lundi 13 avril 2009

La Brown Corporation
dans les Hauts mauriciens

Petit supplément à l’année 1921
du journal de
Jeremiah McCarthy
LA LOUTRE (1919-1957)

[42]

PROLOGUE
Certains passages des pages de mon carnet présentent parfois une allure quelque peu aride, j’en conviens aisément. Il faut les considérer un peu comme l’établissement d’une base de données historiques minimales, des références en quelque sorte sur le quotidien de la vie en Haute-Mauricie avant 1960 : un répertoire de patronymes, de toponymes, d’événements badins ou importants, toutefois tous détails qui pourraient servir, j’ose le croire, à l’écriture d’une histoire des Hauts mauriciens, mieux structurée, plus fouillée. Je rêve…

En blague, j’ai suggéré à une amie historienne, passionnée de latuKoiseries, qu’elle pourrait consacrer ses temps libres à un magnifique sujet de recherches doctorales : «Perception de la réalité québécoise francophone dans la presse états-unienne de 1850 à 1950», modeste corpus, quand même, qui lui permettrait d’englober à la fois les dimensions sociales et économique de l’évolution de la Belle Province. De belles heures de dépouillements de périodiques, d’analyse et de réflexion en perspective!

Je la voyais déjà, dans une vétuste salle d’une université de la Ivy League, Harvard ou Yale, ou plus près, rue à Montréal, un hall quelconque de la McGill University, prosternée devant un jury gagné d’avance aux propos d’une exotique «Autochtone», défendre son ambitieuse thèse consacrée en partie aux opérations de tronçonnement démentiellement ravageuses d’arbres, et non d’Amérindiens, de Mexicains, de Vietnamiens, d’Iraquiens, de Pakistanais, depuis le blocus du 21 novembre 1806, établi par Napoléon le Petit, boucher-équarrisseur de profession, jusqu’à la Révolution tranquille. Me suis fait envoyer derechef paître au diable vauvert par ladite dame, que pourtant passionne hénaurmément l’histoire …

Pourtant, quelle opulence de sources premières ! Durant les trois premières décennies du siècle dernier, du fait que les forêts canadiennes étaient exploitées par des sociétés états-uniennes venues y chercher leur bois de pulpe, question, bien sûr, de ne pas dégarnir leurs propres forêts, plusieurs grands quotidiens du Sud immédiat, surtout le New York Times, publieront régulièrement des articles fort bien documentés sur divers aspects reliés à cette industrie : construction d’usines, de barrages, de chemins de fer, etc. Le développement de la vallée de la Saint-Maurice et l’industrie papetière et le développement de projets hydroélectriques feront ainsi l’objet d’intéressants reportages. Sans oublier la fameuse affaire «Anne Stillman» et l’aspect folkloriques des Canadiens…

On s'intéressait grandement au projet de barrage à la tête
de la Saint-Maurice en 1918. À Boston, par exemple...


Retour sur 1920
J’ai lu quelque art que, cette année-là, la papetière Belgo de Shawinigan avait acquis les droits pour la coupe du bois sur la réserve amérindienne de Betsiamites, garantissant ainsi l'approvisionnement de ses usines en matière première. Cela expliquera les visites qu’y feront des employés de La Loutre, dont Jerry McCarthy, Percy Dale et le capitaine Rowell.Puis, semble-t-il, les droits seront vendus à la compagnie américaine Brown Corporation la même année. Celle-ci fera construire une usine de coupe et le bois sera acheminé par bateau jusqu'au port de Québec. De là, il transitera par chemin de fer jusqu’aux usines de la Brown, à Berlin au New Hamsphire. Cette exportation me semble bizarre puisqu’en 1905, Ottawa avait légiféré en cette matière, suivi, en 1910, par le Québec. Dorénavant, donc, embargo ! Le bois devait être transformé en pulpe et en papier au pays, ce qui fera, un certain temps, de Trois-Rivières, la capitale mondiale du papier journal.Sur la voie ferrée menant de Chaudière à La Loutre.

Éphémérides de 1921 (suite)
Il est étonnant que Jerry McCarthy n’ait pas signalé la visite, à La Loutre, d’un curieux trio : l’écrivain états-unien T. Morris Longstreth, un érudit, homme cultivé qui lit le français, et les deux dames qui l’accompagnaient, Sally the gay (holà ! pas au sens contemporain du terme) et Alice from the Wonderland, qu’il avait rencontrées, si je me souviens bien, à Montréal.
Longstreth puisera, dans son périple de La Tuque à La Loutre, via le lac Wayagamack et Sanmaur, puis sa descente en canot sur la Saint-Maurice depuis la Reine de la Moyenne-Mauricie, la matière du chapitre XXVI, «Odyssey of the St. Maurice», de son récit de voyage The Laurentians. Un passage particulier est consacré à sa rencontre avec le capitaine Rowell, à La Loutre. Il me faudra parler de ce coloré personnage, de ce «bon rameur», une sorte d’ancêtre du Capitaine Bonhomme, car il a marqué les pages du Brown Bulletin de ses textes sur sa propre personne, tout comme le feuillet a pu lui-même égayer son lectorat par les anecdotes jamais ennuyantes du prétendu bourlingueur des mers intérieures…

À Sanmaur, l’écrivain fut accueilli par Oscar Roy, le patron de la Brown de l’endroit, et un Écossais, un nommé Pickering, agent de la Hudson Bay Company.

Extraits de l'essai de Longstreth sur son passage à Sanmaur

Le début de l'extrait se passe au lac Wayagamack. La dame Beauvais ici mentionnée, est l'épouse de Fred Beauvais, personnage qui marquera l'histoire de la Mauricie, car il sera impliqué. dans quelques histoires plus ou moins saugrenues. Une amie de Longstreeth l'avait avait présenté l'auteur en ces termes : « He's an Indian, the nicest, most refined, attractive Indian you have ever seen.» Voici comment lui, à son tour, le décrit à ses lecteurs, au début de son livre : «... I saw he was greaseless, and, barring an aboriginal profile, which Greek sculpture never compassed, scarcely savage. His hair was dark and his eyes shone as inscrutably as the sons' of the Sphinx should. » Son nom, en amérindien : «Kaiantonoron».

À noter la graphie de Wemotaci : MONDECHINGUE ! Quant à ce Drummond, il s'agit de William Henry Drummond (1854-1907), médecin de Montréal. Il est l'auteur de poèmes dans lesquels il utilise le parler populaire des «habitants». Il était membre du Club Wayagamack.

Cet intermède ne saurait clore tout à fait l'année 1921. Il me reste des choses à glisser dans cette chronologie brownienne des Hauts mauriciens. Causer entre autres des faits et gestes de ce capitaine rameur. A suivre, donc.

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AJOUTS – ANNEXES – APARTÉS
COMMANDITES AMICALES
PATRONAGE POSITIF
À BUT NON LUCRATIF
ÉLUCUBRATIONS DE MÊME ACABIT OU FARINE

Je voue une grande admiration à un groupe plutôt restreint d’écrivaines et d’écrivains québécois, et le dernier à voir son nom inscrit à mon palmarès est Nicolas Dickner, originaire de Rivière-du-Loup, l’auteur de NICOLSKI, un merveilleux roman en processus de traduction aux quatre coins de l’univers. Son deuxième, TARMAC, paraît ces jours-ci.

Voici quelques phrases que je lui pirate sans le moindre remords et qui auraient très bien pu constituer l'exergue de la toute première page de mon carnet sanmauresque.

«En tant que romancier généraliste, j'appartiens à une catégorie de gens fascinés par le temps - et plus exactement par le décalage entre différentes saveurs de temps: le temps du récit, le temps de la lecture et, bien sûr, le temps qui s'écoule dans cet endroit bizarre que, par souci de simplicité, nous nommerons "monde réel".
Le sujet vous semble technique? Détrompez-vous: il s'agit d'une question universelle - car lorsque j'utilise le mot "récit", je ne parle pas simplement de Cent ans de solitude ou de la dernière biographie non autorisée de Michèle Richard. Je parle aussi, et surtout, du récit que chaque instant nous faisons de nos propres vies. La narration n'est pas une invention d'écrivain: il s'agit d'un mode d'organisation de la mémoire.
En effet, notre cerveau ne conserve pas les données de manière statique. Nos souvenirs sont sans cesse actualisés, remis à jour, réenregistrés. Lorsque vous repensez à votre premier popsicle, vous ne lisez pas simplement des données immuables: vous les interprétez et réécrivez par-dessus les anciennes versions. En argot informatique, vous les écrasez.»
– Nicolas Dickner, «Foutus algorithmes» (Hors champs),
carnet , VOIR, 11 mars 2009.


Voici que, des Bas, on s'intéresse aux Hauts mauriciens : l'encyclopédiste latuquois Hervé Tremblay passera quatre fois à la télé, dans le cadre d'une émission toute mauricienne. Détails dans son carnet LatuKoiseries:
http://latuquehistoire.blogspot.com/

Décidément l'«historien haut en couleur», ce n'est pas moi qui le dis, mais bien le texte de l'annonce affichée dans la page WEB de TV5, qui diffusera les propos de notre homme, qui le présente ainsi, fait les manchettes ces jours-ci.
À preuve, ce salut de L'Écho de La Tuque, paru dans la dernière édition d'icelle.
D'ailleurs, on peut lire L'Écho en ligne :

http://lechodelatuque.newspaperdirect.com/epaper/fr/viewer.aspx

C'est ce que fait mon tchomme Coco, pauvre Latuquois exilé à Genève, condamné à ne boire que de la Cardinal, dont le goût n'a rien à voir avec la bière que son frère vendait au siècle dernier aux établissements «licenciés» de la Reine de la Moyenne-Mauricie. Courage, Coco !




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