat, avait agressé une fillette. Le froqué avait dû se réfugier dans les bois jusqu’à ce que Lacasse allât le cueillir pour le placer à bord du train de nuit vers les Bas… La jupe comme refuge !

Ite, chroniqua est…