dimanche 30 novembre 2008

CORBEIL – COMTOIS – MIDLIGE – RAÎCHE-ROY

De l’obnubilation – de l’enfirouâpage – des gens ordinaires

ou bedon

Où il est question, en partie, de nobles bêtes et de bêtes bipèdes baptisés

ou bedon encore

Personne n’a l’obligation de s’imposer la pénible lecture de ces petites proses drôlement échevelées, versant honteusement dans le pamphlet décousu mais pas nécessairement logorrhéique…


« L’histoire sera pour ceux qui avaient une voix et une voix forte. L’histoire la plus réelle est pourtant celle des gens qui subissent les évènements et l’histoire n’aurait pas de plus grande chance de découvrir la vérité qu’en écoutant le point de vue des victimes ou des dupes. »
– Pierre Vadeboncoeur, L’autorité du peuple
(Québec, Éditions de l’Arc, 1965)


Je ne me souviens plus du nom de l’auteur (j’ai sa tête en tête, mais…) qui m'a croqué le faciès à l'époque, mais cette prise a été utilisée pour de multiples auto-collages postalo-rhinoférociens plutôt naïfs; la bête, elle, est empruntée à l’univers absurde du grand illustrateur et philosophe, Yvan Le Louarn, dit Chaval (1915-1968), philosophe dissertant par le crayon plutôt que le caractère typographique. Un grand penseur.

* * *
J'étais de nouveau monté sur mes grands rhinos et m’étais lancé dans une frénétique galopade sur le clavier de mon portable pour y aller d'un texte qui s'attaquait, sans les nommer, bien sûr, à deux pédophiles notoires, qui auraient (on notera l’emploi euphémisant de l’auxiliaire avoir, employé ici au très conditionnel, mode du doute certes, mais qui ne saurait affaiblir en rien la solidité des témoignages reçus dans ce dossier bien « fermé », ou du moins inconnu de la population en général), deux notables qui auraient « désoeuvré » à leur aise auprès de jeunes Latuquois (ne cherchez pas le féminin ici…) pendant longtemps, en toute impunité, forts de la protection qu'avaient pu leur accorder, par leurs silences ou leur inaction, les quelques notables du patelin, en particulier l'aréopage ensoutané, qui ne pouvaient pas ne pas être au courant de leur pratique ignominieuse. Aujourd’hui, quelqu’un aurait sans doute le courage de les dénoncer à la justice. Depuis l’endémique entreprise de défroquage qui suivit Vatican II, la gente ensoutanée a beaucoup perdu de sa superbe et de son pouvoir.
Caricature de Pierre Cantin entuqué : création de Carl A. Martin, 1985. Le quadrupède est de Marcel Gotlib, le créateur, en 1968, de la Rubrique-à-Brac,
pages sublimes du mémorable magazine Pilote.
Serge Chapleau en a repris l’idée et la façon qu’utilise Gérard D. Laflaque.


L’élément déclencheur initial de ma galopade fut la lecture d’un texte trouvé par hasard, dans Internet, une apologie dithyrambique (oui, je sais, je fais carrément dans le pléonasme tautologique !) de l’un de ces deux notables latuquois qui avaient dérobé à plusieurs jeunes gens un pan de leur adolescence. C’était là un coup d’encensoir qui provoqua chez moi un haut le cœur, compte tenu de la bassesse du personnage célébré et de la perversité de ses actes… Cette trouvaille advenait au moment où paraissaient des propos très incorrects du curé fondateur de la paroisse de Saint-Zéphirin-de-La-Tuque, livrés, dans son carnet, par Micheline Raîche-Roy, dame arrivée sur la planète au siècle dernier, littéralement délivrée de son antre utérin par les bons soins d’un accoucheur expérimenté, Maxime Comtois.

Un Pierre Foglia quadragénaire pose en compagnie d’un
placide pachyderme
emprunté à Gotlib.

Ensuite, il y a eu la lecture d’un chronique de Pierre Foglia (« Et voilà pourquoi ils puent, madame » (La Presse, 25 octobre 2008), dans laquelle il se livrait à une présentation décapante des dévoués politiciens qui sont allés, en dignes représentants du bon peuple qui ne saurait décider par lui-même de ce qui est bon pour lui, supplier le pape des grands prix de formule 1 de ne pas « abandonner » Montréal… et de faire ainsi de fieffés fous d’eux-mêmes.

Rhino moqueur tiré d’un album illustré pour enfants apolitiques.

Puis j’avais lu, dans un essai de Daniel Poliquin, traducteur et romancier, Le roman colonial, (Montréal, Boréal, 2000), pamphlet virulent, mais honnête sur la réalité politique québécoise des dernières années, des pages relatant le cas d’un notable, administrateur scolaire d’une petite ville française de l’Ontario, qui profitait de son pouvoir pour abuser de jeunes institutrices. Je livre ici ces paragraphes : ils cadrent bien dans cette page qui s’éternise… L’entreprise de l’auteur est admirable : il pousse la dénonciation jusqu’à donner le patronyme de l’abuseur…
Je me suis de plus rappelé un passage du récit Deux voyages en canot sur le Saint-Maurice (de l’ecclésiastique Napoléon Caron (à ne pas confondre avec l’oblat qui évangélisa les environs de Parent et dont parle Jerry McCarthy dans ses éphémérides…) - (Trois-Rivières : Librairie du Sacré-Coeur, P. V. Ayotte, libraire-éditeur, [1889?]; on peut lire cette édition en ligne.), rapportant froidement une bien cruelle anecdote relatant le martyre d’un cheval. Le pieux abbé en parle sur un ton où on chercherait en vain toute trace d’empathie à l’endroit de cette pauvre bête exploitée par son maître jusqu’à son dernier souffle. Une triste illustration de la bêtise humaine. Caron, lui-même « homme de Dieu », donc chargé de propager l’amour d’un supposé Créateur et de ses créatures, aurait pu au moins manifester sa désapprobation face à cette vile action. Mais je laisse la prose de ce bel esprit chrétien parler d’elle-même. Mauriciens et Mauriciennes y trouveront quantité de données intéressantes sur les riverains de cette époque.

Bêtes superbes, à Messines, en Haute-Gatineau.
Photo : Pierre Cantin, 23 septembre 2007.


Extrait des pages 76 et 77 de l’édition princeps de l’essai du Napoléon Caron

« Nous faisons, écrit Caron, nos adieux à la famille Larue, et nous trouvons au rivage trois canots d’écorce qui nous attendent. Nous voilà de nouveau sur la Rivière-Croche, mais aujourd'hui nous descendons le courant, ça va deux fois moins mal. M. J. B. Boucher gouverne l'un des canots, tandis qu'un petit garçon conduit son cheval par le sentier dont nous avons déjà parlé. Nous descendons la rivière Croche en assez peu de temps, et puis, sans arrêter, nous nous élançons sur les flots du Saint- Maurice. Nous entendons bientôt les mugissements de la chute, mais nous sommes à une assez bonne distance pour qu'il n'y ait pas de danger. Cela nous rappelle, cependant, que dans le temps des crues un cheval a sauté les trois cascades, et s'est rendu en bas avec sa pleine connaissance et sans une égratignure. Lord Byron, pour se rendre célèbre, essaya de traverser le Bosphore à la nage ; notre cheval a fait une action incomparablement plus éclatante, il est donc raisonnable de léguer son nom à la postérité. Eh bien ! il s'appelait d'abord Charly, mais après son mirobolant exploit, on l'appela simplement « La Tuque ». Sur ses vieux jours il perdit ses dents, sans perdre sa force extraordinaire; comme il ne pouvait plus manger, son propriétaire résolut de le fusiller, pour lui rendre service. Mais avant d'en venir là, on fit une gageure singulière: on gagea que ce cheval rendu monterait douze quarts de farine dans une côte appelée la côte à Blondin. « La Tuque » monta bravement cette charge monstre, puis il périt au champ d'honneur. Pendant que nous pensons à ces choses, de joyeuses détonations retentissent, et nous abordons à deux heures et quarante minutes ; plusieurs personnes sont sur le rivage pour nous recevoir. Madame Lacroix nous a préparé un bon goûter auquel nous faisons honneur. Madame Lacroix est une métisse, née et élevée à Montachingue [Wemotaci] ; elle a nom Marguerite Walker. Par son teint et ses traits on voit tout de suite qu'elle a du sang sauvage, mais elle est de haute stature, et elle a toutes les bonnes manières de nos compatriotes. […] »
* * *
Période post-rhinoférocienne. Pierre Cliche a signé ce portrait installé à l’avant-plan d’un rhino broutant, à l’époque symbole du congrès étatsunien, choisi par Pat Oliphant, génial caricaturiste d’origine australienne qui n’a cessé de cogner très dru depuis plus d’un demi-siècle: il faut s’esbaudir devant son lilliputien Bush fils. Dommage pour le génial pourfendeur de crétins élus : le commandant en chef des troupes chargées d’assurer la survie des carnassières pétrolières amerloques devra bientôt quittera son blanc logis.
* * * *
Or, donc, j’avais donc, en dépit de mes résolutions de ne plus concocter de pages d’humeurs, pondu un texte qui n’ajoutait pas grand-chose à la mission « petite histoire » de mon carnet, lequel se veut toujours sanmaurien, mais qui a adopté, plus souvent qu’autrement au cours des derniers épisodes, une dimension plutôt « Mauricie méridionale ». J'avais accouché d'un pamphlet varlopant, pur et dur, du genre que je pratiquai allègrement pendant mes années universitaires à Trois-Rivières et à Ottawa, une espèce de document vindicatif que j’eus toutefois la sagesse de soumettre à mes conseillères et conseillers spirituels, qui me « déconseillèrent » justement d’annuler sa propulsion dans l'espace entoilé.
De cette charge aux cornes outrancieusement pamphlétaires, je l’admets, mais pas le moindrement calomnieuse, sûrement médisante, soit (certaines médisances, utilisées à bon escient, par exemple, dans le contexte d’une quête de la justice, s’avèreront justifiées et très efficaces), je ne livrerai ici qu’un seul paragraphe, inspiré également par quelques autres lectures accidentelles.
Trêve de tergiversations, voici ce paragraphe, à peine retouché, rescapé de ma charge qui se voulait héroïque. Allons-y, que je me cite à mon tour dans ce répertoire d’emprunts !

« À lire les propos outranciers du curé ans le carnet de Micheline Raîche-Roy, je n’ai pu m’empêcher d’esquisser un sourire à l’idée du pantagruélique personnage, enfoncé dans la pénombre de son confessionnal, recueillant la déposition d’un pauvre fidèle égaré s’accusant d’avoir abusé de la bonne chère et de la dive bouteille, bref, d’avoir ignoré l’enseignement chrétien de sa jeunesse et de s’être bêtement livré à l’exercice jouissif de l’un des péchés capitaux : la gourmandise. Rougissait-il, ce boulimique ecclésiastique, cet apôtre de la tempérance qui, dans l’intimité de son cercle d’amis et de « relations », à l’abri des regards publics, savait apprécier un p’tit boire de temps en temps, rougissait-il, écrivais-je, cet homme dit « de Dieu », en entendant la pathétique admission pécheresse de l’une de ses brebis ? Ou alors manifestait-il de la compassion à l’endroit de ce pauvre pécheur, victime, comme lui, de sa faim effrénée et de sa soif insatiable ? Sans doute pas; il était au-dessus de tout cela. Instruit ? Sans doute ? Éduqué ? Pas tellement, me semble-t-il, ce pasteur chauvin, émetteur de propos racistes, même devant ses ouailles venues l’écouter parler de son périple en Europe et au Moyen-Orient, en ce 10 mai 1925. C’était l’époque, dira-t-on. Jusqu’à la fin des années 1930, ajoutera-t-on, le clergé québécois avait applaudi aux exploits des dictateurs fascistes Franco et Salazar, l’universitaire, et bien d’autres, car ces braves phares de la chrétienté militante s’attaquaient aux ennemis de la seule vraie Église, aux impies bolchéviques athées. Certains de ses prélats, fers de lance du nationalisme canadien-français tiendront même des propos antisémites. Ah ! mais notre nation était encore bien jeune ! Et l’on pardonne aisément à la jeunesse ses écarts de conduite et de langage… »


Bref, Eugène Corbeil, membre émérite de la confrérie cléricale des « Ne faites pas ce que je fais, mais bien ce que je vous dis de faire », est tout de même un personnage qui m’intéresse puisqu’il a laissé sa marque dans ma petite ville d’adoption. Sans doute suis-je un peu, beaucoup, injuste à son égard, car je sais peu de choses de sa carrière, ou alors quelques bribes. Ainsi, en plus des propos cités dans le carnet de Micheline Raîche Roy, le dépouillement systématique d’une collection rarissime d’un précieux organe, The Brown Bulletin, publié mensuellement par la Brown Corporation, à compter de 1918, collection qui m’a été gracieusement prêtée par Hervé Tremblay, m’a permis de découvrir que l’imposant papiste avait frayé très tôt avec l’orangiste, c’est-à-dire plusieurs des membres de l’establishment anglo-américain qui, immigrants de passage, étaient venus de Berlin, au New Hampshire, jusqu'à La Tuque, Québec, pour y faire tourner le « moulin » des Brown. Le curé a occupé, souvent le seul francophone du groupe, des postes au sein d’organisations sociales et sportives dirigées par des protestants.


Dès février 1923, donc, apparaît le nom du boss des âmes latuquoises – en fait son patronyme est bigrement massacré par le rédacteur étatsunien, demeuré unilingue malgré la marée francophone de la petite ville de la Moyenne-Mauricie : « Residence of Father Cobiel », peut-on lire sous une petite photo illustrant son modeste presbytère. Puis, en juillet 1926, consécration suprême : une page entière lui est consacrée à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de l’enfilage définitif de sa soutane. Il sera d’ailleurs le seul francophone ainsi célébré dans l’histoire du bulletin berlinois.

Le home de Corbeil. On distingue la salle paroissiale construite, paraît-il, pour éviter que les paroissiens se précipitent au Community Club, récemment inauguré par la protestants de la papetière, le clocher de la première église et une partie de la statue du Sacré-Cœur. The Brown Bulletin, volume IV, no 8, février 1923, page 17. Archives d’Hervé Tremblay.

Le petit périodique, il est vrai, livre des bribes de la vie industrielle, sociale et sportive de La Tuque et dans les chantiers de la Haute-Mauricie, au dépôt Windigo, par exemple, qu’administre Jos Pagé, l'un des deux compagnons de voyage de Corbeil outre-mer, en 1925. Les photos de Windigo m'ont permis de trouver des traces de futurs Sanmauriens. Il y a d’autres passages aussi sur La Loutre (barrage Gouin), dans lesquels il est question de Jerry McCarthy, sur qui je reviendrai. Dans l’ensemble, toutefois, c’est la minorité anglophone latuquoise qui défraie les manchettes ! Les bulletins s’adressent donc d’abord et avant tout au personnel anglophone des installations étatsuniennes et canadiennes de la Brown et, en ce sens ,constituent une espèce de carnet social. Quand les francophones y participent, cet ela est rare, ils utilisent généralement la langue forestière.

Hainéoué, je confierai ces allusions corbeilliennes, glanées ici et là dans ce bulletin, à dame Raîche-Roy, qui saura, bien mieux que je ne saurais le faire, les mettre en valeur dans son propre carnet sur le régisseur paroissial.

Et qu’en est-il de ce Midlige annoncé ?

Anne Midlige et son fils John, à Parent. Photo extraite de The Beaver, livraison de juin-juillet 1996, et reproduite avec l’aimable autorisation de Peter Leney.

Bon, voilà ! Je comptais rencontrer, à la mi-octobre, Louise-Anne Blais, la petite-fille de John Midlige, question d’enrichir mon dossier avant de livrer une biographie d’Annie, l’aïeule, dont j’avais découvert l’existence par mes lectures « amérindiennes ». Madame Blais, qui n’est pas une inconnue à La Tuque – elle a déjà fait paraître des textes dans l’hebdomadaire local – m’avait gentiment invité à la rencontrer chez elle, à Parent, pour y consulter ses archives familiales. Ô rage ! Ô désespoir, Ô vieillesse ennemie ! Les circonstances, entre autres, un surcroît imprévu de travaux éditoriaux, l’achalandage des routes forestières en cette époque dite de « grosse chasse » en auront décidé autrement. Je suis resté dans ma campagne à travailler à mes commandes muséales.


Par contre, le dossier Midlige progresse. J’ai pu en effet retracer Peter Leney, le journaliste qui, le premier, s’est donné la peine de faire des recherches poussées sur Annie Midlige, cette fameuse femme d’affaires et de la faire connaître. Ô délicieuse surprise ! Peter avait toujours en sa possession le journal de John, le fils aîné d’Annie qui s’était établi à Oskélanéo tandis que sa sœur ouvrait un magasin à Sanmaur, à l’embouchure de la Manouane. Quand j’ai téléphoné à Peter, le reporter globe-trotter fermait ses valises et s’apprêtait à partir pour l’Écosse. À son retour, me promit-il, il m’enverrait une copie dudit journal. Mais, me prévenait-il, « … vous ne trouverez pas de propos véritablement utiles à votre démarche dans ce document ». Dès son retour d’Europe, donc, il s’est donné la peine de « monter » à Montréal pour faire photocopier l’historique tapuscrit et m’en expédier illico une copie. Il n’avait pas tort : le récit midligien n’apportait pas grand-chose de bien nouveau à ma quête, ni d’autres détails que n’avait déjà livré le journaliste d’enquête dans son article du Beaver (juin-juillet 1996).

Parlant de cet article, la Société historique de La Tuque et du Haut-Saint-Maurice a eu la bonne idée d’en diffuser une partie en traduction française dans son dernier bulletin. La traduction date de plusieurs années et semble avoir été faite plutôt rapidement, me semble-t-il, même si la ou le traducteur, à l’époque, avait même rémunéré pour son travail. Leney n’en est donc pas l’auteur. D’ailleurs, en en apprenant la « parution », il s’est dit étonné qu’on ne lui ait point demandé l’autorisation de le faire. L’entreprise de la SHLTHSM demeure toutefois très louable : les gens de La Tuque y découvriront qui étaient ces Midlige, patronyme peu commun, dont les tombes se terrent sagement dans la partie australe du cimetière de l’endroit. Peter m’a permis d’en faire la traduction et de l’insérer dans mon carnet. Ce que je ferai sans doute.
* * * *

Timbre commémoratif de Daniel Gascon, émis à l’occasion de la naissance d’Olivier Cantin-Potvin, à Ottawa, le 7 décembre 1984, à 9 h 27. On aura saisi que la bibitte ailée, gonflée à l’hélium, a subtilisé le marmot à une cigogne quelque peu étourdie.
* * *

Ouverture à l’étranger, à la différence, une attitude que ne semblent pas avoir beaucoup développée nos notables « instruits » de la première moitié du siècle dernier. Du moins quand ont revisite les propos d’autorités comme Comtois et Corbeil, dont les paroles et les gestes ne me semblent guère avoir reflété une bien grande acception de l’autre. Où est l’humanisme qu’ils auraient dû acquérir pendant leurs études classiques ?

À l’automne 1961, mon professeur d’histoire du Canada, en classe de Rhétorique, au STR, Louis Martel, curé de son état, nous imposait l’achat de Mon pays (Trois-Rivières, Éditions La Flèche), l’essai qu’il avait lancé en 1956, avec son confrère Herman Plante. J’en ai relu un passage éloquent sur la perception de notre clergé des Amérindiens des siècles passés.

« Sensuels, les Indiens pratiquaient la polygamie; cruels, la vengeance dominaient leur vie; orgueilleux, ils méprisaient l’homme blanc. »
*

J’ai retrouvé ce passage dans La première Amérique (Ottawa, Éditions du Vermillon, 1989; illustration de Christian Assiniwi, "Protégez le futur"), «essai-poème» de mon ami et complice Jacques Michaud, dit Fidéo de la Corne, efficace directeur d’élection lors de ma participation au Grand Safari électoral de 1979.


Du sucre dans les réserves

il y a eu de grandes périodes de gel
on ne sait trop où s’étaient cachés les Sauvages
ils étaient paraît-il dispersés sur tous les étages du nord
saupoudrés comme du sucre dans des réserves

ils avaient cessé de parler
ils avaient cessé de construire
et c’est toujours par les autres qu’on entendaient parler d’eux
ces missionnaires qui voulaient encore les sauver
et ces fonctionnaires qui voulaient pour toujours
les nourrir
les éduquer
et les loger

mais eux
ils gardaient toujours le silence
ils assistaient sans rien dire à ce nouveau massacre
qui leur passait dans le yeux
ils avaient fini par ressembler à des êtres qui ne sont pas d’ici
accoutrés mal sales dans les guenilles des autres
incapables d’entretenir leur maison
pas capables surtout de faire du ménage dans leur cour

en tout cas
et si par hasard on en voyait
il ne fallait pas leur parler
il ne fallait rien leur dire
ils avaient encore la peau rouge
et les yeux en biseau
leur corps faisait tâche d’huile
ils ne sentaient pas bon
il ne fallait surtout pas sourire
ils habitaient une autre terre
et ne mangeaient que du poisson


Professeur novice à Rouyn, sa ville natale, Jacques a eu, parmi ses élèves au collège, un défenseur des Amérindiens, le magnifique barde abbittibbien Richard Desjardins.

Ces deux artistes illustrent éloquemment la constatation du philosophe français Luc Ferry :
« Les poètes ne chantent plus les clairs de lune ni les couchers de soleil. »
(Apprendre à vivre, essai paru à Paris, chez Plon, en 2006)
* * *
Ce qu’on a pu être bernés, mystifiés par nos élites ! Lors de ma brève carrière de journaliste à La Tuque, toutes les décisions importantes se prenaient une heure avant la séance publique du conseil municipal, dans une petite pièce à l’arrière de la grande salle de réunion. Les journalistes pouvaient y être présents, mais rien ne devait sortir de ce capharnaüm où s’étaient réunis les décideurs… J’étais trop jeune, pas « équipé » pour être en mesure de saisir les véritables enjeux de ces choses supposément publiques et de poser des questions pertinentes. En y repensant aujourd’hui, je crois bien que la situation qui n’avait pas l’heur de déplaire tellement à mon patron d’alors…
On pourra d’ailleurs juger, de visu, de l’allure tout à fait « jeune naïf » de l’apprenti journaliste par cette photo prise dans une chambre de l’hôtel Royal, à l’occasion du lancement de la saison 1964 de la Ligue industrielle de balle-molle.

À l’époque héroïque du stylo à bille et du carnet de notes. De gauche à droite : Denis Bélisle, distributeur local des bières Molson, Roger Rochette, de La Sentinelle [du moins nous en sommes-nous rappelé, Hervé Tremblay et moi : on nous corrigera si nous avons péché par orgueil], hebdo de Shawinigan, Gaston Hamel, correspondant du Soleil de Québec, John Lacasse, président de la ligue, Liguori Frenette et Jean-Claude Houle, des membres du conseil d’administration de la ligue, Pierre Cantin, reporter à pied du tandem CFLM – L’Écho de La Tuque, Réjean Lacombe, correspondant du Nouvelliste de Trois-Rivières. 1er juin 1964.
Photo : Gilles Berthiaume.

La photo me permet de me rapprocher de Sanmaur : John Lacasse, le président de la LBMLT [j’invente l’acronyme…] qui figure sur ce nostalgique document, et sa famille habitait le logis au-dessous du nôtre, dans le petit village de mon enfance.
Je me permets d’utiliser le tableau de monsieur Berthiaume, qui, en passant illustre une drôle de situation : La Tuque comptait à l’époque presque autant de journalistes que …d’élus municipaux! L’emprunt n’a rien d’effronté : l’auteur de la fresque en avait gentiment fait cadeau à l’apprenti journaliste au nombril encore humide que j’étais alors, question de lui souhaiter la bienvenue dans le club de presse latuquois.


Fanas de la balle mollement estivale. Mon père état un maniaque de la balle : au grand désespoir de ma mère, il prenait une partie de ses vacances annuelles en fonction de la tenue de la Série mondiale. L’arrivée de la télé à La Tuque, en 1956, fut pour lui un événement presque miraculeux. Pas étonnant de l’apercevoir sur cette photo, posant en complet-veston, avec ces joyeux animateurs de la boule roulante latuquoise. Remarquez-lui le sourire : en fait, il ne pose pas, il réfléchit la béatitude sportive. Le Nouvelliste. 1960.
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A M E N

NOTES

Une édition « moderne » du récit de Caron, annotée, cité plus haut, a paru en 2000 (Sillery, Septentrion).
POST-SCRIPTUM

J'ai oublié d'insérer cette magnifique recension littéraire, glanée dans la livraison du 9 janvier 1936 du BIEN PUBLIC, hebdo trifluvien que dirigeaient alors Raymond Douville et le poète Clément Marchand. Qu'on lise ce court passage de cette belle apologie, peut-être made in Three Rivers, du fasciste Benoît Leduc, l'assassin à "l'exceptionnelle destiné [sic]", digne représentant de la "génération du feu", laquelle enfantera de nombreux petits : les criminels Rumsfeld, Cheney, le sinistre penseur Wolfovitch et leur remarquable pantin texan, Bush dit Le Petit.

Avertissement Avant de lire le tout dernier paragraphe de cette reproduction de l'écran de mon vénérable Dell, qui en est à ses dernières heures, assurez-vous d'avoir une provision suffisante de papiers-mouchoirs. On sera vraiment touché...

Ah, oui, j'oubliais encore... Le premier ministre britannique Arthur Neville Chamberlain avait rencontré, en septembre 1938, tonton Adolf, un pote à Benoît l'Italien, et l'avait trouvé bien sympathique... Un homme au doux regard ! Un humaniste tout à fait incapable de gazer un maringouin, d'après le lunatique Londonien !
Petit entrefilet trouvé grâce à ce nouveau service offert par Google : on trouvera sur la toile des tonnes d'archives de journaux dont The Shawinigan Standard, The St. Maurice Chronicle. Dans le carnet social de ces hebdos, moult informations sur les gens de La Tuque, surtout les anglophones.

Puis, cette petite découverte, un entrefilet sur Éliane Bergeron, la tante de madame Raîche-Roy, que nous avons appris à connaître par le carnet sur Eugène Corbeil, dont elle fut la secrétaire. Maxime Comtois figure dans ce même Gotha latuquois.

Extrait de l'hebdo St. Maurice Valley Chronicle, 29 avril 1926, p. 9.

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En guise d’ITE MISSA EST !
Ce que j'ai pu aimer cette formule de ''renvoi'' !


« Juger les hommes, démasquer, châtier l’ennemi réel de l’homme,
cet ennemi qui est multitude et qui vole, qui détourne, qui parle de principes,
qui manœuvre, vous ne trouverez qu’une faible partie de cela dans l’histoire. »
– Pierre Vadeboncoeur, ibidem.


Et non, ce n'est pas le p'tit Jésus de plâtre !
C'est Olivier Cantin-Potvin,
survivant à son premier hiver...

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1 commentaire:

Wabano a dit…

Midlige, c'est pas avant notre temps?

Que je me souvienne,
le seul magasin à Manouane, en fait
le seul alentour(la "van" de la compagnie, c'est un dépôt genre Staliniste)
était opéré par la bonne femme
St Jean...

Enfin, la mémoire, après 50 ans...

Midlige, d'après son prénom, était
définitivement Chrétienne,
mais devait avoir de la parenté
musulmane(son mari(?) Salim...)
Les musulmans étaient moins "pognés" dans ce temps là.