dimanche 7 décembre 2008

LES GIARD DE LA LOUTRE
(Titre ambivalent, pas tout à fait approprié à son contenu…)

Vue partielle du dépôt de la Brown Corporation, à La Loutre, sous la neige, en 1937. Archives de John McCarthy.

Mon lectorat, bien malin qui pourrait l’affirmer avec conviction, ne doit pas être trop, trop mondial, plutôt réduit, écrirais-je, mais attentif, me semble-t-il. Bien que, comme me le signalait l’érudit Hervé Tremblay qui, lui, a reçu récemment une requête bien pointue, venue de l’autre côté de la mare aux harengs, lancée par un Bruxellois via la poste tout à fait électronique du Ouaibe, à la suite de la parution de l’une de ses capsules dans L’Écho de La Tuque – Internet, quelle puissante et efficace courroie de transmission tout de même –, je doive exprimer une certaine surprise, celle de constater jusqu’où se rendent mes propos, un étonnement certain de l’effet que certains d’entre eux peuvent produire.

Pour en revenir à ce compatriote de Tintin, sans doute loyal sujet de l’obsolète monarque Baudoin le Premier (sans « e »), sorte de réplique belge de Bébette la Deuxième, lequel serait, d’après un illuminé qui a commis un essai sur le sixième roi du pays des frites et des moules, « une âme pour l’Europe » (oui, oui, sérieux, le type !), qui voulait davantage de renseignements sur la famille latuquoise des Hillier, je pourrai simplement lui apprendre, de mon côté, que le premier du nom, Harry R., travailla d’abord à La Loutre, pour la Brown Corporation, avant de se lancer dans la mercerie à La Tuque, longtemps au 533, rue Commerciale, puis à Val d’Or. C’est ce que j’ai découvert dans les écrits de Jerry McCarthy.

Pour en revenir à mon lectorat, moins imposant que celui d’Hervé, ce coquin qui fait dans la diffusion de papier, il compte Guy Beaudoin, qui a lu Hergé, certes, mais qui n’a pas de sang bleu, ni d’ancêtres belges, et qui, de temps à autre, me passe un coup de fil, depuis son gîte de Sainte-Adèle, P. Q., pour commenter ma prose, me fournir des détails additionnels sur les activités de sa jeunesse et de son adolescence passées dans les Hauts-Mauriciens, le plus souvent sur le quotidien de la vie tout là-haut, au milieu du siècle dernier. Il parle en connaissance de cause : il est le fils, unique, me précise-t-il, de Phil Beaudoin et de Paulette Giard, neveu donc de Jerry McCarthy, dont le recueil d’éphémérides relatifs aux activités de sa vie à La Loutre et à La Tuque est une source de données historiques de toutes sortes. Je n’ai pas fini d’y puiser pour l’écriture de mon carnet.

L’adolescent Beaudoin, à droite, à La Loutre vers 1950, en compagnie des deux fistons de Jerry McCarthy, John et Lorrain, et d’un troisième cousin, tout à gauche.
Trois jeunes, Giard par leur mère : Lorrain McCarthy et Guy Beaudoin encadrent leur cousine Lise Chateauneuf, à La Loutre, vers 1948.
Les deux photos m’ont été aimablement fournies par Guy.

Pendant une partie de ses études, Guy a travaillé pour son oncle électricien. Il installait des lignes téléphoniques et électriques au barrage Gouin et dans les environs pour le compte de la Brown Corporation, puis de la Canadian International Paper, la C.I.P., qui, en novembre 1954, fera l’acquisition des avoirs de la filiale canadienne de la Brown Company, de Berlin, au New Hampshire. Ingénieur à la retraite, Guy « monte » plusieurs fois par année à La Loutre où il a encore un chalet.
Annonce tirée des pages « jaunes » de l’annuaire de Télébec Ltée pour La Tuque – Clova – Lac Édouard – Parent – Rapide Blanc – St-Roch-de-Mékinac – Sanmaur et environs – and vicinity, édition de décembre 1970.
Je n'aurais jamais pensé qu'un bottin téléphonique ait pu posséder autant de vertus nostalgiques.

Le bilinguisme pas tout à fait raffiné de l’annonce est un exemple de l’effort d’une francisation « industrielle » qui n’a jamais vraiment touché le sol latuquois. Pas facile d’effacer plus de cinq décennies durant lesquelles l’anglais était la langue de travail pour la majorité des gens de La Tuque. Les véritables dirigeants de la ville ont longtemps logé rue On the Bank et même les curés d’icelle ont dû s’y résigner… Encore aujourd’hui, à moins que je ne me trompe, c’est le terme moulin (anglicisme pour « usine ») qu’on utilise le plus souvent dans la conversation… Bien sûr, dans cette pulperie fondée par des Étatsuniens, il y eut bien un vrai moulin, le moulin à scie. Mais comme c’était le « La Tuque Mill »… À partir de novembre 1954, la papetière étatsunienne qui en était la propriétaire à l’époque fut toujours désignée par son sigle, CIP, prononcé à l’anglaise. À ma connaissance, on y a toujours dit la « Si-aïe-pis » et nommé les différents départements et corps de métier de leur appellation anglaise. Au milieu des années 1960, en dépit des tentatives multipliées de mon supérieur immédiat au département du « coste acconnetigne » du « maine office » empoussiéré, Aimé Vachon, hardi défenseur de la langue de Molière, qui me demanda de traduire les nombreux formulaires utilisés dans l’usine, la langue de Bill Shakespeare continuait de marquer les échanges écrits. Dans les rapports qu’on me fournissait pour établir les coûts de production d’une tonne de papier kraft sur la machine numéro 3, en 1966, je ne trouvais que des corps de métier nommés en anglais : painters, pipers, millwrights, et tutti quanti. J’ai souvenance d’une belle perle bilingue, glissée dans un rapport par le crayon d’un mécanicien : «Répairé les braiques du truck… », avait-il écrit. Cette graphie résolument bilingue annonçait sans doute l’apparition des Belles-Sœurs du grand Michel Tremblay. Mais l’énoncé n’eut jamais la suavité de cette phrase entendue au « circulation desk » de la bibliothèque principale de l’Université d’Ottawa, en septembre 1969. La préposée au prêt des livres, une Gatinoise de souche, expliquait à sa collègue que « son tchomme ne pouvait plus faire de spide avec son char parce qu’il ne pouvait pas afforder les fines » !

Secteur sud de la ville, on disait « Woudelande » pour désigner la Division forestière où travaillaient mon père et quelques anciens de Sanmaur et de Windigo. La Woodlands Division occupait une partie de l’ancienne usine d'Aluminium Canada, boulevard Ducharme, dont le gérant, naguère, fut quelqu’un de bien connu à La Tuque : Lucien Filion.
« FILION, Lucien », entrée tirée de l’ouvrage à souscriptions Vedettes 1952 – Le fait français au Canada (Première édition, Montréal, Société nouvelle de publicité, 1953, p. 169).
D’autres Latuquois connus y ont « payé » l’inscription de leur biographie, dont Auguste Dubois, Romulus Ducharme, Aldori Dupont, question de s’assurer de passer à la postérité et de la pérennité de leur patronyme! Ouvrage important, car maintes soutanes y ont laissé quelques lignes sur l'histoire de leur paroisse, celle de leur congrégation et de plusieurs institutions de santé et d'éducation.

Novembre 1954 avait marqué la fin d’une époque et, comme me le disait mon père, – McCarthy en fait état dans ses mémoires du règne de la CIP – ça n’a jamais plus été pareil : la Brown avait eu l’habitude de bien traiter ses employés par toutes sortes de pratiques et de manifestations. Les relations de travail avaient changé. La philosophie « bon papa» de la Brown se vérifie à la lecture des premières années de parution du Brown Bulletin, en 1919 et 1920. Déjà, à Berlin, au New Hampshire, la maison-mère, la Brown Company, avait mis sur pied une « Relief Association… », une espèce de mutuelle d’assurances à laquelle participaient les employés des différentes usines, dont celle de La Tuque. Le Bulletin donne des listes de ceux qui ont bénéficié de cette protection. Ce sont des nomenclatures intéressantes puisqu’elles permettent d’y dénicher le nom d’employés francophones de l’époque et de retracer plusieurs Québécois et Québécoises qui, à l’instar d’Alonzo Surprenant, le personnage de Maria Chapdelaine du beau roman éponyme de Louis Hémon, avaient désobéi aux enseignements de l’Église et avaient allègrement franchi la frontière pour trouver du travail dans les villes industrielles de la Nouvelle-Angleterre.

Page de titre du numéro initial du Brown Bulletin. Archives d'Hervé Tremblay.

Donc, de temps à autre, Guy Beaudoin, inspiré par un commentaire de mon carnet, me passe un coup de fil. Je déploie alors, en face de mon portable, un vieil agenda dans lequel je note toutes sortes de choses sur Sanmaur et les environs et j’y consigne les précieux renseignements qu’il me refile sur ces années passées là-haut, un endroit où il retourne d’ailleurs encore plusieurs fois par année, par la route de gravier qui y mène, via La Tuque et La Croche.

La dernière fois qu’il m’a téléphoné, c’était pour jaser des photos de la Haute-Mauricie que je lui avais fait parvenir, gravées sur un disque compact. Sur l’une d’elles, récupérées en juillet dernier à Sept-Îles, dans le riche album de souvenirs de mon oncle Patrick Renaud sur son séjour à Sanmaur, il avait identifié, à sa silhouette, un employé de la Brown à la fin des années 1940, Albert Jeffrey. La photo est floue : j’en suis en partie responsable. Elle fait partie de la cinquantaine que j’ai prises, à main levée, directement du précieux album de Tit-Pat, comme ses amis l’appelaient à Sanmaur et que je présenterai plus longuement quand j’accosterai à Sanmaur.
Un puissant camion de marque Diamond-T, muni d’un treuil, s’apprête à tirer vers la rive un énorme tracteur à chenilles Caterpillar, enfoncé dans l’eau quand le pont flottant installé sur la Manouane, à Sanmaur, s’est partiellement affaissé sous son poids. D’après Guy, la Brown avait acheté plusieurs de ces camions de l’Armée après la Seconde Guerre mondiale. Photo : Patrick Renaud, vers 1948.

Sauf erreur de ma part, la famille de ce Jeffrey, décédé récemment, me précise Guy, qui a fait de nombreux voyages de pêche en sa compagnie, avait habité à l’angle nord-est des rues Tessier et Saint-Michel, voisin donc du plus haut édifice du coin, le 348 Tessier, qui abritait l’épicerie de Beau Blanc et d’Albertine Tousignant, de même que quatre logis répartis sur deux étages.

L’édifice de Léo et d’Albertine Tousignant au 348 de la rue Tessier. Il n’a pas changé : il est presque le même qu’en décembre 1956, quand nous en sommes partis, ma famille et moi. Photo Pierre Cantin, 23 mai 2006.

Nous créchions au deuxième (troisième pour utiliser le « calcul » québécois), voisins de palier de Jean-Claude Gilbert et de Nicole MacDonald et de leur fils Jean. Les Tousignant et leur fille Solange habitaient au premier, au 348A, à côté du plus petit des logis, le 38B, lequel accueillait les sœurs Labonté, deux institutrices, célibataires et apparentées, je crois, à la propriétaire.
Le balcon de l’étage supérieur : les logis 348C et D, naguère habités par les familles d’Émile Cantin et de Jean-Claude Gilbert. Photo Pierre Cantin, 23 mai 2006.

Quand je rate un de des appels de Guy, c’est moi qui compose son numéro à Saint-Adèle, P.Q. Guy est l’un de ceux dont la mémoire vient s’ajouter, à la mienne toute floue, toute mémoire « extérieure », une transmission de détails qui trouvent place dans mon carnet. Il m'a ainsi appris que le grand-père, Joseph Giard, avait été greffier à la Cour du recorder, à Montréal, et qu'à sa retraite, on lui avait proposé un poste de gardien au barrage de La Loutre, dont la construction venait tout juste de s'achever. Il amena donc toute sa smala dans ce coin tout à fait reculé. Méchant déménagement : de Montréal à la naissance de la Saint-Maurice !
Le penseur au sciotte : Guy Beaudoin au lac Nachicapau, en Ungava, en 1959.
Photo aimablement fournie par Guy.


NOTES

Le Brown Bulletin a été précédé, brièvement, par une petite publication, Burgess Screenings, du nom de l’usine de sulfite de la Brown Company de Berlin, lancée en 1918. Il semble que ce périodique soit bien rare : même la prestigieuse Library of Congress, à Washington, ne l’a pas dans ses collections… ou alors je ne sais plus chercher intelligemment dans les catalogues de bibliothèques!
En-tête du Burgess Screenings. Archives Hervé Tremblay.

Dans la livraison de mars 1919 (vol. II, no 1) du bulletin, on peut y lire que la Burgess Relief Association a versé plus 6500$ aux victimes de l’épidémie de grippe espagnoles ainsi qu’à leurs proches. Parmi les administrateurs de l’Association, trois francophones : Napoléon Couture, Andrew Melanson [un Acadien sans doute], Louis Delarge. La graphie des patronymes français est souvent malmenée quand elle n’est tout simplement pas méconnaissable…
Encore, de 1964 à 1966, au moment où j’ai travaillé au « maine office », le terme « reliffe », légèrement aromatisé à la québécoise, était encore en usage pour préciser que tel ou tel employé de l’usine était en congé de maladie. On disait du quidam qu’il était « sua’ reliffe » ! Ailleurs, on employait le terme « compensation », pas plus français!

The Brown Bulletin, 1922.

dimanche 30 novembre 2008

CORBEIL – COMTOIS – MIDLIGE – RAÎCHE-ROY

De l’obnubilation – de l’enfirouâpage – des gens ordinaires

ou bedon

Où il est question, en partie, de nobles bêtes et de bêtes bipèdes baptisés

ou bedon encore

Personne n’a l’obligation de s’imposer la pénible lecture de ces petites proses drôlement échevelées, versant honteusement dans le pamphlet décousu mais pas nécessairement logorrhéique…


« L’histoire sera pour ceux qui avaient une voix et une voix forte. L’histoire la plus réelle est pourtant celle des gens qui subissent les évènements et l’histoire n’aurait pas de plus grande chance de découvrir la vérité qu’en écoutant le point de vue des victimes ou des dupes. »
– Pierre Vadeboncoeur, L’autorité du peuple
(Québec, Éditions de l’Arc, 1965)


Je ne me souviens plus du nom de l’auteur (j’ai sa tête en tête, mais…) qui m'a croqué le faciès à l'époque, mais cette prise a été utilisée pour de multiples auto-collages postalo-rhinoférociens plutôt naïfs; la bête, elle, est empruntée à l’univers absurde du grand illustrateur et philosophe, Yvan Le Louarn, dit Chaval (1915-1968), philosophe dissertant par le crayon plutôt que le caractère typographique. Un grand penseur.

* * *
J'étais de nouveau monté sur mes grands rhinos et m’étais lancé dans une frénétique galopade sur le clavier de mon portable pour y aller d'un texte qui s'attaquait, sans les nommer, bien sûr, à deux pédophiles notoires, qui auraient (on notera l’emploi euphémisant de l’auxiliaire avoir, employé ici au très conditionnel, mode du doute certes, mais qui ne saurait affaiblir en rien la solidité des témoignages reçus dans ce dossier bien « fermé », ou du moins inconnu de la population en général), deux notables qui auraient « désoeuvré » à leur aise auprès de jeunes Latuquois (ne cherchez pas le féminin ici…) pendant longtemps, en toute impunité, forts de la protection qu'avaient pu leur accorder, par leurs silences ou leur inaction, les quelques notables du patelin, en particulier l'aréopage ensoutané, qui ne pouvaient pas ne pas être au courant de leur pratique ignominieuse. Aujourd’hui, quelqu’un aurait sans doute le courage de les dénoncer à la justice. Depuis l’endémique entreprise de défroquage qui suivit Vatican II, la gente ensoutanée a beaucoup perdu de sa superbe et de son pouvoir.
Caricature de Pierre Cantin entuqué : création de Carl A. Martin, 1985. Le quadrupède est de Marcel Gotlib, le créateur, en 1968, de la Rubrique-à-Brac,
pages sublimes du mémorable magazine Pilote.
Serge Chapleau en a repris l’idée et la façon qu’utilise Gérard D. Laflaque.


L’élément déclencheur initial de ma galopade fut la lecture d’un texte trouvé par hasard, dans Internet, une apologie dithyrambique (oui, je sais, je fais carrément dans le pléonasme tautologique !) de l’un de ces deux notables latuquois qui avaient dérobé à plusieurs jeunes gens un pan de leur adolescence. C’était là un coup d’encensoir qui provoqua chez moi un haut le cœur, compte tenu de la bassesse du personnage célébré et de la perversité de ses actes… Cette trouvaille advenait au moment où paraissaient des propos très incorrects du curé fondateur de la paroisse de Saint-Zéphirin-de-La-Tuque, livrés, dans son carnet, par Micheline Raîche-Roy, dame arrivée sur la planète au siècle dernier, littéralement délivrée de son antre utérin par les bons soins d’un accoucheur expérimenté, Maxime Comtois.

Un Pierre Foglia quadragénaire pose en compagnie d’un
placide pachyderme
emprunté à Gotlib.

Ensuite, il y a eu la lecture d’un chronique de Pierre Foglia (« Et voilà pourquoi ils puent, madame » (La Presse, 25 octobre 2008), dans laquelle il se livrait à une présentation décapante des dévoués politiciens qui sont allés, en dignes représentants du bon peuple qui ne saurait décider par lui-même de ce qui est bon pour lui, supplier le pape des grands prix de formule 1 de ne pas « abandonner » Montréal… et de faire ainsi de fieffés fous d’eux-mêmes.

Rhino moqueur tiré d’un album illustré pour enfants apolitiques.

Puis j’avais lu, dans un essai de Daniel Poliquin, traducteur et romancier, Le roman colonial, (Montréal, Boréal, 2000), pamphlet virulent, mais honnête sur la réalité politique québécoise des dernières années, des pages relatant le cas d’un notable, administrateur scolaire d’une petite ville française de l’Ontario, qui profitait de son pouvoir pour abuser de jeunes institutrices. Je livre ici ces paragraphes : ils cadrent bien dans cette page qui s’éternise… L’entreprise de l’auteur est admirable : il pousse la dénonciation jusqu’à donner le patronyme de l’abuseur…
Je me suis de plus rappelé un passage du récit Deux voyages en canot sur le Saint-Maurice (de l’ecclésiastique Napoléon Caron (à ne pas confondre avec l’oblat qui évangélisa les environs de Parent et dont parle Jerry McCarthy dans ses éphémérides…) - (Trois-Rivières : Librairie du Sacré-Coeur, P. V. Ayotte, libraire-éditeur, [1889?]; on peut lire cette édition en ligne.), rapportant froidement une bien cruelle anecdote relatant le martyre d’un cheval. Le pieux abbé en parle sur un ton où on chercherait en vain toute trace d’empathie à l’endroit de cette pauvre bête exploitée par son maître jusqu’à son dernier souffle. Une triste illustration de la bêtise humaine. Caron, lui-même « homme de Dieu », donc chargé de propager l’amour d’un supposé Créateur et de ses créatures, aurait pu au moins manifester sa désapprobation face à cette vile action. Mais je laisse la prose de ce bel esprit chrétien parler d’elle-même. Mauriciens et Mauriciennes y trouveront quantité de données intéressantes sur les riverains de cette époque.

Bêtes superbes, à Messines, en Haute-Gatineau.
Photo : Pierre Cantin, 23 septembre 2007.


Extrait des pages 76 et 77 de l’édition princeps de l’essai du Napoléon Caron

« Nous faisons, écrit Caron, nos adieux à la famille Larue, et nous trouvons au rivage trois canots d’écorce qui nous attendent. Nous voilà de nouveau sur la Rivière-Croche, mais aujourd'hui nous descendons le courant, ça va deux fois moins mal. M. J. B. Boucher gouverne l'un des canots, tandis qu'un petit garçon conduit son cheval par le sentier dont nous avons déjà parlé. Nous descendons la rivière Croche en assez peu de temps, et puis, sans arrêter, nous nous élançons sur les flots du Saint- Maurice. Nous entendons bientôt les mugissements de la chute, mais nous sommes à une assez bonne distance pour qu'il n'y ait pas de danger. Cela nous rappelle, cependant, que dans le temps des crues un cheval a sauté les trois cascades, et s'est rendu en bas avec sa pleine connaissance et sans une égratignure. Lord Byron, pour se rendre célèbre, essaya de traverser le Bosphore à la nage ; notre cheval a fait une action incomparablement plus éclatante, il est donc raisonnable de léguer son nom à la postérité. Eh bien ! il s'appelait d'abord Charly, mais après son mirobolant exploit, on l'appela simplement « La Tuque ». Sur ses vieux jours il perdit ses dents, sans perdre sa force extraordinaire; comme il ne pouvait plus manger, son propriétaire résolut de le fusiller, pour lui rendre service. Mais avant d'en venir là, on fit une gageure singulière: on gagea que ce cheval rendu monterait douze quarts de farine dans une côte appelée la côte à Blondin. « La Tuque » monta bravement cette charge monstre, puis il périt au champ d'honneur. Pendant que nous pensons à ces choses, de joyeuses détonations retentissent, et nous abordons à deux heures et quarante minutes ; plusieurs personnes sont sur le rivage pour nous recevoir. Madame Lacroix nous a préparé un bon goûter auquel nous faisons honneur. Madame Lacroix est une métisse, née et élevée à Montachingue [Wemotaci] ; elle a nom Marguerite Walker. Par son teint et ses traits on voit tout de suite qu'elle a du sang sauvage, mais elle est de haute stature, et elle a toutes les bonnes manières de nos compatriotes. […] »
* * *
Période post-rhinoférocienne. Pierre Cliche a signé ce portrait installé à l’avant-plan d’un rhino broutant, à l’époque symbole du congrès étatsunien, choisi par Pat Oliphant, génial caricaturiste d’origine australienne qui n’a cessé de cogner très dru depuis plus d’un demi-siècle: il faut s’esbaudir devant son lilliputien Bush fils. Dommage pour le génial pourfendeur de crétins élus : le commandant en chef des troupes chargées d’assurer la survie des carnassières pétrolières amerloques devra bientôt quittera son blanc logis.
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Or, donc, j’avais donc, en dépit de mes résolutions de ne plus concocter de pages d’humeurs, pondu un texte qui n’ajoutait pas grand-chose à la mission « petite histoire » de mon carnet, lequel se veut toujours sanmaurien, mais qui a adopté, plus souvent qu’autrement au cours des derniers épisodes, une dimension plutôt « Mauricie méridionale ». J'avais accouché d'un pamphlet varlopant, pur et dur, du genre que je pratiquai allègrement pendant mes années universitaires à Trois-Rivières et à Ottawa, une espèce de document vindicatif que j’eus toutefois la sagesse de soumettre à mes conseillères et conseillers spirituels, qui me « déconseillèrent » justement d’annuler sa propulsion dans l'espace entoilé.
De cette charge aux cornes outrancieusement pamphlétaires, je l’admets, mais pas le moindrement calomnieuse, sûrement médisante, soit (certaines médisances, utilisées à bon escient, par exemple, dans le contexte d’une quête de la justice, s’avèreront justifiées et très efficaces), je ne livrerai ici qu’un seul paragraphe, inspiré également par quelques autres lectures accidentelles.
Trêve de tergiversations, voici ce paragraphe, à peine retouché, rescapé de ma charge qui se voulait héroïque. Allons-y, que je me cite à mon tour dans ce répertoire d’emprunts !

« À lire les propos outranciers du curé ans le carnet de Micheline Raîche-Roy, je n’ai pu m’empêcher d’esquisser un sourire à l’idée du pantagruélique personnage, enfoncé dans la pénombre de son confessionnal, recueillant la déposition d’un pauvre fidèle égaré s’accusant d’avoir abusé de la bonne chère et de la dive bouteille, bref, d’avoir ignoré l’enseignement chrétien de sa jeunesse et de s’être bêtement livré à l’exercice jouissif de l’un des péchés capitaux : la gourmandise. Rougissait-il, ce boulimique ecclésiastique, cet apôtre de la tempérance qui, dans l’intimité de son cercle d’amis et de « relations », à l’abri des regards publics, savait apprécier un p’tit boire de temps en temps, rougissait-il, écrivais-je, cet homme dit « de Dieu », en entendant la pathétique admission pécheresse de l’une de ses brebis ? Ou alors manifestait-il de la compassion à l’endroit de ce pauvre pécheur, victime, comme lui, de sa faim effrénée et de sa soif insatiable ? Sans doute pas; il était au-dessus de tout cela. Instruit ? Sans doute ? Éduqué ? Pas tellement, me semble-t-il, ce pasteur chauvin, émetteur de propos racistes, même devant ses ouailles venues l’écouter parler de son périple en Europe et au Moyen-Orient, en ce 10 mai 1925. C’était l’époque, dira-t-on. Jusqu’à la fin des années 1930, ajoutera-t-on, le clergé québécois avait applaudi aux exploits des dictateurs fascistes Franco et Salazar, l’universitaire, et bien d’autres, car ces braves phares de la chrétienté militante s’attaquaient aux ennemis de la seule vraie Église, aux impies bolchéviques athées. Certains de ses prélats, fers de lance du nationalisme canadien-français tiendront même des propos antisémites. Ah ! mais notre nation était encore bien jeune ! Et l’on pardonne aisément à la jeunesse ses écarts de conduite et de langage… »


Bref, Eugène Corbeil, membre émérite de la confrérie cléricale des « Ne faites pas ce que je fais, mais bien ce que je vous dis de faire », est tout de même un personnage qui m’intéresse puisqu’il a laissé sa marque dans ma petite ville d’adoption. Sans doute suis-je un peu, beaucoup, injuste à son égard, car je sais peu de choses de sa carrière, ou alors quelques bribes. Ainsi, en plus des propos cités dans le carnet de Micheline Raîche Roy, le dépouillement systématique d’une collection rarissime d’un précieux organe, The Brown Bulletin, publié mensuellement par la Brown Corporation, à compter de 1918, collection qui m’a été gracieusement prêtée par Hervé Tremblay, m’a permis de découvrir que l’imposant papiste avait frayé très tôt avec l’orangiste, c’est-à-dire plusieurs des membres de l’establishment anglo-américain qui, immigrants de passage, étaient venus de Berlin, au New Hampshire, jusqu'à La Tuque, Québec, pour y faire tourner le « moulin » des Brown. Le curé a occupé, souvent le seul francophone du groupe, des postes au sein d’organisations sociales et sportives dirigées par des protestants.


Dès février 1923, donc, apparaît le nom du boss des âmes latuquoises – en fait son patronyme est bigrement massacré par le rédacteur étatsunien, demeuré unilingue malgré la marée francophone de la petite ville de la Moyenne-Mauricie : « Residence of Father Cobiel », peut-on lire sous une petite photo illustrant son modeste presbytère. Puis, en juillet 1926, consécration suprême : une page entière lui est consacrée à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de l’enfilage définitif de sa soutane. Il sera d’ailleurs le seul francophone ainsi célébré dans l’histoire du bulletin berlinois.

Le home de Corbeil. On distingue la salle paroissiale construite, paraît-il, pour éviter que les paroissiens se précipitent au Community Club, récemment inauguré par la protestants de la papetière, le clocher de la première église et une partie de la statue du Sacré-Cœur. The Brown Bulletin, volume IV, no 8, février 1923, page 17. Archives d’Hervé Tremblay.

Le petit périodique, il est vrai, livre des bribes de la vie industrielle, sociale et sportive de La Tuque et dans les chantiers de la Haute-Mauricie, au dépôt Windigo, par exemple, qu’administre Jos Pagé, l'un des deux compagnons de voyage de Corbeil outre-mer, en 1925. Les photos de Windigo m'ont permis de trouver des traces de futurs Sanmauriens. Il y a d’autres passages aussi sur La Loutre (barrage Gouin), dans lesquels il est question de Jerry McCarthy, sur qui je reviendrai. Dans l’ensemble, toutefois, c’est la minorité anglophone latuquoise qui défraie les manchettes ! Les bulletins s’adressent donc d’abord et avant tout au personnel anglophone des installations étatsuniennes et canadiennes de la Brown et, en ce sens ,constituent une espèce de carnet social. Quand les francophones y participent, cet ela est rare, ils utilisent généralement la langue forestière.

Hainéoué, je confierai ces allusions corbeilliennes, glanées ici et là dans ce bulletin, à dame Raîche-Roy, qui saura, bien mieux que je ne saurais le faire, les mettre en valeur dans son propre carnet sur le régisseur paroissial.

Et qu’en est-il de ce Midlige annoncé ?

Anne Midlige et son fils John, à Parent. Photo extraite de The Beaver, livraison de juin-juillet 1996, et reproduite avec l’aimable autorisation de Peter Leney.

Bon, voilà ! Je comptais rencontrer, à la mi-octobre, Louise-Anne Blais, la petite-fille de John Midlige, question d’enrichir mon dossier avant de livrer une biographie d’Annie, l’aïeule, dont j’avais découvert l’existence par mes lectures « amérindiennes ». Madame Blais, qui n’est pas une inconnue à La Tuque – elle a déjà fait paraître des textes dans l’hebdomadaire local – m’avait gentiment invité à la rencontrer chez elle, à Parent, pour y consulter ses archives familiales. Ô rage ! Ô désespoir, Ô vieillesse ennemie ! Les circonstances, entre autres, un surcroît imprévu de travaux éditoriaux, l’achalandage des routes forestières en cette époque dite de « grosse chasse » en auront décidé autrement. Je suis resté dans ma campagne à travailler à mes commandes muséales.


Par contre, le dossier Midlige progresse. J’ai pu en effet retracer Peter Leney, le journaliste qui, le premier, s’est donné la peine de faire des recherches poussées sur Annie Midlige, cette fameuse femme d’affaires et de la faire connaître. Ô délicieuse surprise ! Peter avait toujours en sa possession le journal de John, le fils aîné d’Annie qui s’était établi à Oskélanéo tandis que sa sœur ouvrait un magasin à Sanmaur, à l’embouchure de la Manouane. Quand j’ai téléphoné à Peter, le reporter globe-trotter fermait ses valises et s’apprêtait à partir pour l’Écosse. À son retour, me promit-il, il m’enverrait une copie dudit journal. Mais, me prévenait-il, « … vous ne trouverez pas de propos véritablement utiles à votre démarche dans ce document ». Dès son retour d’Europe, donc, il s’est donné la peine de « monter » à Montréal pour faire photocopier l’historique tapuscrit et m’en expédier illico une copie. Il n’avait pas tort : le récit midligien n’apportait pas grand-chose de bien nouveau à ma quête, ni d’autres détails que n’avait déjà livré le journaliste d’enquête dans son article du Beaver (juin-juillet 1996).

Parlant de cet article, la Société historique de La Tuque et du Haut-Saint-Maurice a eu la bonne idée d’en diffuser une partie en traduction française dans son dernier bulletin. La traduction date de plusieurs années et semble avoir été faite plutôt rapidement, me semble-t-il, même si la ou le traducteur, à l’époque, avait même rémunéré pour son travail. Leney n’en est donc pas l’auteur. D’ailleurs, en en apprenant la « parution », il s’est dit étonné qu’on ne lui ait point demandé l’autorisation de le faire. L’entreprise de la SHLTHSM demeure toutefois très louable : les gens de La Tuque y découvriront qui étaient ces Midlige, patronyme peu commun, dont les tombes se terrent sagement dans la partie australe du cimetière de l’endroit. Peter m’a permis d’en faire la traduction et de l’insérer dans mon carnet. Ce que je ferai sans doute.
* * * *

Timbre commémoratif de Daniel Gascon, émis à l’occasion de la naissance d’Olivier Cantin-Potvin, à Ottawa, le 7 décembre 1984, à 9 h 27. On aura saisi que la bibitte ailée, gonflée à l’hélium, a subtilisé le marmot à une cigogne quelque peu étourdie.
* * *

Ouverture à l’étranger, à la différence, une attitude que ne semblent pas avoir beaucoup développée nos notables « instruits » de la première moitié du siècle dernier. Du moins quand ont revisite les propos d’autorités comme Comtois et Corbeil, dont les paroles et les gestes ne me semblent guère avoir reflété une bien grande acception de l’autre. Où est l’humanisme qu’ils auraient dû acquérir pendant leurs études classiques ?

À l’automne 1961, mon professeur d’histoire du Canada, en classe de Rhétorique, au STR, Louis Martel, curé de son état, nous imposait l’achat de Mon pays (Trois-Rivières, Éditions La Flèche), l’essai qu’il avait lancé en 1956, avec son confrère Herman Plante. J’en ai relu un passage éloquent sur la perception de notre clergé des Amérindiens des siècles passés.

« Sensuels, les Indiens pratiquaient la polygamie; cruels, la vengeance dominaient leur vie; orgueilleux, ils méprisaient l’homme blanc. »
*

J’ai retrouvé ce passage dans La première Amérique (Ottawa, Éditions du Vermillon, 1989; illustration de Christian Assiniwi, "Protégez le futur"), «essai-poème» de mon ami et complice Jacques Michaud, dit Fidéo de la Corne, efficace directeur d’élection lors de ma participation au Grand Safari électoral de 1979.


Du sucre dans les réserves

il y a eu de grandes périodes de gel
on ne sait trop où s’étaient cachés les Sauvages
ils étaient paraît-il dispersés sur tous les étages du nord
saupoudrés comme du sucre dans des réserves

ils avaient cessé de parler
ils avaient cessé de construire
et c’est toujours par les autres qu’on entendaient parler d’eux
ces missionnaires qui voulaient encore les sauver
et ces fonctionnaires qui voulaient pour toujours
les nourrir
les éduquer
et les loger

mais eux
ils gardaient toujours le silence
ils assistaient sans rien dire à ce nouveau massacre
qui leur passait dans le yeux
ils avaient fini par ressembler à des êtres qui ne sont pas d’ici
accoutrés mal sales dans les guenilles des autres
incapables d’entretenir leur maison
pas capables surtout de faire du ménage dans leur cour

en tout cas
et si par hasard on en voyait
il ne fallait pas leur parler
il ne fallait rien leur dire
ils avaient encore la peau rouge
et les yeux en biseau
leur corps faisait tâche d’huile
ils ne sentaient pas bon
il ne fallait surtout pas sourire
ils habitaient une autre terre
et ne mangeaient que du poisson


Professeur novice à Rouyn, sa ville natale, Jacques a eu, parmi ses élèves au collège, un défenseur des Amérindiens, le magnifique barde abbittibbien Richard Desjardins.

Ces deux artistes illustrent éloquemment la constatation du philosophe français Luc Ferry :
« Les poètes ne chantent plus les clairs de lune ni les couchers de soleil. »
(Apprendre à vivre, essai paru à Paris, chez Plon, en 2006)
* * *
Ce qu’on a pu être bernés, mystifiés par nos élites ! Lors de ma brève carrière de journaliste à La Tuque, toutes les décisions importantes se prenaient une heure avant la séance publique du conseil municipal, dans une petite pièce à l’arrière de la grande salle de réunion. Les journalistes pouvaient y être présents, mais rien ne devait sortir de ce capharnaüm où s’étaient réunis les décideurs… J’étais trop jeune, pas « équipé » pour être en mesure de saisir les véritables enjeux de ces choses supposément publiques et de poser des questions pertinentes. En y repensant aujourd’hui, je crois bien que la situation qui n’avait pas l’heur de déplaire tellement à mon patron d’alors…
On pourra d’ailleurs juger, de visu, de l’allure tout à fait « jeune naïf » de l’apprenti journaliste par cette photo prise dans une chambre de l’hôtel Royal, à l’occasion du lancement de la saison 1964 de la Ligue industrielle de balle-molle.

À l’époque héroïque du stylo à bille et du carnet de notes. De gauche à droite : Denis Bélisle, distributeur local des bières Molson, Roger Rochette, de La Sentinelle [du moins nous en sommes-nous rappelé, Hervé Tremblay et moi : on nous corrigera si nous avons péché par orgueil], hebdo de Shawinigan, Gaston Hamel, correspondant du Soleil de Québec, John Lacasse, président de la ligue, Liguori Frenette et Jean-Claude Houle, des membres du conseil d’administration de la ligue, Pierre Cantin, reporter à pied du tandem CFLM – L’Écho de La Tuque, Réjean Lacombe, correspondant du Nouvelliste de Trois-Rivières. 1er juin 1964.
Photo : Gilles Berthiaume.

La photo me permet de me rapprocher de Sanmaur : John Lacasse, le président de la LBMLT [j’invente l’acronyme…] qui figure sur ce nostalgique document, et sa famille habitait le logis au-dessous du nôtre, dans le petit village de mon enfance.
Je me permets d’utiliser le tableau de monsieur Berthiaume, qui, en passant illustre une drôle de situation : La Tuque comptait à l’époque presque autant de journalistes que …d’élus municipaux! L’emprunt n’a rien d’effronté : l’auteur de la fresque en avait gentiment fait cadeau à l’apprenti journaliste au nombril encore humide que j’étais alors, question de lui souhaiter la bienvenue dans le club de presse latuquois.


Fanas de la balle mollement estivale. Mon père état un maniaque de la balle : au grand désespoir de ma mère, il prenait une partie de ses vacances annuelles en fonction de la tenue de la Série mondiale. L’arrivée de la télé à La Tuque, en 1956, fut pour lui un événement presque miraculeux. Pas étonnant de l’apercevoir sur cette photo, posant en complet-veston, avec ces joyeux animateurs de la boule roulante latuquoise. Remarquez-lui le sourire : en fait, il ne pose pas, il réfléchit la béatitude sportive. Le Nouvelliste. 1960.
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A M E N

NOTES

Une édition « moderne » du récit de Caron, annotée, cité plus haut, a paru en 2000 (Sillery, Septentrion).
POST-SCRIPTUM

J'ai oublié d'insérer cette magnifique recension littéraire, glanée dans la livraison du 9 janvier 1936 du BIEN PUBLIC, hebdo trifluvien que dirigeaient alors Raymond Douville et le poète Clément Marchand. Qu'on lise ce court passage de cette belle apologie, peut-être made in Three Rivers, du fasciste Benoît Leduc, l'assassin à "l'exceptionnelle destiné [sic]", digne représentant de la "génération du feu", laquelle enfantera de nombreux petits : les criminels Rumsfeld, Cheney, le sinistre penseur Wolfovitch et leur remarquable pantin texan, Bush dit Le Petit.

Avertissement Avant de lire le tout dernier paragraphe de cette reproduction de l'écran de mon vénérable Dell, qui en est à ses dernières heures, assurez-vous d'avoir une provision suffisante de papiers-mouchoirs. On sera vraiment touché...

Ah, oui, j'oubliais encore... Le premier ministre britannique Arthur Neville Chamberlain avait rencontré, en septembre 1938, tonton Adolf, un pote à Benoît l'Italien, et l'avait trouvé bien sympathique... Un homme au doux regard ! Un humaniste tout à fait incapable de gazer un maringouin, d'après le lunatique Londonien !
Petit entrefilet trouvé grâce à ce nouveau service offert par Google : on trouvera sur la toile des tonnes d'archives de journaux dont The Shawinigan Standard, The St. Maurice Chronicle. Dans le carnet social de ces hebdos, moult informations sur les gens de La Tuque, surtout les anglophones.

Puis, cette petite découverte, un entrefilet sur Éliane Bergeron, la tante de madame Raîche-Roy, que nous avons appris à connaître par le carnet sur Eugène Corbeil, dont elle fut la secrétaire. Maxime Comtois figure dans ce même Gotha latuquois.

Extrait de l'hebdo St. Maurice Valley Chronicle, 29 avril 1926, p. 9.

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En guise d’ITE MISSA EST !
Ce que j'ai pu aimer cette formule de ''renvoi'' !


« Juger les hommes, démasquer, châtier l’ennemi réel de l’homme,
cet ennemi qui est multitude et qui vole, qui détourne, qui parle de principes,
qui manœuvre, vous ne trouverez qu’une faible partie de cela dans l’histoire. »
– Pierre Vadeboncoeur, ibidem.


Et non, ce n'est pas le p'tit Jésus de plâtre !
C'est Olivier Cantin-Potvin,
survivant à son premier hiver...

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samedi 23 août 2008

EN ATTENDANT LA BIOGRAPHIE D’ANNIE MIDLIGE

Diversion géographique, historique et gastronomique


Il y a de ces petits samedis matins facteurs de moments magiques, diffuseurs de contentitude. Il suffit d’étaler l’édition fraîchement cueillie du dernier quotidien libre au pays, du moins il me semble, Le Devoir, sur l’îlot de la cuisine et, tout en sirotant un café, d’entreprendre la lecture d’icelui. La contentitude atteint son comble quand le papier, comme disaient les anciens, propose à la fois la chronique prétendument littéraire du merveilleux prosateur Louis Hamelin, digne fils spirituel du grand pamphlétaire Jacques Ferron, et celle supposément et fallacieusement sportive du spirituel Jean Dion, plus légère, certes, mais qui offre au lecteur, sur un autre registre, son lot de non moins graves propos sur la condition humaine.

Ces deux escogriffes réfléchis causent-ils vraiment de littérature et de sport? Il y a lieu d’en douter fortement, car ils se comportent plutôt en rusés sociologues dont l’esprit ouvre tout grand les vannes sur notre condition d’Américains – attention ! pas Étatsuniens, mais tonitruants résidants du continent – francophones, tant leur propos nous change de celui de bon nombre de ces benêts et intensifs « tapeux » de clavier à la solde d’empires de désinformation canado-québécois, clavardeurs besogneux, tâcherons scribouillards, qui osent prétendre faire dans le « journalisme » tandis qu’ils ne sont que d’épouvantablement vains échotiers de demi-sous-sols, épandeurs d’anecdotes banales et insipides, faisant indéniablement dans l’amusement facile du badaud par un siphonnage intensif, à gauche et à droite, d'insignifiantes matières à commentaires quand ce ne sont pas lesdits badauds qui leur fournissent qui une page trouvée par hasard sur la Toile, qui une vidéo de Hiyoutoube...

Pierre Cantin, la main dans … le sac, ou plutôt dans la fente à courrier de
la succursale de Postes Canada, à la Longue-Pointe-de-Mingan, dispositif à bascule d'où émergent parfois de curieux quadrupèdes. Icône à peine truquée par le pas très calé en informatique carnetier.
Photo : Jacqueline Potvin, 9 juillet 2008.


Holà ! Quel gigantesque écart à mes propos mauriciens, moi qui pourtant avais presque promis de ne plus déverser de mes humeurs mauvaises dans ce carnet ? Tout simplement parce que le hasard a fait en sorte que deux chroniques de Hamelin causaient de la Côte-Nord, de la Minganie, plus précisément, où, au début de juillet, j’allai passer quelques jours enchanteurs.

Et le lien avec mon carnet ? Tout bonnement que j’aurais pu y rencontrer, en pleine Minganie, une arrière-petite-fille d’Annie Midlige, que j’ai relancée à Parent, en Haute-Mauricie (ou est-ce déjà l’Abbittibbi ?), et qui, dans le cours d’une intéressante conversation téléphonique, peu avant mon départ pour Sept-Îles et les petites localités de la côte, me confiait avoir en sa possession une importante collection de documents et d’objets ayant appartenu à la prodigieuse marchande d’origine syrienne et qui m’invitait à lui rendre visite pour en prendre connaissance. Puis, drôle de coïncidence, cette dame m’a confié qu’elle partait, elle aussi, pour la Longue-Pointe-de-Mingan, chez des parents, pour tout le mois de juillet, question de s’y adonner à la pêche. Je ne l’ai toutefois pas rencontrée là-bas et je compte bien le faire à Parent, à l’automne.


Longue-Pointe-de-Mingan, 9 juillet dernier. En zieutant cette
fourgonnette transformée en cantine mobile, installée le long de la 138, en face du centre d’interprétation de Parcs Canada, à l’entrée de la petite localité, j’ai cru un instant que l'ineffable André Ouellet, l’ancien p.-d. g. de Postes-Canada et installateur patenté de MIUF, baron ministré aux dépenses torrentielles, avait piqué un ancien véhicule de livraison de la Société pour s’en faire un « stand à patates frites » ! Perception équivoque, causée probablement par le fait que, dans ce minuscule village, comme à Havre-Saint-Pierre, le bleu, le blanc et le rouge s’étalent partout, rappel flamboyant de la descendance acadienne de ses habitants.
Photo : Pierre Cantin, 9 juillet 2008.


De retour de Sept-Îles sur les ailes d’Air Canada – toutes les envolées, une demi-douzaine aller-retour d’Ottawa, bien ponctuelles et « servies » dans les deux langues officielles du pays –, j’ai poussé une pointe jusqu’à La Tuque. J’en ai profité pour me rendre au cimetière et aller y saluer les membres du clan Midlige enterrés dans la section réservée aux païens et aux païennes.

Les Midlige devaient faire l’objet de la présente page de mon carnet. Pour l’instant, je ne ferai que glisser ici deux photos de stèles funéraires rappelant le passage de quelques membres de la famille des Midlige et des Blais en Mauricie…

Pierre tombale d’Eva Lisa et de Mary Midlige.
Photo : Pierre Cantin, La Tuque, 25 juillet 2008.

Monument funéraire des époux Annie Midlige et
Joseph-Edmond Blais. Photo : Pierre Cantin, La Tuque, 25 juillet 2008.

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… de même qu’un mot, en fait, un passage, emprunté aux mémoires de Max Comtois,

http://drcomtois.situs.qc.ca/oscalanea.html

un médecin qui pratiqua à La Tuque, qui y commet un commentaire aux termes très peu flatteurs, voire méprisants, sur l’un des fils d’Annie Midlige, un des pionniers du village d’Oskélanéo, qui était, comme sa mère, un commerçant et sur qui je reviendrai. Comtois y était allé en draisine pour soigner la femme du marchand écossais, une Amérindienne. Écossais et Amérindiens, une mauvaise engeance pour un papiste dévot, ami du curé de la paroisse, l’ultramontain Eugène Corbeil. Aussi a-t-il pu se sentir fort charitable, cet omnipraticien, bien « bon » de se déplacer pour soigner une « Sauvagesse », épouse en plus d’un protestant. C’était l’époque, concèdera-t-on, un temps où les notables possédaient la vérité, le savoir et le pouvoir tout à la fois…

Les éditeurs de ce site, petit-fils et petite-fille du médecin, précisent que plusieurs noms y ont été trafiqués. Ici, par exemple, le patronyme de Midlige est transformé en MacRidge; celui du missionnaire oblat Caron, en Courbon. Était-ce utile ou véritablement pertinent de procéder à ce camouflage ? J'en doute, surtout que les gens intéressés à la généalogie aurait pu y trouver des renseignements utiles.

Je transpose ici – j’y ai corrigé de rarissimes coquilles – l’extrait de cette page, intitulée «Oscalanea».


« Le Transcontinental comme on l'appelle, passe à Oscalanea, à cent trente milles de La Tuque. Si on peut appeler ça un village, c'en est un petit. Nous y trouvons un magasin général où il y a de tout et où s'approvisionnent les Indiens de la région qui viennent y vendre ou plutôt échanger leurs fourrures. À part de ce magasin général, il y a quelques petits campements.

Le propriétaire de ce magasin, Nick MacRidge, est le grand manitou de la place. Il y exploite royalement les Indiens qui sont de grands, naïfs enfants. C'est donc dire qu'ils paient à prix d'or ce dont ils ont besoin en nourriture ou en vêtements. Ce Nick MacRidge qui y fait fortune n'ayant aucune compétition est un supposé Écossais qui a échoué dans ce pays sauvage. D'où venait-il, personne ne le savait. Il avait dû travailler pour la compagnie de la Baie d'Hudson qui depuis toujours faisait le commerce avec les Indiens. C'est probablement là qu'il avait appris à les exploiter. Il était lui-même marié avec une grosse Indienne. »

[…]

« Il arriva un jour que sa femme tomba malade et je reçois un télégramme du missionnaire de Parent, le père Courbon, me demandant de me rendre le plus tôt possible à Oscalanea, soit une distance de cent trente milles. Il fallait couvrir cette distance en «speeder», petit véhicule mu par un moteur à gazoline qui peut filer à une vitesse de trente-cinq à quarante milles à l'heure sur la voie ferrée. »

Montage exécuté par Gaston Gravel et situant le poste de la Hudson
Bay
à Oskélanéo, ce village planté le long de la voie ferrée du Canadien National, où est d'ailleurs née sa belle-mère, Fernande Bourassa. Faudrait voir quelles étaient les dimensions du magasin-général de Midlige à cet endroit et si la HBC 'consentaient' de si bons prix à sa clientèle américaine...

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NOTES

À La Tuque, d’après mes sources, qui sont très sûres, il ne resterait qu’un stand à patates frites monté sur roues, garé rue Bostonnais, tandis qu’on y trouve deux franchises de chaînes amerloques, dont un « grassouillard » EDC (Empoisonneur du coin : expression que j’utilisais, au siècle dernier, pour convaincre mon fils Olivier que ce n’était pas là un endroit où se sustenter selon les prescriptions du guide alimentaire de Santé Canada).

L’affiche géante de la concession latuquoise de PFK, triplement plantée
dans un champ, en
bordure de la 155, avant d’arriver « en ville ».

On y notera la volonté de faire "saveur locale", velléité légèrement coquine, mais loufoque tentative de minimiser la perversité de la mondialisation galopante. le panneau a tout de même un côté avantageux : son message précisera au voyageur affligé d’une gastro ramassée à Shawinigan ou à Grand-Mère, dans un lupanar alimentaire, qu’il n’est qu’à sept kilomètres de l’hôpital de La Tuque, l’établissement avicole y déparant le
paysage à quelques pas du plus gros édifice de la place!
Photo : Pierre Cantin, 24 juillet 2008.


Les promoteurs venus de la « Land of the Free » ont eu beau établir leurs baraques dans des endroits bien stratégiques, ils n’ont pas réussi à déloger Chez Wallace, une institution latuquoise plus que cinquantenaire, dont le propriétaire, Wallace Blackburn, abandonnant sa légendaire fourgonnette nourricière, s’est ancré tout à côté de la gare, rue Saint-Louis. Aux dernières nouvelles, ses cuvées parmentières étaient toujours les meilleures en ville.

Chez Wallace, rue Saint-Louis, vu depuis la gare de Via Rail. De l’autre côté de la rue, presque en face, l’immeuble qui héberge la station de radio CFLM 1240, où je fus, en 1964, brièvement journaliste et un peu, mais si peu, programmeur d’émissions de fin de semaine.

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Relique solitaire de mon court passage dans les studios de CFLM : une feuille de route qui servait, une fois par année, à calculer les redevances et les droits d'auteur devant être versées aux artistes - auteurs et compositeurs). Cette semaine-là, on ne faisait jouer que du "contenu canadien" ou presque: charité bien ordonnée...

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Retombées de mes propos sur la coupe à blanc survenue en 1988 le long du boulevard Ducharme. Depuis la parution de mon dernier carnet, Gaston Gravel m’a fait parvenir plusieurs documents sur ce déplorable événement duchesnien, dont ce montage, qui illustre, mieux que mes deux cartes postales anciennes, les résultats de l’opération du maire tronçonneur. Et puis, aux Piles, où je me suis livré à un petit safari photos, en route vers mon home chelséan, je n’y ai point rencontré le quidam coupeur : on m’avait pourtant dit qu’il y créchait…

Sur la photo couleur, on notera le trou béant laissé par le glissement d’une maison vers le terrain de golf, plus bas, provoqué par un bris de conduites souterraines. Ironie du sort, les parents de l’ancien maire habitaient tout juste au nord de ce lieu, du même côté de ce qui était la rue Commerciale. Mes parents, eux, occupèrent brièvement, dans les années 1970, un logis du rez-de-chaussée, côté nord, du gros édifice blanc, à droite du « cratère ».

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Un artéfact mauricien, rare, pris à la volée, ce 25 juillet 2008, dans l’un des multiples capharnaum d’Hervé Tremblay, qui m’a révélé la présence, à Parent, de cette arrière-petite-fille d’Annie Midlige. Photo : Pierre Cantin.


Puisqu’il est question de La Tuque, deux suggestions de lecture : le carnet de Micheline Raîche Roy, consacré Eugène Corbeil :

(http://lbiographieeugenecorbeil.blogspot.com/2008_08_17_archive.html).

Elle y livre des documents inédits sur le curé fondateur de la paroisse Saint-Zéphirin, entre autres, la transcription d'une causerie qu'il donna le 25 mai 1925, de retour de son second voyage outre-mer.

Ensuite, celui de Jean-Georges Laporte qui y commente occasionnellement l'actualité latuquoise.

(http://www.echoducitoyen.com/).

Il y a en sans doute d’autres. J'apprécierais beaucoup qu'on m'en signale l'adresse URL.

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